Intervention de Général Bruno le Ray

Réunion du 21 mars 2016 à 14h00
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

Général Bruno le Ray :

Vous avez été plusieurs à évoquer la mission de Sentinelle consistant à rassurer la population. Si cette mission existe, elle n'arrive qu'en troisième position après celles consistant à protéger et à dissuader, dont elle est surtout un effet induit. Ce n'est pas qu'une question de sémantique : cette hiérarchie des priorités reflète bien notre façon de concevoir la mission qui nous est confiée, et ce serait faire injure aux soldats que de leur dire qu'ils sont là uniquement pour rassurer.

Pour ce qui est de la coordination, une cellule interministérielle de crise (CIC) est actionnée en temps de crise – cela a été le cas à partir du 13 novembre, pour quelques jours durant lesquels elle a fonctionné 24 heures sur 24. En temps normal, des réunions interministérielles sont régulièrement organisées par le ministère de l'intérieur, auxquelles participent l'état-major des armées et, en tant que de besoin, les forces parisiennes.

Une coordination est donc mise en oeuvre en amont – dans la programmation des activités par les cabinets ministériels – comme sur le terrain – par contact physique ou par radio, puisque toutes nos patrouilles sont équipées de moyens radio leur permettant de communiquer avec les forces de sécurité à l'intérieur du périmètre où elles se trouvent.

Nous répertorions tous les incidents, ce qui me permet de vous dire que l'an dernier, nous avons identifié 1 600 incidents de toute nature, parmi lesquels on compte essentiellement des incivilités, des insultes ou des tentatives de photographier un dispositif sensible, mais très peu d'agressions ou de tentatives d'agression sur la personne des soldats – la plupart du temps, les incidents sont d'ailleurs le fait de personnes sous l'emprise de l'alcool, qui ne se rendent pas compte de ce qu'elles font. Nous prêtons souvent main-forte aux forces de sécurité intérieure pour établir des périmètres de sécurité, et nous décelons des actions de surveillance de nos sites ou des sites que nous protégeons – nos soldats sont entraînés à identifier les allées et venues suspectes. Chaque incident fait systématiquement l'objet d'un rapport transmis par radio aux forces de sécurité avec lesquelles nous nous coordonnons.

Pour ce qui est du coût de l'opération Sentinelle, même si cela ne relève pas de mes attributions en tant que gouverneur militaire de Paris, je vous dirai de mémoire qu'il s'est élevé à 170 millions d'euros pour 2015.

Il se trouve déjà un certain nombre de réservistes parmi les personnels dont je dispose. En moyenne, depuis janvier 2015, ce sont un peu moins de 200 réservistes qui sont déployés en permanence au sein du dispositif Sentinelle – ce chiffre s'est élevé à 400 durant les fêtes de fin d'année, ce qui s'explique par le fait que les réservistes se libèrent plus facilement durant les périodes de congé.

Enfin, pour ce qui est de l'emploi des forces armées, que M. Laurent préférerait voir affectées aux missions situées en dehors de nos frontières, mon point de vue de militaire me porte à penser qu'il faut faire face à la menace où qu'elle soit : j'aurais du mal à considérer que mes hommes sont capables d'aller combattre au Mali, mais que nous n'avons pas de rôle à jouer dans la défense de nos compatriotes, de nos familles, sur le territoire national. Cela ne doit cependant pas aller jusqu'à transformer les militaires en forces de sécurité intérieure, car si des soldats préparés aux missions extérieures sont capables d'intervenir sur le territoire national, l'inverse n'est pas vrai. En disant cela, je pense exprimer un point de vue qui est également celui des chefs militaires et du ministre de la défense.

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