Aucun parlementaire ne l'ignore, mais il lui arrive de l'oublier : l'article L 518-2 du code monétaire et financier place la Caisse des dépôts et consignations « de la manière la plus spéciale, sous la surveillance et la garantie de l'autorité législative ». Le groupe Caisse des dépôts (CDC) partage le souci qu'a l'État de développer l'activité et de soutenir, autant que faire se peut, l'investissement. Cette volonté commune s'est traduite par la création de la Banque publique d'investissement, Bpifrance, détenue à parité par BPI-Groupe et par la CDC, laquelle a apporté Oséo, le fonds stratégique d'investissement (FSI) – qui avait lui-même été doté lors de sa constitution par l'Agence des participations de l'État –, CDC Entreprises et quelques autres fonds dont le fonds franco-chinois.
C'est toujours un exercice un peu dangereux que de s'associer avec l'État à parité : parce qu'il incarne l'intérêt public, ses prérogatives et sa puissance sont d'une tout autre mesure que celles de ses partenaires, si bien que cette parité théorique n'empêche pas des relations quelque peu déséquilibrées. La CDC et le ministère des finances sont convenus d'un accord dont le Parlement a eu connaissance. Le texte stipule que l'activité de prêt est du ressort de l'État et l'investissement du ressort de la CDC, ce qu'il faut parfois rappeler aux ministres tentés de prendre des décisions d'investissement ou d'essayer de les imposer. L'équilibre atteint est donc fragile, mais l'essentiel est que, sous l'action de Bpifrance, les en-cours de crédit augmentent et les hauts de bilan se développent.
La CDC ayant apporté quelque 10 milliards d'euros de fonds propres à la nouvelle entité, j'ai souhaité la création d'un comité de suivi de Bpifrance, qui est venu s'ajouter aux autres comités de la Commission de surveillance : le comité d'examen des comptes et des risques, le comité du fonds d'épargne, le comité des investissements, ainsi que le comité des nominations et des rémunérations – qui est appelé à s'étoffer. En 2014, le comité de suivi de Bpifrance s'est réuni une fois pour examiner l'activité d'investissement, une autre fois pour examiner l'activité de financement.
Cette seconde réunion nous a permis de constater que les en-cours bancaires se développent de manière très satisfaisante, Bpifrance jouant activement le rôle de garant qui lui a été assigné. Le dispositif qui connaît le plus grand succès est le prêt de développement à 7 ans, dont le différé de remboursement de 24 mois facilite l'amortissement en permettant un premier retour sur investissement avant d'initier le remboursement. La palette des prêts fait cependant l'objet d'une terminologie foisonnante et l'offre gagnerait à être simplifiée : les chefs d'entreprise s'y perdent alors même que les formules de base ne sont en réalité qu'au nombre de deux ou trois. Le comité de suivi en a fait l'observation à M. Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance ; il a convenu que ces nombreuses dénominations sont plus justifiées par un souci de communication que par des considérations d'ordre économique.
Le comité de suivi a relevé que Bpifrance étant, par doctrine, exclusivement co-financeur, il peut se produire que, alors qu'elle s'est prononcée favorablement et vite, elle ne trouve pas de partenaire. J'ai eu connaissance d'un cas de ce type dans les Landes : alors que la garantie de prêt avait été accordée en février 2014, les fonds n'ont été versés qu'en février 2015, une année ayant été nécessaire pour trouver un coprêteur. C'est fâcheux, car l'entrée en production du laminoir concerné en a été retardée d'un an. Le même obstacle vaut de manière plus marquée encore pour les investissements, car si l'ancien Oséo et le système bancaire avaient coutume de travailler ensemble et que ces habitudes ont perduré, elles n'existent pas en matière d'investissement.
Le comité de suivi a ensuite constaté une situation paradoxale. Alors que l'on avait craint qu'un afflux de demandes de crédits nouveaux à la solvabilité incertaine ne fasse de Bpifrance un gouffre, on ne peut qu'être frappé par la faiblesse de la provision affectée aux crédits non remboursés. Le comité de suivi en a déduit que la Banque privilégie les opérations les plus sûres. En atteste un coût du risque, dérisoire, de 36 millions d'euros seulement en 2014, pour un en-cours de 5 milliards.