Merci pour votre présentation, qui a été très claire. J'ai essayé de croiser celle-ci avec les travaux que j'ai pu faire sur le sujet, et je pense que nous sommes plutôt en phase.
On s'aperçoit aujourd'hui qu'après le passage officiel aux 35 heures, 9,4 millions de personnes sont restées à 39 heures et qu'elles touchent aujourd'hui 4 heures supplémentaires. On l'avait un peu oublié, et en mettant en place l'article 1er de la loi TEPA, 4,5 milliards ont été posés sur la table sans créer d'heures supplémentaires réellement « supplémentaires ».
Mais j'observe que vous avez laissé de côté un des aspects de la question. Les grandes entreprises se sont installées dans les 35 heures à la suite d'une double négociation : le fait de garder des salariés travaillant 35 heures en les payant 39 s'est traduit par une compensation et une exonération de charges sociales ; elles ont par ailleurs obtenu de traiter le nombre d'heures travaillées sur l'année. Ces entreprises sont passées facilement aux 35 heures parce qu'elles avaient une certaine saisonnalité, et en organisant le travail sur toute l'année, elles ont pu absorber les 35 heures. Je tiens d'ailleurs à souligner le fait que nous payons en effet chaque année pratiquement 12 milliards, alors qu'en quinze ans, les entreprises ont eu le temps de s'organiser. La facture est lourde, lorsque l'on a un déficit de 60-70 milliards d'euros par an.
J'observe par ailleurs que la comparaison que vous avez faite par rapport à 1982 est sujette à caution. Vous avez comparé des échantillons de personnes qui sont passées de 40 à 39 heures, à des échantillons de personnes qui étaient à 36 heures, et vous avez dit que la précarité était plus forte pour ceux qui étaient passés de 40 à 39 heures. Il me semble que si certains travaillaient 40 heures et d'autres 36, la représentativité des échantillons retenus pose question.
Je suis d'accord avec vous sur le fait que la RTT a entraîné une transformation sociologique du pays. Mais si le fait de passer de 40 à 39 heures permettait d'améliorer le travail en France, si le fait de passer de 39 à 35 heures l'améliorait encore, pourquoi ne pas passer à 32 heures travaillées sur quatre jours, ainsi que le demandent certains ? En fait, tout cela est un jeu à sommes nulles. D'ailleurs, depuis que l'on est passé de 40 à 39 heures, le chômage augmente inexorablement. Je pense donc que votre démonstration est bien menée.
Ensuite, ne pensez-vous pas que l'on essaie d'appliquer des règles strictes à des populations différentes ? Lorsque j'étais informaticien, je pense que je travaillais 70 heures par semaine sans que cela ne me gêne. Mais peut-être que pour un enseignant, 24 heures, c'est déjà beaucoup. Un enseignant au conservatoire de musique travaille 16 heures par semaine et au-delà, il entre dans un cycle d'heures supplémentaires. Cela ne me choque pas. La situation est sans doute différente aussi pour un chirurgien, un pilote d'avion ou un chauffeur de poids lourds, etc.
Avec notre collègue député Jean Mallot, nous étions arrivés dans le cadre de travaux réalisés par le Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale, à la conclusion que c'est aux syndicats et aux partenaires sociaux de se mettre autour de la table pour dire que, par exemple, dans la fonction publique hospitalière, une infirmière touchera des heures supplémentaires au-delà de 32 heures, mais que dans tel ou tel autre métier, il en ira autrement. Certains métiers sont plus ou moins difficiles que d'autres. Il faut le reconnaître et redevenir raisonnables.
Enfin, le pays cherche un peu d'argent. Ne faudrait-il pas que tous ceux qui ont bénéficié d'exonérations de charges sociales pour compenser les 35 heures payées 39 se remettent autour de la table ? Les 35 heures ont été absorbées, et il est temps de discuter sérieusement. Le phénomène de saisonnalité a été une grosse supercherie. Ne pourrait-on pas réintégrer ces 12 milliards, éventuellement de façon progressive ? Ne pourrait-on pas, au cours d'une discussion globale, supprimer cette limite des 35 heures pour tous les Français ?