Intervention de Charles de La Verpillière

Réunion du 10 février 2015 à 17h15
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de La Verpillière, co-rapporteur :

Marietta Karamanli a parfaitement résumé le constat et les conclusions de notre rapport. J'ajouterai quelques observations et idées générales avant de présenter notre proposition de résolution.

J'ai six observations. La première est descriptive. Marietta Karamanli a indiqué à quel point la pression migratoire est de très grande ampleur et donne lieu à des événements dramatiques, je n'y reviens pas. Je souscris pleinement à ce qui a été dit. J'insisterai sur le fait qu'il s'agit d'un phénomène durable car il est lié à la situation dans les pays de départ, et qui est appelé à s'amplifier, du fait des conflits civils et des guerres, de la dictature, des persécutions religieuses, de la misère, des famines, et des épidémies notamment. Il s'agit d'un phénomène complexe et nous devons raisonner dans un système juridique qui impose de traiter différemment les demandeurs d'asile, qui disposent de droits spécifiques, des autres migrants en situation irrégulière. Les choses ne sont pas toujours simples dans les faits. Lorsqu'une famille entière, prenant tous les risques, fuit le Sud Soudan ou la Corne de l'Afrique, il peut être difficile de déterminer si la crainte des persécutions ou la misère et l'absence d'avenir l'emporte dans la décision de rejoindre l'Europe.

Deuxième observation, nous pensons qu'il ne faut pas baisser les bras. Il est indispensable de lutter contre l'immigration irrégulière. Certainement pas pour faire échos à des fantasmes, obéir à une idéologie extrémiste ou s'abandonner à la tentation du repli. L'immigration irrégulière dans les pays européens, dont les économies et les sociétés sont en cris, a des effets déstabilisants. Elle risque de consolider les communautarismes, elle affaiblit les possibilités d'intégrer les immigrés en situation régulière et elle peut même contribuer, nous le voyons en France, dans quelle mesure je ne le sais pas, à affaiblir la participation citoyenne des nationaux d'origine étrangère. Il ne faut pas avoir peur de dire qu'il faut lutter contre l'immigration irrégulière.

Troisième observation, l'Union est un échelon indispensable même si les États membres ont conservé leurs compétences : en particulier, chaque État membre est responsable du contrôle de ses frontières extérieures. Mais des politiques nationales fragmentées sont vouées à l'échec. Agiter l'hypothèse d'une sortie de Schengen n'est, je crois, pas la bonne réponse et ne ferait qu'amplifier les problèmes auxquels nous faisons face. Il faut améliorer Schengen. Nous insistons sur un aspect qu'on ne peut pas passer sous silence : le manque de solidarité intra-européenne dans l'application des politiques de lutte contre l'immigration irrégulière. Nous avons trop laissé en première ligne et seuls des pays comme l'Italie et la Grèce. Une véritable politique européenne suppose plus de solidarité financière des États du Nord, pour être clair.

Quatrième observation, il ne faut pas s'attendre à une révolution de la politique européenne en matière de lutte contre l'immigration irrégulière mais l'on peut faire progresser les choses en accumulant un certain nombre de mesures, Marietta Karamanli l'a rappelé. Il y a de petits pas et il faut tous les faire : augmenter les moyens de Frontex et aller jusqu'à la création d'un corps européen de gardes-frontières, lutter résolument contre les passeurs, améliorer la transmission d'informations à Eurosur, la négociation et la mise en oeuvre d'accords de réadmission avec les pays d'origine, ou encore la recherche de moyens juridiques, financiers et matériels pour assurer la rétention et la destruction des navires utilisés par les passeurs, problème encore récemment relaté dans un article du Monde. Le stock de navires est « extraordinaire » avec de pseudo-armateurs spécialisés dans ces trafics.

Cinquième observation, bien entendu, l'Union ne peut agir seule et toute une série de négociations doivent être menées avec les États tiers d'origine et de transit.

Sixième et dernière observation, la solution à long terme réside dans le tarissement de la source de l'immigration irrégulière afin que des familles en souffrance n'aient plus ce besoin impératif d'émigrer. La politique migratoire est indissociable des politiques diplomatique et des politiques de développement pour rétablir la paix, la démocratie, le développement économique et humain, notamment en matière d'éducation.

J'en viens à la présentation brève de notre proposition de résolution. Les points 1 et 2 rappellent les tragédies auxquelles donne lieu l'immigration irrégulière et souligne le nécessaire respect des droits fondamentaux des migrants. Les points 3 et 4 portent plus spécifiquement sur les demandeurs d'asile. Le point 5 fait échos au besoin de solidarité entre États membres. Le point 6 est essentiellement « historique », concernant l'opération Mare nostrum. Le point 7 rappelle que les politiques européennes sont trop fragmentées, les points 8 à 10 insistent sur les causes profondes de l'immigration irrégulière, c'est-à-dire la situation des pays d'origine et la nécessité de coopérer avec eux ainsi qu'avec les pays de transit. Nous rappelons les travaux menés dans le cadre de l'approche globale des migrations et de la mobilité. Les points 11 à 15 énumèrent un certain nombre de mesures concrètes, rappelées par Marietta Karamanli, la lutte contre les passeurs et trafiquants d'êtres humains, la nécessité d'améliorer Eurosur, le renforcement de l'agence Frontex, l'enregistrement des entrées et sorties des ressortissants de pays tiers et l'importance de la conclusion des accords de réadmission. Le point 16 rappelle qu'il ne faut pas perdre de vue l'interface entre immigration irrégulière et immigration régulière et une façon de faire face à la première est peut-être de se fixer un cadre et des règles pour la seconde. Le point 17 demande au gouvernement de nourrir son rapport annuel sur les étrangers en France d'informations qui pourraient être utiles. Le point 18 fait état de notre intérêt pour le prochain programme que M. Jean-Claude Juncker doit présenter dans ce domaine.

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