Monsieur le député, vous n'étiez pas un forcené. La charge d'adrénaline que reçoit un forcené lui permet de déployer une énergie vitale sans commune mesure avec celle que l'on mobilise lors d'une manifestation. Moi-même, j'ai subi des gaz lacrymogènes ; ils n'arrêtent pas un instinct meurtrier.
L'utilisation de gaz anesthésiants dans une salle comme un théâtre nécessite de les doser sur l'individu le plus résistant – par principe, le terroriste –, ce qui risque d'occasionner aux moins résistants des problèmes majeurs. Ces gaz seront diffusés à haute intensité en un endroit, deux au maximum : ceux qui se trouveront à côté auront également des problèmes majeurs. On estime le nombre de victimes collatérales entre 17 et 20 %. Tout cela pour s'apercevoir, une fois dans la pièce, que les preneurs d'otages ont acheté un masque à gaz à 40 euros au surplus d'à côté !
Pour ce qui est de la menace, le RAID est au courant. Ce qui l'intéresse, c'est le changement d'état de la menace, lorsqu'elle se transforme en opérationnel. Vis-à-vis du renseignement, le RAID, unité d'intervention, n'a pas besoin de savoir comment s'est déroulée l'enquête ; il est là pour interpeller et arrêter. Les renseignements qui lui sont nécessaires sont très précis et très opérationnels : la distribution des lieux, le nombre d'ouvertures sont le type de renseignements qui nous permettent d'intervenir assez rapidement. Ce sont ceux qui nous ont servi à Vincennes.
Si Coulibaly n'a pas tué les otages pendant les dix minutes de battement, ce n'est pas de la chance, c'est parce que nous avons déployé un plan, que j'ai validé et sur lequel le RAID s'entraîne et travaille tout le temps. L'action est menée en connaissance de cause, et je suis peiné quand j'entends dire que nous avons eu beaucoup de chance, surtout pour mes gars qui se sont offerts de cette manière.
S'agissant des plans, le RAID dispose, comme le GIGN, d'une unité chargée de constituer des dossiers d'aide à l'intervention (DAI). Nous sommes en contact avec tous les grands centres et nous essayons de disposer de DAI pour chacun d'entre eux. Notre implantation territoriale est une aide précieuse puisqu'en plus de notre centre de Bièvres, nous avons sept autres antennes – les anciens GIPN – qui nous aident à recueillir ces plans, pour intervenir le plus rapidement possible et le mieux possible.