C'est un honneur pour moi que de prendre la parole devant vous. Je vous remercie du temps que vous me consacrez, de l'amitié que vous me témoignez et de l'intérêt que vous accordez à mon pays.
L'Assemblée nationale française a contribué à la création, au renforcement et à l'expansion de l'Union européenne, à la fin de la guerre froide et à plusieurs décennies de paix et de prospérité. Bien que de nombreux aspects de cette heureuse époque soient aujourd'hui remis en cause, nous sommes persuadés que les traditions démocratiques de la France, sa solidité institutionnelle et la résilience de son peuple permettront de redresser la situation et que des jours meilleurs nous attendent.
Ce dont il s'agit aujourd'hui, en Europe, c'est de renforcer le projet européen et de le rendre toujours plus attrayant. Or la France connaît bien, mieux peut-être que toute autre nation en Europe, les avantages de l'intégration européenne. Cinq ans seulement après la guerre la plus brutale que l'humanité ait connue, des visionnaires de votre pays, Jean Monnet et Robert Schuman, prononçaient leur déclaration historique. La France représente l'esprit de l'Europe depuis plusieurs siècles ; ce n'est pas un hasard si, il y a trois cents ans, Soulkhan-Saba Orbeliani, célèbre érudit et diplomate géorgien, s'est principalement rendu à Paris et à la cour de France lorsqu'il a dû solliciter l'aide de l'Europe pour le compte du roi de Géorgie. C'est à Paris, c'est en France que les dirigeants de la première République démocratique géorgienne ont trouvé refuge après l'annexion de la Géorgie par la Russie bolchevique, en 1921. À ce propos, je tiens à exprimer toute ma gratitude à la France pour la restitution à la Géorgie du château de Leuville.
Aujourd'hui, au xxie siècle, cet esprit occidental que la France représente si fortement nous fait désirer, à nous Géorgiens, une plus étroite intégration européenne. Cet intérêt repose sur la conviction que nous partageons les valeurs de l'Occident et que nous faisons culturellement partie de celui-ci. Non seulement la Géorgie tirera profit d'une coopération plus intense avec les institutions européennes, mais l'Europe elle-même en bénéficiera à plus d'un titre. L'Europe traverse en effet une période difficile, qu'il s'agisse de ses institutions politiques, de ses perspectives économiques ou des défis sécuritaires qu'elle doit relever. Or la Géorgie, État démocratique et politiquement stable, est située à proximité de zones sensibles – le Moyen-Orient, la Russie, l'Asie centrale. Un allié fiable, démocratique et prospère dans cette région représente un atout, et ce pour chaque État membre, et non pas seulement pour l'Union européenne elle-même. Je suis reconnaissant à la France de la maturité politique dont elle a fait preuve en soutenant la Géorgie tout au long du processus qui a mené à la conclusion et à la mise en oeuvre de l'accord d'association et à la libéralisation des visas – c'est essentiel à notre intégration européenne.
La Géorgie a entrepris avec succès des réformes démocratiques et visant à établir une économie de marché socialement responsable ainsi qu'à éliminer la corruption ; cela n'aurait pas été possible sans le soutien de nos amis européens. Aujourd'hui, la Géorgie est reconnue comme leader dans la région du point de vue de la démocratie, des libertés et du niveau de corruption, très faible au regard non seulement des pays de la région mais aussi des pays membres de l'Union européenne, comme en témoigne le classement récemment publié par Transparency International, qui nous place devant onze d'entre eux. Parallèlement, nous poursuivons nos réformes économiques et, malgré les défis qui restent à relever dans notre environnement régional, la Géorgie devrait connaître cette année une croissance de 5 % selon les prévisions de la Banque mondiale.
