Intervention de Bruno Cavagné

Réunion du 5 février 2014 à 11h30
Mission d'information sur l'écotaxe poids lourds

Bruno Cavagné, président de la Fédération nationale des travaux publics, FNTP :

Merci de nous recevoir. Je vais d'abord faire un point de conjoncture pour vous expliquer l'importance pour nous de l'écotaxe et du financement des infrastructures.

Notre activité représente 40 milliards d'euros de chiffre d'affaires en France et, en effet, 270 000 salariés. 80 % de nos entreprises ont moins de 20 salariés et 70 % de notre activité dépend de la commande publique, dont 45 % de celle des collectivités locales, qui sont effectivement notre premier client. Au cours des six dernières années, nous avons enregistré 20 % de baisse d'activité, avec trois conséquences immédiates : une perte de 15 000 salariés depuis 2008 ; un taux de marge qui n'a jamais été aussi bas, soit 1,7 % en 2012 ; un taux de défaillance des entreprises qui est passé de 8 % en 2008 à 20 % en 2012.

Nous avons essayé de comprendre la politique des infrastructures en France et son mode de financement. Nous avons eu d'abord le schéma national des infrastructures de transport (SNIT), fort de 245 milliards d'euros et de 70 projets, qui nous a donné quelques espoirs – certainement beaucoup trop ! Puis on est revenu sur terre, nous a-t-on dit, avec le rapport « Mobilité 21 » résultant d'un travail présidé par M. Philippe Duron, qui a prévu 30 milliards d'euros. L'idée était d'avoir un budget de l'AFITF constant avec en plus 400 millions d'euros à partir de 2017. En juillet dernier, le Premier ministre nous a dit que c'était notre nouvelle feuille de route.

Mais, depuis, nous avons enregistré de nombreuses annonces : celle d'une deuxième ligne LVG Bordeaux-Dax-Hendaye par le ministre des transports ; le rapport sur le Grand contournement de Strasbourg, qui a dit l'inverse du rapport Duron ; celui de votre collègue Rémi Pauvros, préconisant la réalisation du canal Seine-Nord, compte tenu de ce que les aides européennes sont passées de 6 à 40 % ; la réalisation de la ligne Lyon-Turin, actée par votre Assemblée, et dont le budget a grimpé de 12 à 26 milliards d'euros ; ou encore les travaux supplémentaires de 3 milliards d'euros promis par le Premier ministre à Marseille.

Je serais ravi si tout cela était réalisé. Cependant, le Gouvernement a fait en même temps quatre annonces : une baisse de la dotation à l'AFITF de 660 à 330 millions d'euros ; la suspension de l'écotaxe, qui devait rapporter 800 millions ; une ponction sur les agences de l'eau de 210 millions ; et une réduction d'1,5 milliard par an de la dotation aux collectivités locales, qui se traduit par 330 millions d'euros d'investissements en moins. Cela représente en tout 1,4 milliard d'euros d'activité en moins au départ pour nous.

Si on prend en compte également les effets de levier, c'est-à-dire le fait que les contrats de plan État-région alimentés par l'AFITF sont aujourd'hui suspendus et que Voies navigables de France (VNF) se trouve dans l'incapacité de boucler son budget, vous pouvez comprendre notre inquiétude quand nous avons appris que l'écotaxe était suspendue.

Nous sommes aujourd'hui en conséquence très inquiets. Pour 2014, compte tenu de ces annonces, nous pouvons nous attendre à 12 000 emplois de moins. Notre activité est réellement menacée.

S'agissant de l'écotaxe, si on considère qu'il faut la supprimer – ce qui n'est évidemment pas mon avis –, cela signifie qu'on n'a plus de volonté politique en matière d'infrastructures. Car une telle suppression entraînerait la disparition de l'AFITF, ce qui fera peut-être la joie de Bercy ! Pour 2014, 90 % du budget de l'AFITF est déjà engagé. Si on ne trouve pas de solution, certaines entreprises pourraient ne pas être payées.

J'ai proposé que l'État réduise certaines des participations qu'il détient pour alimenter l'AFITF, mais un éminent spécialiste de Bercy m'a dit que ce n'était pas possible car cela reviendrait à créer de la dette « maastrichtienne ». Cela dit, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas doter des sociétés en capital.

Si on part du principe qu'on ne peut se passer de l'écotaxe, les solutions sont en nombre limité. En premier lieu, on pourrait remonter le seuil de taxation en le faisant passer de plus de 3,5 tonnes à 8 ou 12 tonnes. Pour compenser ce que l'on perdrait ainsi d'un côté, on pourrait prévoir, d'un autre, une taxe additionnelle régionale en vue de favoriser une véritable volonté politique des régions.

Je ne suis pas pour une régionalisation complète de la taxe car cela constituerait un retour en arrière en termes d'aménagement du territoire. Je rappelle que, lors de ces dix dernières années, lorsque l'Île-de-France enregistrait une augmentation de 25 % d'activité en matière d'infrastructures, le Limousin connaissait une baisse dans la même proportion. Il nous faut donc conserver une véritable politique nationale d'aménagement du territoire.

Une autre solution serait de changer l'assiette de l'écotaxe. Il y a en France 1 million de kilomètres de routes nationales et départementales et d'autoroutes. Or l'écotaxe et les autoroutes concernent 23 000 kilomètres : un tel écart pourrait donner lieu à réflexion.

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