Intervention de Patrick Calvar

Réunion du 24 mai 2016 à 18h00
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

Patrick Calvar, directeur général de la sécurité intérieure, DGSI :

C'est la DGSI qui a signalé la dangerosité d'Abaaoud dès l'été 2015, en indiquant que cet individu était impliqué dans de nombreux projets avortés.C'était après l'attaque du Thalys. Nous savions pertinemment qu'Abaaoud avait joué un rôle dans plusieurs affaires, et nous l'avons donc signalé. Ensuite, le problème est simple : Abaaoud est en Syrie ; nous savons qu'il veut agir mais comment faire pour le bloquer ? J'en reviens, par conséquent, à ce que j'ai rapidement évoqué : faire des contrôles d'identité n'a plus aucun sens ; les papiers produits étant de qualité, il est nécessaire d'avoir recours à la biométrie.

Le projet des attentats du 13 novembre est conçu en Syrie, l'équipe est constituée en Syrie et la logistique est fournie en Belgique. Les membres des commandos vont arriver par des routes diverses et variées dont certaines nous sont inconnues ; et celles que nous connaissons sont empruntées par les migrants. Or si vous interrogez, sur ces routes, des individus de façon aléatoire, ils seront irakiens et tout ce qu'ils diront paraîtra naturel, notamment s'ils disent provenir d'un endroit contrôlé par Daech – c'est là qu'ils mentiront s'ils en font partie. Faute de renseignements en amont, les individus interrogés ne seront donc pas nécessairement suspects.

Ils se regroupent ensuite en Belgique, y louent leurs véhicules et leurs appartements ; et ils se projettent sur le territoire national la veille de nous frapper. Qu'on m'explique comment bloquer Abaaoud quand il se trouve en Grèce, visé par une enquête – celle concernant les attentats déjoués de Verviers ?

Par conséquent, un investissement très important s'impose dans le renseignement en amont. Je pense au chiffrement et au déchiffrement, car n'oublions pas que nous avons en face de nous de vrais professionnels. Ensuite, se pose la question de l'entrée en Europe et des contrôles à effectuer.

Enfin, il reste beaucoup à faire en matière de logistique : une fois arrivés sur place, il faut à ces gens-là des armes et des explosifs. Si ces derniers peuvent être composés, à partir de produits artisanaux, par des artificiers de qualité, il faut bien acheter les armes. Or que fait l'Europe pour lutter contre le trafic d'armes ? Que fait l'Europe pour dissuader des gens de vendre des armes ?

Je ne vois donc pas comment les services intérieurs auraient pu neutraliser Abaaoud avant qu'il n'agisse, quand bien même nous l'avions identifié à travers toutes les enquêtes judiciaires et de renseignement. Et je ne jette pas la pierre à mes camarades des services extérieurs : la situation est suffisamment complexe pour que nous ne soyons pas en mesure de régler tous les problèmes.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion