Nous voici aujourd'hui réunis pour évoquer le Partenariat oriental et les accords d'association que l'Union européenne souhaite mettre en oeuvre avec trois des pays concernés : Ukraine, Géorgie et Moldavie.
Avant de vous présenter une communication faisant le point sur l'accord d'association avec l'Ukraine, et de laisser à mes collègues Chantal Guittet et Jean-Louis Roumegas le soin de présenter respectivement celles concernant les accords avec la Géorgie et avec la Moldavie, il me semble utile de vous rappeler brièvement dans quel cadre s'inscrivent ces accords d'association, dont la signature devrait être annoncée lors du Conseil européen des 26 et 27 juin.
Le Partenariat oriental est une politique encore jeune, puisqu'elle n'a que cinq ans d'existence : elle a été lancée en 2009, sur initiative de la Pologne et de la Suède, pour renforcer à l'Est la politique européenne de voisinage. Six pays sont concernés : l'Arménie, l'Azerbaïdjan, la Biélorussie, la Géorgie, la Moldavie et l'Ukraine.
L'objectif principal de cette politique est de donner une nouvelle impulsion à ces voisins orientaux en les rapprochant de l'Union européenne.
Ce rapprochement passe par des accords de libre-échange approfondis et complets, ce qui suppose une harmonisation législative importante, et par un assouplissement de la politique des visas, en échange de garanties des pays partenaires.
Il est important de souligner que pour la France, le Partenariat oriental n'a pas vocation à constituer une étape préliminaire à une future adhésion à l'Union.
Cette politique est dans une large mesure en train de se construire, de s'affirmer. Son bilan est encore mitigé : au total, elle n'a pas, jusqu'à présent, connu de grands développements.
Le Sommet de Vilnius des 27 et 28 novembre 2013 devait être un rendez-vous décisif : il devait montrer la capacité de l'Union européenne à influencer les ex-pays soviétiques, et permettre d'ouvrir sur l'avenir la politique du Partenariat oriental. En effet, sur les six pays concernés, quatre étaient à l'origine prêts à parapher ou signer des accords d'association.
Or l'Arménie a effectué un revirement au cours de l'été 2013 et a préféré se tourner vers l'Union eurasienne proposée par la Russie.
En ce qui concerne l'Ukraine, une semaine avant le Sommet, le Président Viktor Ianoukovitch a préféré renoncer à la signature de l'accord d'association, pourtant déjà paraphé plusieurs mois avant, déclenchant les événements tragiques qui ont suivi. Néanmoins, pour des raisons politiques, et pour ne pas rester sur l'échec de Vilnius, l'Union européenne a signé, en mars 2014, le « volet politique » de l'accord d'association avec les dirigeants intérimaires de l'Ukraine. Elle a exprimé le souhait de signer l'ensemble de l'accord après les élections présidentielles du 25 mai.
Finalement seules la Géorgie et la Moldavie ont lors de ce Sommet de Vilnius paraphé les accords, étape préalable à leur signature initialement envisagée fin 2014, mais que l'Union européenne souhaite aujourd'hui, pour des raisons politiques également, avancer à fin juin. L'attitude de la Russie vis-à-vis de l'Ukraine suscite des inquiétudes dans ces États. La signature rapide de ces accords est perçue par eux comme une garantie.
La procédure de signature et conclusion des accords d'association est complexe et longue. Sans rentrer dans les détails, je vous précise que nous ne sommes pas saisis, en application de l'article 88-4, des textes mêmes des accords, mais d'instruments juridiques préparatoires : en particulier les propositions de décision du Conseil relatives à la signature et à l'application provisoire des accords, et celles relatives à la conclusion des accords. Le texte même des accords est l'objet d'annexes qui ne sont pas nécessairement transmises en même temps.
Ainsi, pour l'Ukraine, notre Commission des affaires européennes avait déjà, le 19 juin 2013, approuvé, en l'état des informations dont elle disposait alors (elle n'avait pas encore eu transmission du texte très volumineux de l'accord) les deux propositions de décision du Conseil relatives à la signature et à la conclusion de l'accord d'association.
Le texte complet de l'accord d'association Union européenneUkraine a été transmis en octobre 2013 et, dans ses conclusions adoptées le 5 novembre dernier, notre commission a réitéré son approbation de principe à sa signature, souhaitant alors qu'elle intervienne si possible dès le Sommet de Vilnius, ce qui hélas n'a pu se réaliser.
