Intervention de Hélène Duchêne

Réunion du 10 septembre 2014 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Hélène Duchêne, directrice des affaires stratégiques, de sécurité et du désarmement, au ministère des Affaires étrangères et du développement international, sur le sommet de l'OTAN :

Merci de vos questions qui stimulent la réflexion et montrent la diversité des approches dans notre pays, ce qui est un signe de richesse. Certains disent qu'il faudrait arrêter d'embêter les Russes et d'autres que l'on fait preuve de faiblesse : la réponse est sans doute entre ces deux positions.

S'agissant de Dmitri Rogozine, qui était ambassadeur à l'OTAN, je crois qu'il est sous sanctions. Cela dit, il faut se rappeler que l'OTAN était l'alliance militaire qui faisait face au Pacte de Varsovie, qui a disparu : pour la Russie, elle n'a plus de raison d'être. D'ailleurs, au moment de l'annexion de la Crimée, Vladimir Poutine a dit qu'il n'aurait pas été concevable qu'un jour la flotte russe mouille dans un pays de l'OTAN. Il y a une inquiétude de la part de Moscou de voir s'approcher l'Alliance, qui rappelled'une certaine façon la période de la Guerre froide et un ennemi. Il convient de le prendre en compte.

Il faut aussi regarder le coût de la faiblesse et de l'inaction. Les Russes ont bien vu qu'après l'attaque chimique en Syrie, il ne s'était rien passé car les Américains n'ont pas voulu frapper. Cette absence de réaction a sans doute permis aux Russes de penser qu'on pouvait prendre une partie de l'Ukraine sans réaction forte. Or si on ne réagit pas d'une façon ou d'une autre à ce qui s'est passé dans ce pays, d'autres pays peuvent être tentés de remettre en cause l'intégralité territoriale de leur voisin. . Il faut donc s'efforcer d'entrer par la porte étroite car, d'un côté, la Russie est un élément d'architecture européenne de sécurité et, de l'autre, nous n'avons aucun intérêt à faire preuve de faiblesse.

Il est vrai que l'architecture de sécurité est à repenser, alors que certains principes ont été bafoués, notamment ceux d'Helsinki et du respect de l'intégrité territoriale, et que nous partageons un ciel et l'Europe avec la Russie. On a vu à cet égard resurgir l'OSCE, à laquelle on ne pensait plus beaucoup. Cette organisation, dont la Russie est membre et qui a pour responsabilité la sécurité européenne, s'installe aujourd'hui comme médiateur dans la crise ukrainienne.

La France a toujours dans les discussions au sein de l'Alliance une position très modératrice, consistant à apporter une réponse forte sans casser définitivement les liens avec la Russie, qui est un partenaire stratégique, comme le rappelle le communiqué de l'OTAN.

Le partenariat stratégique avec ce pays est incarné dans le cadre de l'OTAN par l'acte fondateur OTAN-Russie, adopté en 1997, au moment des premiers élargissements. Il prévoit une coopération politique et pratique avec ce pays. Or il a été décidé de suspendre la coopération pratique tout en maintenant le lien politique ; cet acte fondateur, qui comporte une partie sur l'OTAN et une autre sur l'OSCE, ne doit pas être jeté aux orties.

Il était clair depuis juin dernier que ce sommet ne serait pas consacré à l'élargissement. Ce n'était pas opportun au moment où l'Alliance doit se recentrer sur sa posture.

Mais deux pays avaient vocation à rejoindre celle-ci et deux autres le plan d'action pour l'adhésion (MAP). C'est la raison pour laquelle le communiqué de l'OTAN explique les efforts faits par ces pays et ceux restant encore à faire, par exemple s'agissant de la dévolution des propriétés de défense entre les entités pour la Bosnie.

Si l'OTAN a annoncé depuis longtemps une politique de la porte ouverte, il n'y a pas d'élargissement en vue. Pour l'heure, l'Ukraine n'a pas fait de demande d' adhésion dans l'OTAN, son président n'en a pas parlé et aucun pays n'a fait de démarche en ce sens, pas même les États-Unis. Le Président de la République a dit par ailleurs que, pour la France, l'OTAN ne devait pas s'ouvrir aujourd'hui et que nous devions protéger les États membres et aider les pays à assurer leur propre sécurité. La candidature ukrainienne à l'OTAN n'est donc pas d'actualité.

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