Intervention de Élisabeth Guigou

Réunion du 10 septembre 2014 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉlisabeth Guigou, présidente :

Nous recevons ce matin Hélène Duchêne, directrice des affaires stratégiques au ministère des affaires étrangères, pour une audition consacrée au bilan du sommet de l'OTAN, qui s'est tenu au Pays de Galles les 4 et 5 septembre derniers. Cette audition n'est pas ouverte à la presse.

Initialement, le sommet de Newport avait pour objet principal de définir la nouvelle vocation de l'OTAN, dans le contexte de son départ d'Afghanistan, au terme d'une décennie d'engagement. Avec la fin de cette dernière mission, certains observateurs estimaient que l'Alliance allait entrer dans une sorte d'interrogation existentielle. En fait, ce sommet s'est déroulé dans un contexte international particulièrement agité, avec la crise russo-ukrainienne et l'aggravation des conflits au sud et à l'est de l'Europe. La question de fond est de savoir si ces crises vont aider l'Alliance à refonder sa légitimité.

La « menace russe », telle que la perçoivent nos alliés orientaux et baltes, a occupé le devant de la scène à la faveur de la crise russo-ukrainienne. La situation est encore loin d'être réglée en Ukraine, en dépit des annonces de cessez-le-feu et de l'accord qui a été conclu ; le comportement de la Russie suscite beaucoup d'inquiétudes chez ses voisins ainsi que chez nous. Ces pays limitrophes veulent que l'Alliance se recentre sur sa mission de défense collective, au détriment des engagements extérieurs. L'un des objectifs majeurs du sommet était donc de répondre à cette inquiétude, en offrant des garanties substantielles à nos alliés de l'est, tout en gardant une posture équilibrée dans nos relations avec la Russie et dans la prise en compte des menaces auxquelles nous sommes exposés.

Cela s'est traduit par l'adoption d'un « plan de réactivité », dont un des piliers est la création d'une « force interarmée à très haut degré de réactivité », susceptible de se déployer en quelques jours, pour répondre à des actions comme celle de la Russie. Vous pourrez nous préciser dans quelles situations et selon quelles modalités cette force aura vocation à intervenir. Au total, l'approche équilibrée que nous promouvions sur la crise russo-ukrainienne a-t-elle prévalu ? Plus généralement, des perspectives ont-elles été évoquées pour l'avenir des relations de l'OTAN avec la Russie et avec l'Ukraine ? Le premier ministre ukrainien a fait part de son intention de relancer le processus d'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN : comment cette perspective est-elle accueillie par nous-mêmes et nos alliés ?

En vertu du principe de la politique dite de la porte ouverte, l'OTAN n'exclut pas de s'élargir aux pays de l'ex-URSS, dont l'Ukraine. Cette perspective représente un véritable chiffon rouge pour la Russie et entre en contradiction avec son projet de partenariat oriental. Cette question a-t-elle été vraiment abordée ? Si oui, comment a tourné la discussion ? Quelle est exactement notre position sur ce point, sachant qu'en 2008, notre pays a souscrit au sommet de Bucarest à des conclusions laissant cette porte ouverte, alors qu'il est parmi les plus prudents de l'Union européenne sur la perspective d'un élargissement aux anciennes républiques de l'Union soviétique, notamment l'Ukraine.

La France tenait tout particulièrement à ce que la situation dans ce pays ne phagocyte pas complètement la réflexion sur l'avenir de l'OTAN, dans un contexte où les menaces à la sécurité de l'Alliance ne se résument pas à la menace russe. Les conflits en Irak et en Syrie, mais aussi en Libye et dans la bande sahélo-saharienne sont là pour nous le rappeler avec une gravité sans précédent. Nous avons d'ailleurs plaidé pour que les mesures prises dans le cadre du plan de réactivité soient conçues comme renforçant structurellement la posture de l'Alliance face à l'ensemble des menaces, y compris sur son flanc sud. Au-delà de ces mesures structurelles, la gravité de la situation en Irak appelle une réaction de la part des pays de l'Alliance. Le Président Obama a demandé la mise en place d'une coalition internationale. Il semble pourtant que rien de concret n'ait été évoqué. Pourrez-vous faire le point sur cette question ? Qu'est-ce que cela impliquerait pour notre pays ? Jusqu'où pourrait aller un engagement militaire et quelles sont les perspectives ouvertes par la réunion internationale souhaitée par le Président de la République ?

Enfin, avec le départ d'Afghanistan, l'Alliance fait face à de multiples défis. Comment développer et maintenir les capacités critiques pour faire face à des menaces nombreuses et multiformes, dans un contexte de contraction des budgets de défense des pays de l'Alliance ? Comment rééquilibrer le partage du fardeau entre l'Europe et les États-Unis, mais aussi entre pays européens ? C'est là un point important pour les États-Unis, qui attendent des Européens qu'ils prennent en charge leur propre défense, mais aussi pour la France, qui demeure l'un des principaux contributeurs à la sécurité de l'Alliance par ses financements et ses engagements extérieurs. Enfin, comment améliorer le partenariat entre l'OTAN et l'Union européenne, de sorte que l'action de l'OTAN reste complémentaire et subsidiaire à celle de l'Union, tant pour le développement des capacités militaires que pour l'action sur les théâtres extérieurs ?

Sur l'ensemble de ces questions, des résultats concrets ont-ils pu être obtenus ? Quels ont été, à l'inverse, les points de blocage, les lignes de fracture entre alliés ? Au total, ce sommet a-t-il permis d'amorcer une véritable transformation de l'OTAN, conformément à l'objectif ambitieux qui lui avait été assigné ?

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