Intervention de François Brottes

Réunion du 9 juillet 2014 à 16h15
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Brottes, président :

Avant que nous ne commencions, je voudrais souhaiter en notre nom à tous un excellent anniversaire à notre collègue Dino Cinieri – ainsi qu'à Mme Viviane Denis, ce qui me donne l'occasion de saluer le travail effectué par les agents de notre assemblée (Sourires).

Mme la rapporteure va nous présenter une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête relative aux tarifs de l'électricité. Ayant été l'instigateur de cette démarche, je vais me permettre de rappeler au préalable le contexte de cette proposition. La question des tarifs de l'électricité donne lieu à un imbroglio permanent : chaque majorité y est allée de sa loi ou de son décret, ce qui a invariablement conduit l'autorité juridictionnelle, à chaque fois qu'elle a été saisie d'un recours, à estimer que la copie était à revoir – sur ce point, la droite et la gauche sont quasiment à égalité.

Le sujet fait débat et suscite des crispations car, même si les choses sont faites de façon que le politique n'a pas forcément vocation à s'y intéresser – un peu comme c'était le cas pour le taux d'intérêt du livret de caisse d'épargne il y a quelques années –, nos concitoyens, qu'il s'agisse des particuliers ou des entreprises, ont tendance à considérer que le politique doit avoir son mot à dire en matière de tarifs de l'énergie, a fortiori quand on parle de tarifs réglementés – même si l'espèce est en voie de disparition.

On assiste à une hausse constante des tarifs de l'électricité, que certains estiment inéluctable. Je ne partage pas cet avis, car on a vu que la révision de la formule de calcul du prix du gaz – consistant à faire entrer dans cette formule davantage de gaz issu du marché par rapport à celui provenant des contrats à long terme – avait permis une baisse sensible des tarifs, mais je reconnais toutefois que c'est un peu plus compliqué pour l'électricité. Mme la ministre, qui s'est beaucoup exprimée sur le sujet dernièrement, a émis des préconisations et fait part de son intention d'entamer des négociations avec l'opérateur principal. Un décret, qui n'est sans doute pas le dernier, est en voie de parution, et les travaux que nous allons mener dans le cadre de la commission d'enquête devraient nous permettre de mener une réflexion sereine, qui sera utile à tous pour les dix ans qui viennent.

Pourquoi une commission d'enquête ? Parce que cette formule permet de convoquer des personnalités, de les faire témoigner sous serment et de leur demander la communication de certains documents. En cas de refus de leur part, nous pouvons toujours aller chercher ces documents là où ils se trouvent, et une telle démarche est parfois nécessaire pour obtenir la transparence, notamment en matière de constitution des coûts, qui constituent en principe l'essentiel du tarif. Même Philippe de Ladoucette, président de la Commission de régulation de l'énergie (CRE), affirmait dans un rapport n'avoir pu obtenir certaines précisions au sujet de ces coûts. Nous avons donc un service à rendre à la nation en menant une réflexion complète au sujet de leur constitution et, comme nous l'avions fait dans le cadre de la commission d'enquête relative aux coûts passés, présents et futurs de la filière nucléaire, en allant au fond des choses pour savoir ce que coûte la contribution au service public de l'électricité (CSPE) et comment elle est dépensée : si elle sert notamment à financer les tarifs sociaux, le déploiement des énergies renouvelables, la solidarité avec les territoires non connectés au réseau et le médiateur national de l'énergie, il est permis de se demander si, dans tous ces domaines, il n'y a pas quelques progrès, donc quelques propositions à faire.

En ce qui concerne les réseaux, qui constituent un autre élément constitutif des coûts, le tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE) a été contesté, pas tant en ce qui concerne les transports, où les choses paraissent à peu près claires – il faudra tout de même le vérifier – qu'en matière de distribution, où l'on assiste à un jeu de rôles entre ERDF et les collectivités locales, l'un possédant les réseaux et les compteurs, les autres ouvrant et fermant le robinet, dans le cadre d'un système pas toujours aussi fluide qu'il devrait l'être et qui pourrait bien occasionner quelques pertes en ligne entraînant autant de surcoûts pour le consommateur.

Pour ce qui est des tarifs sociaux, le projet de « chèque énergie » me paraît constituer une bonne solution : c'est en tout cas la seule permettant de traiter de toutes les énergies, y compris celles qui ne sont pas en réseau – je pense en particulier au fioul. La commission d'enquête devra anticiper la mise en oeuvre d'un nouveau mode de prise en charge des tarifs sociaux, qui ne sont actuellement financés que par les énergies en réseau. Ce travail, nécessaire depuis longtemps, l'est aujourd'hui plus que jamais, car les décisions de justice ne cessent de contrarier les autorités qui se succèdent, et nos concitoyens ont de plus en plus de mal à comprendre leur facture.

J'ajoute que les taxes locales ont fait l'objet de décisions étonnantes de la part de la majorité précédente, au terme desquelles les communes de moins de 2 000 habitants ont vu le montant de leurs taxes déterminé par les syndicats d'électricité départementaux même quand elles n'avaient pas voté ces taxes ; dans le cadre de la dernière loi de finances rectificative, il a été décidé d'étendre ce mécanisme à toutes les communes à partir du 1er janvier 2015. Cette disposition va être revue, car il est étrange de voir une taxe décidée par une instance non élue au suffrage universel, à plus forte raison lorsque celle-ci s'applique à des communes qui ne l'avaient pas votée…

Comme on le voit, le chantier est immense : la constitution des tarifs est une chose complexe qui, à la manière d'un écheveau que l'on défait, vous amènera sans doute, au fil de vos travaux, à découvrir des éléments qui nous sont encore inconnus – tout cela au profit du bien commun, consistant à mettre fin à une escalade irraisonnée des tarifs, qui pourrait sans doute être évitée si l'on trouvait le moyen d'optimiser les choses : le consommateur ne s'en plaindrait pas ! J'espère ne pas avoir été trop long, madame la rapporteure, dans mon exposé des raisons qui ont présidé à la démarche du groupe socialiste.

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