Pour la Géorgie et la Moldavie, il en va différemment : nous disposons déjà des annexes, c'est-à-dire des textes mêmes des accords, qui vont nous permettre de nous prononcer de façon plus éclairée, au titre de l'article 88-4, sur les propositions d'actes communautaires auxquelles ils sont rattachés... C'est là le résultat de contacts du secrétariat de notre commission avec le SGAE et le cabinet du ministre des affaires étrangères, qui attache une importance particulière à ces accords et à la bonne information du Parlement dans la procédure les concernant.
Le paraphe des accords intervenu en mars 2012 pour l'Ukraine, puis à Vilnius fin novembre 2013 pour la Géorgie et la Moldavie, n'était donc qu'une première étape vers leur éventuelle signature définitive et leur conclusion.
Dans une étape ultérieure, la Commission présente au Conseil des propositions d'actes. Elle présente une proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de l'Union européenne, de l'accord d'association. Elle peut prévoir en outre l'application provisoire de l'accord, comme c'est le cas en l'espèce, pour chacun des trois États concernés. Une proposition de décision du Conseil portant conclusion proprement dite de l'accord , ce qui vaut ratification de cet accord au niveau européen.
C'est donc sur ces propositions d'actes que nous sommes appelés à nous prononcer aujourd'hui pour la Moldavie et la Géorgie.
Ensuite, le Conseil doit adopter ces décisions. En principe, la décision portant conclusion de l'accord est adoptée à la majorité qualifiée des voix, sauf dans certains cas où l'unanimité est requise, dont précisément les accords d'association.
De même, alors que le Parlement européen est simplement consulté pour certains accords, son approbation est requise pour les accords d'association.
Enfin, il est important de rappeler que l'adoption de ces accords au niveau européen est accompagnée d'une procédure de ratification au sein de chaque État membre, selon les règles institutionnelles qui lui sont propres.
En France, le Parlement sera donc appelé à examiner le texte des accords d'association, dans leur version définitive et le cas échéant corrigée, et à exercer ses prérogatives de contrôle démocratique, au moment de sa saisine en vue de l'autorisation de ratification, en application de l'article 53 de notre Constitution.
Rappelons cependant qu'à ce stade, certaines dispositions des accords pourront logiquement être déjà entrées en application, à titre provisoire.
Selon les informations qui nous ont été communiquées, la saisine du Parlement français serait actuellement envisagée pour fin 2014 ou début 2015.
Venons-en maintenant à nos communications faisant le point pour chacun des trois États, l'Ukraine, la Moldavie et la Géorgie.
Pour ce qui concerne l'Ukraine, le processus de signature de l'accord d'association a déjà été enclenché, puisque les chefs d'État et de gouvernement de l'Union européenne ont signé avec le nouveau Premier ministre ukrainien, le 21 mars 2014, ses chapitres politiques. Ce volet politique est loin d'être le plus volumineux de l'accord, qui comporte 275 pages, et plus de 1 200 pages avec toutes les annexes. Les chefs d'État et de gouvernement de l'Union se sont engagés à signer ultérieurement le reste de l'accord, après les élections présidentielles du 25 mai.
Récemment, le président nouvellement élu, M. Petro Porochenko, a affirmé son souhait de voir l'ensemble de l'ensemble de l'accord d'association signé le plus rapidement possible.
Il n'est pas question aujourd'hui de revenir sur notre approbation de principe donnée le 19 juin 2013 mais plutôt de la conforter, afin de réaffirmer notre solidarité vis à vis de l'Ukraine, tout en reconnaissant les difficultés présentes et la vigilance nécessaire. Certains d'entre vous ayant exprimé le souhait d'en savoir un peu plus sur le contenu de l'accord, il m'a semblé utile d'en rappeler pour mémoire les principaux aspects.
L'accord tend vers l'association politique et l'intégration économique. Il n'est cependant jamais question d'adhésion à l'Union. L'association a pour objectifs principaux de favoriser un rapprochement graduel entre les parties sur la base de valeurs communes et de créer les conditions propices au renforcement des relations économiques et commerciales.
Parmi les principes généraux de l'accord figurent plusieurs « éléments essentiels » particuliers. Il s'agit notamment du respect des principes démocratiques, des droits humains et des libertés fondamentales.
L'accord définit les objectifs d'un dialogue politique approfondi et renforcé tendant à promouvoir une convergence graduelle sur les questions de politique étrangère et de sécurité. Il établit plusieurs forums de dialogue politique. À cela s'ajoutent des dispositions visant à favoriser des efforts communs pour promouvoir la stabilité régionale, la prévention des conflits, la gestion des crises.
