Intervention de Vincent Laflèche

Réunion du 27 février 2013 à 17h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Vincent Laflèche, directeur général de l'Ineris :

Avant d'entrer à l'Ineris voici une dizaine d'années, et d'en prendre la tête il y a cinq ans, j'ai travaillé au ministère de l'Environnement, puis dans un cabinet italien de conseil en environnement, ce qui m'a permis de découvrir un univers professionnel dans lequel les ONG environnementalistes jouent un rôle important. C'est une expérience dont je fais aujourd'hui profiter l'Ineris, que j'amène de plus en plus sur le terrain du dialogue avec les représentants de la société civile.

S'il fallait essayer en quelques mots de définir le rôle de l'Ineris, je dirais que c'est celui d'un expert technique qui garde un oeil sur les craintes exprimées par l'opinion publique.

Historiquement, l'Ineris est l'héritier de l'ancien Centre d'études et de recherches des charbonnages de France, le Cerchar, qui s'interrogeait déjà sur les dangers de la toxicologie par inhalation. De là, le coeur de l'expertise de l'Ineris, fort logiquement orienté vers la mesure des polluants toxiques, comme autrefois il l'était vers la mesure des dangers des inhalations pour les mineurs.

Le centre principal de l'Ineris se situe à 50 kilomètres au Nord de Paris, et concentre 90 % des salariés. L'Institut a un budget de 75 millions d'euros dont la moitié provient de recettes propres, provenant pour partie de financements européens sur projet, et pour partie (20 %) de contrats avec nos 1200 clients. C'est un établissement public à caractère industriel et commercial.

Pour demeurer crédible, l'Ineris se doit d'être très vigilant sur l'indépendance de ses avis. Une charte de déontologie définit donc les principes que l'Institut entend respecter dans l'exercice de ses missions, la réalisation de ses objectifs et dans ses relations avec ses partenaires. Un comité indépendant suit l'application de ces règles et rend compte chaque année depuis 2001 directement au Conseil d'Administration.

L'Ineris est certifié ISO 9001 depuis juin 2000. Cette certification couvre l'ensemble des activités de l'institut, pour les sites de Verneuil-en-Halatte et de Nancy. L'Institut est également accrédité ISO CEI 17025, depuis sa création en 1990, pour diverses activités d'essais et d'étalonnages, et reconnu conforme aux « bonnes pratiques de laboratoires » pour les études de ses deux sites d'essais toxicologiques et éco-toxicologiques.

Le rôle de l'INERIS s'est vu renforcer par deux événements : la visite d'une délégation de l'ancienne Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire de l'Assemblée Nationale en 2005, au cours de laquelle a été réaffirmé le principe selon lequel le développement durable était indissociable de davantage de concertation et de débats publics avant la prise de décision politique ; une enquête d'image en 2006, qui a montré une adhésion à hauteur de plus de 90 % à l'idée que l'innovation est un moyen de relever le défi du développement durable pourvu qu'elle soit juridiquement encadrée.

L'Ineris intervient sur un créneau original de l'action publique, ce qui en fait une sorte de « mouton à 5 pattes ». Sa mission concerne moins l'adaptation de la règlementation sur les techniques existantes, que la préparation d'un cadre de fonctionnement pour les procédés répondant aux défis technologiques de demain. L'objectif est de lever par avance une part de l'incertitude qui risque de freiner le développement de la technologie. Il s'agit de concevoir de manière anticipée la réglementation de l'avenir et d'en informer les industriels. L'Ineris intervient ainsi beaucoup dans l'évaluation des démonstrateurs qui constituent l'étape suivante à la réalisation d'un prototype et dont l'exploitation précède l'étape d'industrialisation du produit. L'Ineris à ce titre ne présente pas de brevets. Il établit des procédures et des règles de l'art pour les projets innovants. Il réalise aussi des certifications, et donc des audits auprès de ses clients.

L'implication de l'Ineris en amont de l'industrialisation fournit une voie pour conjuguer la sécurité avec la compétitivité, car l'établissement anticipé d'un référentiel normatif cohérent permet ensuite à la France d'aborder en position avantageuse la discussion de la normalisation internationale. Prendre les devants permet en effet d'orienter les règles en faveur des solutions techniques françaises.

L'objectif de la sécurité amène à construire des démarches de certification en entretenant un dialogue avec la société civile. À cet égard, l'Ineris se refuse de parler d'« acceptation sociale », formulation pouvant apparaître comme marquée par le parti pris des industriels, car traduisant la volonté de rendre a priori le risque acceptable. L'Ineris, en cherchant une formulation plus ouverte, a décidé de retenir une double négation : « le risque de non-acceptation ».

L'ouverture à la société civile est un point essentiel du positionnement de l'Ineris, car il est vital que son action soit perçue comme parfaitement objective et indépendante. J'ai introduit depuis 2008 le principe selon lequel tous les deux mois, les chercheurs doivent à tour de rôle participer à des débats présentant les travaux de l'Ineris, de sorte qu'ils se trouvent confrontés aux ONG. Cette stratégie paye : j'ai été témoin d'une scène où une représentante d'ONG est intervenue pour prendre la défense de l'Institut en face d'un autre représentant d'ONG ; l'accusation portait sur l'ambivalence du positionnement de l'Institut due à son financement pour partie sur contrats ; au terme du débat, le sentiment que cela n'altérait pas son indépendance a prévalu. Ces expériences permettent aux experts d'apprendre à mieux communiquer avec la société civile, car parler et débattre avec un public d'initiés ne s'improvise pas ; elles contribuent aussi à lutter contre l'asymétrie des connaissances, de manière à ne pas laisser le monopole de celles-ci aux industriels.

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