Intervention de Général Bruno le Ray

Réunion du 21 mars 2016 à 14h00
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

Général Bruno le Ray :

Il est alimenté par deux canaux : d'une part, celui des forces elles-mêmes – ainsi le 54e régiment d'artillerie, basé au PC de Vincennes, recueillait-il les renseignements transmis par les soldats sur le terrain –, d'autre part, celui constitué par les officiers de liaison répartis dans les différents centres opérationnels (CO) de la préfecture de police. Par ailleurs, mon état-major est également en contact avec le secrétariat général de la zone de défense (SGZD), qui est son interlocuteur naturel en temps ordinaire. Il se trouve qu'à l'heure des faits, le SGZD n'était pas totalement opérationnel, ce qui fait que les renseignements sont arrivés par tous les canaux. C'est ainsi que j'ai été personnellement informé peu avant vingt et une heures trente que plusieurs attentats avaient été commis dans Paris.

J'ai quitté le Stade de France à la mi-temps – le Président de la République avait lui-même quitté la tribune officielle quelque temps auparavant pour gagner le poste de sécurité du stade – afin de rejoindre mon lieu de travail situé aux Invalides, à partir duquel j'ai continué à assurer le suivi de l'opération et son commandement tout au long de la nuit. Dès le départ, j'ai donné des ordres afin de mettre en alerte, au sein de chacun des trois groupements, l'élément de réaction rapide prévu pour faire face à ce type de situation – il s'agit d'une compagnie dans chaque groupement. J'ai demandé que soient sécurisés tous les sites sur lesquels des militaires étaient encore déployés, et j'ai fait rappeler tous les militaires qui se trouvaient en repos – certains, qui se trouvaient au Stade France, ont ainsi dû regagner leur unité à Vincennes en petites foulées.

Dès que j'ai obtenu de mon CO – qui tenait lui-même le renseignement de la préfecture de police – la confirmation du fait que nous étions confrontés à une attaque coordonnée multisite, j'ai fait renforcer la sécurité de tous les sites sur lesquels des militaires se trouvaient déployés, et j'ai engagé un élément de réserve du groupement Paris centre, afin de renforcer l'unité déjà au contact rue de Charonne et au Bataclan. La compagnie de réserve du groupement de Vincennes est partie renforcer les unités du 11e arrondissement, tandis que je dirigeais les deux autres – celle du groupement Est celle du groupement Ouest – vers Bastille, où se trouvaient regroupées des forces de sécurité, afin qu'elles puissent intervenir rapidement en cas de nécessité. Dans le même temps, j'ai fait placer l'ensemble du dispositif sous les ordres du chef de corps du groupement, qui est parti sur le terrain avec un PC tactique afin de coordonner l'action des militaires et pallier toute difficulté de liaison avec les FSI : de cette manière, il pouvait en effet « commander directement à la voix ».

La présence militaire, sous la forme de l'arrivée de soldats lourdement protégés et armés, a rapidement eu pour effet de rassurer la population, les pompiers et les policiers. Appuyant les forces de sécurité intérieure suivant les consignes qui leur étaient données sur place, nos hommes ont bouclé des secteurs, ils ont couvert certaines directions et en ont interdit d'autres – afin d'éviter la fuite ou l'arrivée de terroristes. J'ai fait sécuriser l'aéroport du Bourget, tenant compte de la présence sur ce site d'éléments détachés dans le cadre de la préparation de la COP21 et non armés. Enfin, sur réquisition de la préfecture de police, nous avons pris en charge le remplacement des forces de sécurité intérieure qui assuraient la protection de Matignon, de l'Assemblée nationale, du Sénat et de l'hôpital Necker ; pour ce qui est de ce dernier site, nous avions reçu des informations provenant du secrétariat général de la zone de défense, selon lesquelles ce lieu accueillant des blessés risquait de faire l'objet d'une attaque.

Dans le même temps, pour préparer le futur, c'est-à-dire pour anticiper l'arrivée probable de renforts dans les heures et les jours suivants, j'ai fait mettre en alerte la zone de transit de Brétigny, qui est l'endroit par lequel arrivent et repartent toutes les unités militaires de Paris : elles y perçoivent leurs équipements – bombes lacrymogènes, matraques télescopiques, gilets pare-balles et casques lourds – avant de partir sur site, et les y restituent au retour de mission. Au total, nous disposions au milieu de la nuit d'environ 500 militaires engagés sur ou à proximité des lieux d'attentat du 11e arrondissement – j'englobe les unités se trouvant en renfort éventuel à Bastille – et de 500 militaires engagés sur la sécurisation des quatre sites que j'ai évoqués précédemment.

Dès le lendemain matin à six heures trente, nous avons repris la mission Sentinelle habituelle, consistant à sécuriser les 325 sites que j'ai mentionnés – j'avais doublé l'effectif sur tous les sites « Vigipirate historique », en particulier les gares. Le soir du 14 novembre, nous avons accueilli les premiers renforts sous la forme de deux compagnies Guépard TAP du 3e régiment de parachutistes d'infanterie de marine (RPIMa). Au total, dans les quarante-huit heures ayant suivi les attentats, nous avons reçu le renfort de 2 500 soldats. Durant toute la durée des opérations, je suis resté en contact avec le cabinet du ministère de la défense et le chef d'état-major des armées.

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