Intervention de Alain Vidalies

Réunion du 8 décembre 2015 à 8h15
Commission des affaires européennes

Alain Vidalies, secrétaire d'état chargé des transports, de la mer et de la pêche :

Comme j'ai eu l'occasion de l'exposer lors de ma précédente audition, en février, j'attache la plus grande importance à la dimension européenne des sujets qui relèvent de mes attributions. On dit parfois, fort justement, que tout se décide à Bruxelles ; la France doit donc être présente dans toutes les discussions européennes. Le principe même de la politique commune de la pêche est la mise en commun des espaces maritimes des différents États membres. Cette réalité impose une démarche constructive avec la Commission européenne, les autres États et le Parlement européen.

Je me suis attaché à nouer des relations de travail et un dialogue approfondis avec la Commission et en particulier le commissaire européen en charge des affaires maritimes et de la pêche, M. Karmenu Vella, que j'ai accompagné pour sa première visite en France, à Brest, le mois dernier. Nous avons à cette occasion rencontré les représentants des pêcheurs et les ONG, pour des discussions de travail sur les principaux enjeux.

Je suis également attentif aux relations avec le Parlement européen. Je salue le travail réalisé par sa Commission « pêche », et notamment nos deux représentants titulaires, M. Alain Cadec et Mme Isabelle Thomas.

Comme chaque année à cette époque, l'actualité dans le secteur des pêches maritimes est occupée par le Conseil des ministres en charge de la pêche, qui aura pour mission d'adopter les quotas de pêche pour 2016 à partir des propositions de la Commission européenne. Ce rendez-vous aura lieu les lundi 14 et mardi 15 décembre à Bruxelles.

Les propositions de la Commission européenne sont connues et difficiles pour un nombre important de stocks : moins 37 % pour la sole du golfe de Gascogne, moins 32 % pour la sole de Manche orientale, des baisses de précaution quasi généralisées de moins 20 % pour la plupart des stocks. Pour la protection du bar, la Commission européenne propose une fermeture à la pêche de six mois, du 1er janvier au 30 juin, puis une limitation à une tonne par mois.

Face à ces propositions, je souhaite soumettre à mes homologues du Conseil une démarche en vue de défendre les intérêts de la pêche française tout en garantissant l'exploitation durable et responsable des ressources. Il faut partir de deux constats tirés par la Commission européenne elle-même. Le nombre de stocks exploités au rendement maximum durable (RMD) est en constante progression. Alors que 2 % des stocks étaient au RMD en 2003, 18 % l'étaient en 2005, et 61 % en 2008. L'état des stocks dans les eaux européennes de l'Atlantique s'améliore donc, il faut le souligner, même si des efforts restent nécessaires pour parvenir au RMD sur l'ensemble des espèces d'ici à 2020. Le nombre de stocks pour lesquels les données scientifiques permettent d'évaluer le RMD est également de plus en plus important.

Dès lors, pour les stocks dont on connaît le RMD, nous devons examiner les situations au cas par cas. La France est attachée au principe de gestion au RMD. Toutefois, conformément à ce qui a été adopté, la France souhaite l'atteinte du RMD en 2016 là où c'est possible et, au plus tard, en 2020. Les propositions de la Commission européenne, qui visent à l'atteinte du RMD en 2016, doivent donc être modulées, et c'est bien ce qui est prévu quand les propositions mettent en péril la viabilité sociale et économique des pêcheries concernées. La France est d'accord avec l'objectif : c'est le rythme pour y parvenir qui sera débattu au Conseil.

S'agissant des stocks pour lesquels les données sont incomplètes, la France s'opposera aux baisses de précaution de 20 % prévues par la Commission européenne. L'absence d'un avis scientifique complet ne peut justifier des diminutions permanentes de TAC. C'est la position que j'ai tenue l'an dernier et qui a permis une stabilité globale des TAC ; il faudra donc de nouveau convaincre la Commission européenne du caractère raisonnable de cette approche.

Je souhaite mettre en avant les efforts réalisés par nos professionnels en matière de gestion et de sélectivité pour préserver nos possibilités de pêche. Nous devons valoriser les efforts de nos comités des pêches et de nos organisations de producteurs, qui me permettront une fois de plus d'aborder les discussions avec des mesures de gestion complémentaires à proposer au commissaire européen. Les discussions ont été difficiles sur les quais pour faire accepter ces propositions. L'esprit de la politique commune de la pêche, c'est le dialogue et la concertation afin d'élaborer des mesures de gestion efficaces et partagées. Il faut également rappeler que l'amélioration de la sélectivité peut être accompagnée par le FEAMP.

La pêche du bar, à la fois professionnelle et récréative, est très majoritairement française. L'avis scientifique pour le stock nord, au parallèle de la pointe de Penmarch dans le Finistère, est inquiétant, et sa reconstitution est devenue un enjeu majeur. Nous devons prendre des mesures de gestion difficiles, sans mettre en péril l'avenir de nos pêcheries artisanales, dont certaines – je pense, comme vous, madame la présidente, à nos ligneurs – sont très dépendantes et n'ont pas de possibilité de report sur d'autres pêches. Je plaide donc pour une approche globale, raisonnable et proportionnée, sur le bar, en intégrant l'ensemble des métiers de la pêche professionnelle ainsi que la pêche récréative. Vous pouvez compter sur ma détermination à défendre les intérêts de nos pêcheries tout en tenant compte de la nécessité de faire évoluer les pratiques vers une durabilité environnementale renforcée.

La politique commune de la pêche a été réformée en 2013 dans toutes ses composantes : règlement de base, organisation commune des marchés, FEAMP. Nous devons désormais mettre cette réforme en oeuvre et la réussir. Après la mise en place de l'obligation de débarquement au 1er janvier dernier pour les espèces pélagiques, les espèces démersales ¬ – cabillaud, merlan, merlu – seront concernées au 1er janvier 2016 dans les eaux occidentales. Des plans rejets ont été établis pour mettre en place et encadrer les flexibilités obtenues.

Conformément aux engagements tenus ici-même en février, le programme opérationnel du FEAMP de la France a été validé formellement par la Commission européenne le 3 décembre. C'est une étape très importante qui vient d'être franchie. Ce programme permettra d'accompagner la nouvelle politique commune de la pêche avec des moyens financiers renforcés : les crédits pour le développement durable de la pêche, de l'aquaculture et des zones côtières augmentent de 70 %. Sa mise en oeuvre opérationnelle est désormais l'enjeu des prochaines semaines, en étroite collaboration avec les régions, qui seront gestionnaires d'une partie des crédits européens et responsables de certaines mesures. C'était une revendication des régions, à laquelle nous avons consenti.

S'agissant de la pêche profonde, nous sommes proches d'un accord dans le trilogue en cours. Le Conseil a adopté à l'unanimité un compromis ambitieux qui valide une interdiction du chalutage profond en deçà de 800 mètres, tout en préservant les intérêts de la pêche artisanale, notamment bretonne, ce qui était une priorité de la France. J'espère que ce compromis sera repris par le Parlement européen. La profondeur de 800 mètres, madame la présidente, est bien dans le compromis.

Au moment où se tient la COP, je tiens à souligner les évolutions majeures qu'a connues ce secteur. La pêche française et européenne est encadrée, contrôlée, et vise la conciliation des enjeux économiques, alimentaires et environnementaux. Les pêcheurs comme les aquaculteurs sont des témoins du changement climatique, ils le subissent aussi ; leur implication dans les démarches de durabilité doit être saluée.

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