Dans le domaine de la justice, de la liberté et de la sécurité, l'accord met l'accent sur l'État de droit et le renforcement des institutions et des pratiques judiciaires. Il établit un cadre de coopération en matière de migration, d'asile et de gestion des frontières. Il comporte des dispositions sur la circulation des personnes, y compris sur la réadmission, l'assouplissement de la procédure de délivrance des visas et la mise en place progressive et en temps utile d'un régime de déplacement sans obligation de visa.
L'accord prévoit des espaces de coopération et de dialogue à tous les niveaux, la mise en place de forums pour la société civile et une coopération parlementaire. Il envisage de nombreuses possibilités de coopération sectorielle dans plus de trente domaines, tels que l'énergie, les transports, la protection de l'environnement, la politique industrielle et en matière de petites et moyennes entreprises, le développement social et la protection sociale, l'égalité des droits, la protection des consommateurs, l'éducation, la formation et la jeunesse ainsi que la coopération culturelle.
Enfin, l'intégration économique accrue, grâce à la zone de libre-échange approfondi et complet, devrait être un puissant vecteur de croissance pour le pays. La méthode employée consistera à rapprocher les législations, les règles et les normes de l'Ukraine de celles de l'Union. L'établissement de cette zone de libre-échange complet et approfondi est le pilier de l'accord, la majorité des articles y étant consacrée. Rappelons que l'Union européenne est le premier partenaire commercial de l'Ukraine : elle représente 31% de ses échanges extérieurs, devant la Russie – 20 % des échanges.
Les négociations pour la mise en place de cette zone de libre-échange ont fait suite à l'adhésion de l'Ukraine à l'OMC en 2008.
Il s'agit d'un accord de libre-échange dit de « nouvelle génération », en ce sens qu'il ne traite pas seulement des barrières tarifaires mais de l'ensemble des obstacles au commerce. Cet accord vise à supprimer les barrières entre l'Union et l'Ukraine et à favoriser la reprise de l'acquis communautaire par celle-ci.
Sur le volet tarifaire, je rappelle que notre Commission s'est déjà prononcée favorablement, le 9 avril dernier, sur une proposition d'acte communautaire visant à accorder, de façon anticipée, des réductions de droits de douane à l'Ukraine, dans l'attente de la signature de l'accord de libre-échange.
Cet accord prévoit une annulation de tous les droits de douane, après une période de transition maximale de quinze ans et des mesures de sauvegarde. Ainsi l'ensemble des produits industriels sera libéralisé.
La libéralisation tarifaire des produits agricoles est prévue, mais sous une forme limitée pour les produits agricoles sensibles, tels que produits laitiers, huile.
L'accord prévoit une protection complète de toutes les indications géographiques agricoles, pas seulement en ce qui concerne les vins et spiritueux, sur une période de dix ans. Cette question des indications géographiques intéresse particulièrement la France car il est produit en Ukraine des boissons dénommées Cognac, Champagne ou Cahors.
L'accord comprend un chapitre ambitieux en matière d'énergie et de sécurité énergétique, un des objectifs étant de garantir la sécurité du réseau ukrainien de transit du gaz naturel. . En effet 20 % du gaz consommé dans l'Union européenne passe par l'Ukraine.
Les prestations de services seront libéralisées.
S'agissant des obstacles techniques au commerce, l'accord prévoit un alignement de l'Ukraine sur les règlements et standards techniques européens, notamment en matière de normes sanitaires et phytosanitaires. L'ouverture et la transparence des marchés publics sont prévues, ainsi qu'un alignement du droit ukrainien de la concurrence. L'Ukraine s'engage à adopter un système interne de contrôle des aides d'État.
Dans le chapitre « Commerce et développement durable », sont inscrits des engagements concernant le respect des normes multilatérales en matière de travail et d'environnement, selon les principes directeurs de l'OCDE et normes de l'Organisation internationale du Travail.
Des procédures, inspirées de l'accord de l'OMC sur le règlement des différends, devraient permettre de résoudre les différends commerciaux.
En conclusion, on peut dire qu'en tant que pilier de l'accord d'association, la zone de libre-échange approfondi et complet devrait créer des perspectives commerciales aussi bien dans l'Union qu'en Ukraine, et favoriser une véritable modernisation de l'économie et une intégration réelle dans l'Union. Ce processus devrait permettre de mettre au point des produits répondant à des normes plus rigoureuses, d'améliorer les services aux citoyens et de faire de l'Ukraine un concurrent efficace sur les marchés internationaux.
Puis, la Commission a ensuite adopté les conclusions suivantes :
« La Commission des affaires européennes,