Je le répète, ce qu'attendent les diplômés qui partent à l'étranger, en particulier en Grande-Bretagne et en Suisse, c'est une ligne sur un CV. Un ingénieur va privilégier un laboratoire qui porte la marque d'une recherche de haut niveau. Et pour un manager, pouvoir justifier d'une expérience à l'étranger dans un grand groupe comme L'Oréal, c'est faire d'une pierre deux coups. Non seulement c'est formateur, mais c'est une référence en termes de marketing, au sens large de l'expression.
Que les étudiants français aient envie de partir à l'étranger, je trouve personnellement que c'est une très bonne chose : cela prouve qu'ils sont ouverts sur le monde et que nos formations sont de qualité. Mais il faut aussi se poser la question de la réciprocité : les étudiants étrangers sont-ils prêts à venir en France ? À cet égard, il faut saluer toute mesure visant à faciliter leur accueil, et au minimum s'étonner de toute initiative susceptible d'y faire obstacle. Selon les périodes, le mouvement est encouragé ou au contraire freiné. Certes, nous ne sommes pas le seul pays à adopter cette attitude, mais c'est une mince consolation.
Non seulement nous devons être capables d'accueillir les étudiants étrangers dans nos établissements, mais nous devons aussi parvenir à les retenir lors de leur première expérience professionnelle. Ce sont des aspects que prend en compte un jeune s'apprêtant à étudier en France, et le fait de pouvoir lui promettre un emploi constitue un atout. D'après mon expérience, la France a une bonne image du point de vue de son enseignement supérieur et de ses formations, mais elle doit aussi être capable d'insérer ses jeunes diplômés dans le tissu économique français ou européen.
Le départ des centres de décision constitue une vraie question. Lorsque le patron des ressources humaines de Schneider s'installe en Asie, il devient plus compliqué de lui « vendre » la marque des institutions françaises, d'autant qu'il n'est pas lui-même français. Il est plus aisé, pour un diplômé d'HEC ou de Polytechnique, de se présenter à un siège social implanté en France que d'avoir la même démarche à Hong Kong auprès d'un directeur des ressources humaines américain : nous n'avons pas la notoriété d'Harvard. Je suis donc inquiet du mouvement de délocalisation des centres de décision, mais surtout des centres de recrutement. C'est pourquoi HEC doit suivre le mouvement et se doter de correspondants à l'étranger afin de mieux faire connaître l'école.
La couverture sociale n'est pas un sujet de préoccupation pour les élèves. En revanche, elle l'est pour les professeurs. À cet égard, nous devons adopter un discours bien plus clair à l'égard des candidats qui observent que les salaires sont plus élevés à Londres, par exemple. Nous commençons à disposer d'algorithmes capables de prendre en compte tous les facteurs, dont la protection sociale et la scolarité des enfants. Il reste que pour faire valoir de tels arguments, nous ne sommes pas encore très bons, d'autant que nous ne sommes pas aidés, tant ces questions sont complexes.
Pour le recrutement des professeurs, les conditions d'accueil sont, en effet, très importantes. Le statut d'enseignant-chercheur étranger est en soi une très bonne chose, et la fluidité des démarches administratives un atout colossal. Ne soyons pas dupes : d'autres pays sont aussi rigoureux ou bureaucratiques que le nôtre, mais une personne victime de tracasseries ne se livre pas à des études comparatives. Notons qu'HEC est sur le point d'ouvrir un bureau avec la préfecture des Yvelines pour faciliter les formalités administratives et régler les problèmes de visa, qui peuvent constituer des points de blocage. Il est destiné aux étudiants, mais les professeurs pourront aussi en bénéficier.