Intervention de Général d'armée Denis Favier

Réunion du 9 mars 2016 à 16h15
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

Général d'armée Denis Favier, directeur général de la gendarmerie nationale :

Les doctrines d'emploi des unités spéciales n'ont cessé d'évoluer depuis la prise d'otage des Jeux olympiques de Munich, en 1972. J'ai, commandé le GIGN à deux reprises. La première fois, entre 1992 et 1997, alors que nous connaissions un terrorisme extrêmement violent, mais d'une autre nature. Il était alors encore possible de négocier. Puis, la menace évoluant, nous avons été amenés à évoluer nous-mêmes de façon significative. Au début des années 2000, nous avons dû intégrer des éléments qui découlaient des prises d'otages du théâtre moscovite de la Doubrovka, en octobre 2002, et de l'école de Beslan, en Ossétie du Nord, en septembre 2004. Le terrorisme de masse nous a contraints à modifier totalement nos structures et nos préceptes d'intervention.

En 2007, nous avons restructuré profondément le GIGN et j'ai pris à nouveau son commandement à cette occasion, jusqu'en 2011. Durant cette période, la négociation restait possible, mais les modes d'action avaient considérablement durci : il fallait désormais avoir la capacité de travailler en milieu piégé ou pollué par des produits nucléaires, radiologiques, biologiques, chimiques (NRBC) et celle d'utiliser les explosifs de manière très intensive pour pouvoir libérer les otages. Les attaques de Bombay, en 2008, ont conduit à adapter nos modes opératoires pour pouvoir répondre aux attentats ou aux prises d'otages multiples. Au fil du temps, nous n'avons cessé de nous adapter à la menace.

Aujourd'hui, les situations que nous rencontrons demandent que nous soyons en mesure d'engager très rapidement le feu lorsque nous arrivons sur la zone d'opération. Un plan d'assaut immédiat nous permet, lorsque nous quittons notre base par véhicules ou hélicoptères, de « briefer » en mouvement et d'engager très vite une opération offensive visant à neutraliser les terroristes. Car, depuis trois ou quatre ans, on retrouve comme constante qu'il n'y a plus de négociation possible avec les terroristes qui affrontent les forces de l'ordre. Depuis les événements du mois de novembre, le GIGN a considérablement fait évoluer la doctrine d'emploi.

Pour aller plus loin dans le raisonnement, je considère que l'engagement contre les terroristes ne concerne pas seulement les unités spéciales. Nous n'aurons pas forcément, demain, le temps d'attendre l'arrivée du RAID ou du GIGN. Dans la profondeur du territoire, il faudra être capable d'engager le feu avec des unités plus conventionnelles, pour pouvoir mettre un coup d'arrêt à des terroristes qui veulent tuer jusqu'à ce que l'on vienne à leur contact dans une logique de martyre. Entre janvier et novembre, nous avons en conséquence « dopé » nos unités élémentaires d'intervention : dans le cadre d'un plan BAC (brigades anti-criminalité) pour la police et PSIG (pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie) pour la gendarmerie, qui comprend de l'armement de qualité, de la protection balistique, des aides à la visée, des gendarmes et des policiers spécifiquement formés sont en mesure d'engager le feu assez rapidement. Lorsque le ministre parle d'un plan d'action à vingt minutes, il fait référence à cette capacité que nous aurons de prendre en main les situations d'urgence en différents points du territoire, sans attendre les unités nationales. La doctrine a donc évolué et les capacités se sont considérablement renforcées, notamment pour les unités du haut du spectre comme le GIGN pour ce qui concerne la gendarmerie.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion