Intervention de Général Bruno le Ray

Réunion du 21 mars 2016 à 14h00
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

Général Bruno le Ray :

La question de la sollicitation des personnels de l'armée de terre ne relève pas de ma responsabilité, puisque je ne suis qu'un employeur des moyens que l'on met à ma disposition. Cela dit, c'est un sujet particulièrement sensible. En début d'après-midi, j'ai effectué une présentation pour le ministre de la défense, ce qui m'a amené à me rendre sur les sites de l'îlot Saint-Germain et du fort de l'Est. Cela a été pour moi l'occasion de rappeler que 43 régiments différents – sur les 80 régiments environ que compte l'armée de terre – sont présents en ce moment à Paris pour une rotation de six semaines, étant précisé que certaines unités interviennent pour la septième fois. La sollicitation des personnels de l'armée de terre est donc effectivement très forte, ce qui justifie la campagne de recrutement actuellement mise en oeuvre. Si cette campagne donne d'excellents résultats, nous n'en profiterons pas immédiatement, car la formation nécessaire pour qu'une nouvelle recrue puisse intervenir sur le terrain dure un certain temps.

Me faisant ici le porte-parole du chef d'état-major de l'armée de terre, qui est aussi mon chef sur une autre partie de mes responsabilités, je pense pouvoir affirmer que des unités supplémentaires vont être constituées au sein des régiments à partir de la fin de l'année, ce qui nous autorisera à revenir à un taux de rotation plus satisfaisant, permettant aux personnels d'être engagés sur les opérations, de se préparer correctement à l'éventualité de devoir livrer des combats de haute intensité au Mali ou en République centrafricaine, et de prendre un peu de repos entre-temps. En l'état actuel des choses, la sollicitation intense des régiments nous impose de déterminer au plus juste le volume des effectifs à déployer pour répondre aux besoins.

Pour ce qui est des conditions d'hébergement, celles de l'îlot Saint-Germain m'ont semblé tout à fait satisfaisantes, tandis que le fort de l'Est est plus spartiate. Quant à la mairie du 11e arrondissement, si elle offre un hébergement effectivement peu confortable – on ne peut y installer que des lits Picot –, elle présente l'avantage d'être située en plein coeur du 11e arrondissement, ce qui permet aux unités qui y sont basées de rejoindre leur lieu de mission en dix minutes à pied, au lieu d'avoir à effectuer un trajet d'une heure et demie en camion pour venir de Brétigny-sur-Orge, par exemple – sans compter que les personnels concernés apprécient, quand ils sont en repos, de pouvoir aller boire une bière en ville très facilement : c'est pourquoi, si vous faisiez un sondage parmi les personnels des unités logées dans la mairie du 11e arrondissement, vous n'auriez sans doute pas que des avis négatifs.

En tout état de cause, les conditions d'hébergement constituent un sujet de préoccupation permanent, et d'importants investissements sont effectués afin d'améliorer la situation – ainsi certains bâtiments du fort de l'Est sont-ils rénovés de fond en comble. Nous avions déserté – quand elles n'avaient pas été vendues – les enceintes militaires situées à l'intérieur de Paris, et nous sommes en train de les réinvestir afin de remonter durablement nos capacités, ce qui prendra un an ou deux. Les travaux effectués à l'Îlot Saint-Germain – où des bureaux doivent être transformés en lieux de vie – et au Val-de-Grâce vont nous permettre d'héberger environ 1 000 hommes en plein Paris dans des conditions satisfaisantes.

Sur le fait que les mêmes soldats soient amenés à intervenir en opérations extérieures et sur le territoire national, je veux souligner que les soldats présents le soir du 13 novembre ont mis en oeuvre ce que leur expérience du combat sur le terrain leur avait appris : ils sont allés au contact des forces de sécurité intérieure afin de proposer leurs services, et se sont ensuite répartis pour assurer des missions d'appui ou de sécurisation des accès – par exemple en installant des chicanes improvisées –, qui ont aidé à circonscrire et à maîtriser la situation.

Pour moi, la notion de primo-intervenant implique celle de la responsabilité : or, de mon point de vue, la responsabilité d'assurer la sécurité sur le territoire national doit rester aux forces de sécurité intérieure. Si les militaires interviennent, c'est donc toujours sous le contrôle de l'autorité civile, et ils ne réclament pas d'être plus autonomes pour aller faire la guerre dans un quartier de Paris ou de Marseille. Les forces de sécurité intérieure et les militaires doivent se coordonner sur place comme ils l'ont fait le 13 novembre. Tous les jours, mes soldats sont sollicités pour accomplir des missions relevant de leurs compétences. Il peut s'agir, par exemple, de mettre en place un périmètre de sécurité dans un aéroport lorsqu'un bagage abandonné y est découvert, de sécuriser des zones où interviennent des chiens détecteurs de drogue, ou encore de mettre en place une bulle de protection aérienne pour couvrir certains grands événements.

Quand les militaires se trouvent confrontés seuls à une situation nécessitant d'intervenir, ils figent la situation comme le feraient les policiers, et entrent en contact avec les forces de sécurité intérieure au moyen d'ACROPOL pour leur demander d'intervenir. Fort heureusement, ils interviennent le plus souvent pour d'autres situations que des attaques terroristes : en dehors du prêt de main-forte, il peut s'agir de flagrants délits – qu'ils soient en présence d'individus brisant des vitres devant la gare Montparnasse, ou d'autres prenant des photos sur l'esplanade de la Défense –, en présence desquels ils font ce qu'est censé faire tout citoyen, à savoir geler la situation en attendant l'arrivée des personnels compétents.

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