Intervention de Denis Baupin

Réunion du 16 avril 2013 à 17h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDenis Baupin, député :

Je tiens à remercier le président de l'Autorité de sûreté nucléaire du rapport qu'il nous a présenté et d'être présent pour le contrôle de celui-ci par la représentation parlementaire. Vous pouvez compter sur nous pour toujours soutenir le travail de l'ASN et faire en sorte que ses moyens humains et financiers soient confortés, afin qu'elle puisse remplir son rôle. J'ai bien noté votre constat d'un bilan « globalement assez satisfaisant » en des termes que vous avez soupesés qui n'apparaissent pas particulièrement enthousiastes. Je comprends d'autant mieux votre prudence, au regard de l'état de notre parc nucléaire. Pendant votre intervention, nous avons ainsi appris que plusieurs centaines de salariés avaient été évacués de la centrale de Fessenheim, suite à des incidents survenus durant l'arrêt programmé de la centrale, ce qui en dit long sur la vie quotidienne des réacteurs nucléaires en France, avec leurs aléas et leurs accidents extrêmement nombreux. Je tenais également à vous remercier d'avoir réaffirmé les propos d'André-Claude Lacoste. Un tabou est tombé avec Fukushima. Un accident nucléaire majeur s'avère possible en France. Nous devons prendre toute la mesure de ce constat. Je vous remercie par ailleurs d'avoir souligné le caractère positif d'un travail au niveau européen. Il y a là matière à améliorer la sûreté pour l'ensemble de nos réacteurs, sachant qu'un accident majeur toucherait le territoire de plusieurs États.

Ma première question concernera le vieillissement de nos réacteurs nucléaires et le constat de leur indisponibilité croissante. Le président d'EDF avait fixé à 15 % en 2012 l'indisponibilité des réacteurs sur l'ensemble du territoire. Cette indisponibilité a atteint près de 20 %. Quelle est votre analyse sur ce dépassement très net du niveau d'indisponibilité ? Est-ce dû au vieillissement ou à la sous-traitance et aux incidents qui y seraient liés ? Nous constatons par ailleurs plus d'arrêts fortuits des centrales nucléaires françaises en ce début d'année 2013 que sur l'ensemble de l'année 2012. Là encore, comment analysez-vous une telle situation ?

Suite aux stress tests et aux évaluations complémentaires de sûreté, l'ASN a émis pas moins de 1.000 recommandations à destination d'Areva et d'EDF sur nos installations nucléaires. Où en est-on aujourd'hui ? Combien de ces recommandations ont été mises en oeuvre ? Comment la représentation nationale peut-elle être informée au fur et à mesure de la mise en place de ces recommandations ?

La troisième question concernera le débat sur la transition énergétique. Vous avez indiqué à juste titre que personne ne peut connaître la durée de vie réelle d'une centrale nucléaire. Vous répondez en quelque sorte à ceux qui nous indiquent que ces centrales seraient « amorties » et pourraient continuer à fonctionner ad vitam aeternam. Dans votre analyse, même si j'ai quelques doutes sur la possibilité de prolonger des réacteurs nucléaires au-delà de 40 ans, confirmez-vous que le référentiel de sûreté auquel devraient correspondre les réacteurs nucléaires, si d'aventure ils devaient être prolongés au-delà de 40 ans, correspondrait au minimum à celui de réacteurs neufs, c'est-à-dire à celui de l'EPR ? Confirmez-vous par ailleurs le coût avancé par EDF de 50 milliards d'euros pour une « cure de jouvence » de ses réacteurs pour dépasser les 40 ans de vie ? Validez-vous ce chiffre qui apparaît singulièrement sous-évalué ?

Aujourd'hui même ou dans les prochains jours, un convoi chargé de MOX va partir de La Hague à destination du Japon. L'usine de La Hague a reçu sa 4e mise en demeure de l'Autorité de sûreté nucléaire pour des défauts d'entretien et de maintenance de l'installation. Votre prédécesseur, André-Claude Lacoste, nous avait indiqué voilà moins d'un an, ici même, dans le cadre de la Commission des affaires économiques, que la sûreté nucléaire au Japon ne fonctionnait pas, comme il l'avait constaté voilà plusieurs années déjà dans le cadre d'un audit qu'il avait réalisé sur la sûreté nucléaire japonaise. Après Fukushima, il avait reposé la question à ses homologues, qui avaient décidé de ne rien changer dans leur sûreté. J'ai cru lire dans la presse que la situation avait quelque peu changé. Malgré tout, alors même que seuls deux réacteurs sont en fonctionnement dans ce pays qui connaît de grandes difficultés, est-il bien pertinent d'envoyer un chargement de MOX ?

Sur Fessenheim, vous avez justifié à l'instant les travaux devant être engagés sur ce réacteur, qui ne consistent pas seulement dans l'épaississement d'un radier, insuffisant pour atteindre vos préconisations. EDF a ajouté à celui-ci la construction d'un élément totalement nouveau, qui n'existe jusqu'à présent nulle part ailleurs. Il s'agit d'un récupérateur de corium, qui devrait venir prendre place sous un réacteur existant. Le directeur de la centrale de Fessenheim lui-même a souligné qu'un tel procédé n'avait jamais été mis en oeuvre dans le monde. J'ai ici le courrier que m'a adressé Monsieur Repussard lorsque je l'ai questionné sur ce récupérateur de curium. Il m'indique que pour un certain nombre de mes questions, à savoir la résistance potentielle de ce récupérateur en cas de séisme, la gestion de l'eau dans le puits de la cuve, compte tenu du risque que le corium puisse rencontrer de l'eau, la réfrigération du corium, prévue sur l'EPR mais pas à Fessenheim, il attendait des réponses d'EDF. Vous nous indiquez que les travaux vont bientôt avoir lieu. Avez-vous obtenu ces réponses d'EDF ? EDF a-t-elle justifié ses choix ? Sommes-nous certains que ce dispositif correspond aux préconisations que vous avez émises en matière de sûreté en cas d'accident sur Fessenheim ? Cette réponse vous a-t-elle convaincus ?

Mon ultime question portera sur un réacteur en construction, l'EPR de Flamanville. Quel est l'état de l'analyse de l'ASN s'agissant de la sûreté de l'EPR ?

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