Je suis fier de dire que les relations bilatérales entre la France et la Géorgie sont aujourd'hui intenses. Elles incluent la coopération économique, la défense, l'éducation et la culture. Nous avons également d'excellentes relations dans le cadre multilatéral de l'OTAN. Dans le domaine de la sécurité, la France est à la pointe de l'initiative de défense aérienne engagée dans le cadre du « paquet substantiel OTAN-Géorgie » (substantial NATO-Georgia package, SNGP). Après avoir achevé la phase de fixation du calendrier, nous élaborons maintenant le plan d'action. La présence de la France à Batoumi témoigne de son engagement en faveur de la sécurité dans la région de la mer Noire. La participation conjointe de soldats français et géorgiens à des missions de sécurité internationale est notable ; la semaine dernière encore, un détachement de soldats géorgiens était envoyé en République centrafricaine au côté des contingents français. Nous sommes reconnaissants à la France d'avoir inclus la Géorgie dans la liste des pays d'origine sûrs.
La France a toujours fait partie des destinations touristiques les plus prisées des Géorgiens, qui sont fascinés par son architecture, ses musées, sa joie de vivre et les plages de la Côte d'Azur. Il y a aussi de nombreux touristes français qui visitent et apprécient la Géorgie ; nous aimerions qu'ils soient encore plus nombreux. Il faut donc mettre en place des vols directs entre la France et la Géorgie, laquelle est déjà directement reliée à l'Allemagne et à d'autres pays européens.
Il existe aussi des arguments géopolitiques en faveur d'une intégration croissante de la Géorgie aux institutions européennes. Aujourd'hui, l'Europe et l'Occident tout entier sont défiés par d'autres pays dont certains ne protègent pas la démocratie et les libertés fondamentales. De ce point de vue, la réussite de la Géorgie est importante. Nous nous félicitons donc de l'ouverture d'un bureau de l'Agence française de développement à Tbilissi. Nous sommes heureux de l'intérêt que la France témoigne au développement de l'agriculture, de l'énergie, du tourisme et d'autres secteurs importants en Géorgie. Il montre combien vous êtes conscients des défis communs qui lient la France à d'autres parties de l'Europe.
L'assistance que nous recevons dans le domaine de l'éducation est particulièrement importante. Nous voulons renforcer l'enseignement du français en Géorgie, où quelque 11 000 étudiants apprennent votre langue. Nous sommes reconnaissants à l'Institut français du rôle qu'il joue dans notre pays, où il accueille environ 300 étudiants par semestre. Nous participons à l'Organisation internationale de la francophonie. Cette coopération va resserrer les liens entre nos deux peuples et entre nos deux pays.
Outre la politique, l'économie et la sécurité, nos deux pays ont en commun une histoire très riche qui nous rend plus forts et qui donne plus de poids à notre partenariat. Nous partageons l'amour des vins ; le vignoble géorgien sera cet été l'invité d'honneur de la Cité du vin, à Bordeaux, et nous présenterons notre culture et nos traditions, au-delà même de la viticulture.
Je tiens à vous exprimer de nouveau notre reconnaissance pour le soutien politique que vous nous avez apporté pour préserver notre intégrité territoriale et notre souveraineté. Je vous remercie de vos propos à ce sujet, monsieur le président. Nous subissons l'occupation de 20 % de notre territoire. Mais nous nous montrerons pragmatiques vis-à-vis de la Russie. Nous ne voulons pas manquer l'occasion historique qui nous est offerte de nous rapprocher de l'Europe. À cet égard, le soutien de la France est décisif. Nous espérons que notre partenariat et ce soutien vont perdurer. Car seule une Géorgie européenne, démocratique et stable peut garantir l'unité du peuple, nourrir le désir de réintégration dans le pays et mettre fin à l'occupation de ces territoires. Nous avons besoin du soutien de la communauté internationale et de nos partenaires internationaux pour trouver une solution pacifique au conflit. C'est notre seul désir et le sens de notre politique. Pour mettre en oeuvre cette politique, nous avons besoin de puissants appuis internationaux tels que celui de la France.
Merci à nouveau de votre accueil et du temps précieux que vous acceptez de consacrer à la Géorgie.