Intervention de François Desroziers

Réunion du 7 octobre 2014 à 19h00
Commission d'enquête chargée d'étudier les difficultés du monde associatif dans la période de crise actuelle, de proposeer des réponses concrètes et d'avenir pour que les associations puissent assurer leurs missions, maintenir et développer les emplois liés à leurs activités, rayonner dans la vie locale et citoyenne et conforter le

François Desroziers, co-fondateur de SPEAR :

SPEAR, acronyme de Société pour une épargne activement responsable, est une coopérative de crowdfunding solidaire qui permet à des épargnants une totale transparence sur l'utilisation de leur argent et à des porteurs de projet – que l'on qualifie de responsables –, dont certains appartiennent au monde associatif, d'avoir accès à des financements bancaires avantageux.

SPEAR a été créée en février 2012 à la suite de deux constats. Le premier, c'est le manque de transparence bancaire. Si vous avez de l'argent en banque, vous connaissez sans doute la liquidité de votre produit et son taux d'intérêt, mais vous n'avez aucune idée de ce que la banque fait de votre argent. Le rôle de SPEAR est de permettre à des épargnants de connaître la destination de leur argent et surtout de choisir à quel projet responsable ils vont pouvoir affecter leur épargne. Si l'on récolte de l'argent, c'est pour en faire quelque chose.

Deuxièmement, ces porteurs de projets que l'on qualifie de responsables, c'est-à-dire qui répondent à une problématique sociale, culturelle ou environnementale, n'ont pas nécessairement d'incitation financière à exister. Lorsqu'ils se confrontaient au secteur bancaire classique, leur activité extra-financière – par exemple l'insertion, la réduction de l'empreinte carbone, l'accès facilité à la culture – était souvent considérée comme un facteur de risque. Du coup, soit ils se heurtaient à des difficultés pour emprunter, soit ils empruntaient mais à des taux plus élevés. SPEAR souhaitait permettre à ces acteurs d'avoir un meilleur accès au crédit et un taux de crédit moins élevé du fait de leur impact social.

SPEAR se trouve sur un segment de marché assez spécifique. C'est en quelque sorte un ovni dans l'univers de la finance participative puisque ce n'est pas un intermédiaire. Nous travaillons en effet avec des banques partenaires. Lorsqu'un porteur de projet nous présente son besoin financier, nous étudions bien évidemment sa demande avant de la transmettre à nos partenaires bancaires. Actuellement, nous travaillons avec le Crédit coopératif, la Société générale, la BNP, CMP-Banque. C'est notre partenaire bancaire qui valide notre analyse financière. Tous les projets présents sur notre site Internet ont été validés par une banque partenaire de SPEAR. Ensuite une opération de crowdfunding est menée, c'est-à-dire que des épargnants choisissent le projet pour lequel ils vont épargner. Le rôle de SPEAR est d'utiliser cette liquidité pour diminuer le taux d'intérêt du porteur de projet auprès de ses partenaires bancaires.

SPEAR travaille dans le secteur de l'entreprenariat social, de l'économie sociale et solidaire et fait face à diverses typologies de structures. Nous finançons pour 80 % des entreprises et pour 20 % des associations. Les associations oeuvrent principalement dans le secteur médico-social et dans le logement social. Les types de projets sont principalement d'ordre immobilier parce que ce sont les partenaires bancaires qui financent l'immobilier cela et que la prise de garantie est facile pour une banque. Le projet moyen d'une association chez SPEAR est de l'ordre de 250 000 euros. Depuis février 2012, date de notre lancement, nous avons soutenu une vingtaine de projets, ce qui représente un encours de crédit de 3,8 millions d'euros. Nous avons collecté plus de 2,5 millions auprès de plus de 500 personnes pour soutenir ces projets responsables.

Pour notre part, nous notons une transformation du secteur associatif. Comme vous le savez, les subventions diminuent ; il faut donc renouveler le modèle de financement, si ce n'est le modèle économique. Nous sommes confrontés à une problématique assez spécifique puisque nous intervenons sur du crédit bancaire, donc sur des associations qui sont des objets économiques en tant que tels, c'est-à-dire un modèle économique et une capacité de remboursement. L'une des grandes faiblesses du secteur associatif est l'absence de fonds propres qui peuvent être investis à très long terme. Les associations n'ont pas eu le réflexe de se constituer des fonds propres puisque la notion d'excédent n'existait pas réellement. Elles n'ont donc pas de matelas de sécurité qui leur permettrait de diversifier leurs sources de financement et de faire appel au crédit bancaire.

Nous avons constaté également qu'elles se professionnalisent, ce qui est nécessaire. Le secteur associatif se rationalise et se structure de plus en plus. Nous nous réjouissons de voir que de nombreuses associations commencent à se structurer en groupements d'associations pour mutualiser certains postes comme le poste comptable et qu'elles mettent en place des systèmes plus professionnels, ce qui leur permet d'être plus crédibles et de faciliter leur accès au crédit. Il est nécessaire d'accentuer ce processus, car il facilite l'accès à la ressource bancaire.

SPEAR est un intermédiaire entre le secteur bancaire et le secteur de l'économie positive. Ce secteur est confronté à un manque de visibilité, de compréhension par la foule mais aussi par les financeurs classiques. Nous avons un rôle pédagogique auprès de l'association afin de l'aider à avoir une structuration financière, un budget prévisionnel équilibré, un plan de trésorerie, etc. mais également auprès des banques qui découvrent ce monde et apprennent ce qu'est une entreprise d'insertion sous forme associative et ses spécificités. Si elles ne prêtaient pas à ce secteur, c'était plus par méconnaissance que par le risque trop important qu'il peut représenter.

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