Intervention de Jean-Yves le Drian

Réunion du 30 septembre 2014 à 16h30
Commission des affaires étrangères

Jean-Yves le Drian, ministre de la défense, sur la situation en Irak :

Alors qu'Al-Qaïda menait des actions ponctuelles, Daech, c'est sa nouveauté, entend occuper un territoire et l'étendre jusqu'à la Jordanie et au Liban, reconstituant le grand Califat abbasside ; c'est là un changement d'échelle, du point de vue de la détermination et des moyens comme de la visée stratégique. L'Arabie saoudite ne peut évidemment accepter cette volonté expansionniste, et s'inquiète également de la présence de certains de ses ressortissants auprès de Daech. La rapidité des succès de ce mouvement s'explique, monsieur Bacquet, par l'engagement à ses côtés de groupes immédiatement opérationnels, même si l'on était loin d'imaginer que l'armée irakienne, les Kurdes mis à part, opposerait une résistance aussi faible.

Notre engagement répond, non à celui des États-Unis, mais à une demande officielle des autorités irakiennes : il est justifié par notre statut de membre permanent du Conseil de sécurité, par la nécessité de protéger des pays amis et par les déclarations mêmes de Daech, qui a identifié la France comme l'un de ses principaux adversaires et compte en son sein plusieurs de nos compatriotes, désireux de venir porter le terrorisme sur notre sol. Les autres pays de la coalition, en tout cas occidentaux, ont accédé à la demande des autorités irakiennes pour des raisons proches des nôtres.

Cela n'aurait cependant pas été possible, monsieur Loncle, sans le nouvel accord politique mis en oeuvre par M. al-Abadi. La solution politique, nécessairement inclusive, prendra la forme que choisiront les Irakiens eux-mêmes. Ce pourrait être, par exemple, une fédération entre Chiites, Sunnites, Kurdes et chrétiens, puisque les territoires sont, par le fait, liés à l'appartenance ethnique ou religieuse. La France est prête à apporter son aide pour cette solution, qui passe aussi par la formation d'une armée elle-même représentative de chacune des composantes. En Syrie, le départ de Bachar el-Assad est un préalable, même si je partage vos interrogations sur l'opposition et sa faiblesse : c'est aussi la responsabilité de la communauté internationale que de lui donner la cohérence qu'elle cherche depuis deux ans.

Contrairement à ce que j'ai pu lire ici ou là, on ne s'appuiera ni sur Bachar el-Assad, ni sur l'Iran pour combattre Daech, monsieur Habib. Entre un terrorisme sanguinaire et une dictature sanguinaire, on ne choisit pas : telle est la position du Président de la République. Si l'Iran souhaite apporter son aide à l'Irak, en plus de ses combattants présents dans la région de Bassora, qu'il le fasse – je rappelle au passage que le Président irakien, M. Massoum, est un Kurde, et que le Premier ministre, M. al-Abadi, est d'origine chiite –, mais sans imaginer que c'est là un moyen de régler la question nucléaire.

Tous les volontaires sont les bienvenus au sein de la coalition, monsieur Bui ; il n'est d'ailleurs pas exclu que l'Indonésie ait intérêt à la rejoindre, à l'instar de l'Australie, dont certains ressortissants sont venus grossir les troupes de Daech. Sa participation s'explique donc, outre la solidarité avec l'Occident, par des préoccupations pour sa sécurité ; c'est aussi, on ne le répétera jamais assez, ce qui justifie la nôtre au premier chef.

Quant à la coordination, Madame Fourneyron, elle est assurée à Tampa pour la stratégie générale, à El-Oudeïd, au Qatar, pour les moyens d'action aérienne, à Bahreïn pour les moyens d'action navale et au Koweït pour les moyens d'action terrestre. Elle réunit des États et ne s'inscrit en rien dans le cadre de l'OTAN ; si elle s'opère dans des instances sous responsabilité américaine, nos officiers y prennent toute leur part et nous définissons nos propres cibles.

Six Rafale sont aujourd'hui engagés, au même titre que huit avions de chasse australiens, six britanniques, huit hollandais, six belges et sept danois : cela compose un ensemble suffisant au regard de la mission, non de destruction d'un territoire, mais d'appui aérien à l'armée irakienne. S'agissant de l'Allemagne, elle a livré, pour la première fois depuis l'après-guerre, des armes aux combattants, notamment kurdes, qu'elle contribue aussi à former.

Lors du déplacement du Président de la République à Riyad l'an dernier, entre Noël et le jour de l'An, monsieur Marsaud, ce n'est pas Daech qui inquiétait le plus les autorités saoudiennes et une partie des libanaises. Aux termes de l'accord tripartite qui fut alors conclu, l'Arabie saoudite devait financer le dispositif, la France assurer des livraisons de matériels et l'armée libanaise en faire usage. Cela se fait sans l'opposition d'Israël. La liste ayant été officiellement validée par les trois parties, il ne manque plus que la signature financière de l'Arabie saoudite.

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