L'année 2015 sera, nous en avons tous conscience, une année décisive, « une année de vérité », selon l'état-major, et sa réussite sur le plan budgétaire conditionnera la bonne exécution de l'ensemble de la LPM 2014-2019.
Le projet de loi de finances pour 2015 traduit l'engagement du Président de la République de préserver les ressources affectées au ministère de la défense. Les 31,4 milliards d'euros prévus par la LPM permettront de franchir une étape clé de la modernisation de nos armées, qui se traduira par le passage au stade de la réalisation de 11 programmes, pour un montant de 2,75 milliards d'euros. On peut citer le système de drones tactiques, le système de commandement de gestion de crise DESCARTES, les satellites CERES, les bateaux de soutien et d'assistance hauturiers (BSAH), la rénovation de nos croisières de missiles longue portée SCALP ou encore les véhicules des forces spéciales.
À l'instar de mes collègues, je relèverai le niveau élevé de ressources exceptionnelles (REX), porté à 2,3 milliards d'euros en 2015 par la programmation triennale des finances publiques. C'est pour nous un risque de fragilisation de la trajectoire financière de la LPM.
Le calendrier de la cession de la bande des fréquences des 700 mégahertz, qui constitue l'essentiel des REX inscrites pour 2015, est en effet très ambitieux. Nous avons interrogé l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) sur ce point et, si elle a assuré être en ordre de marche pour la réaliser au plus vite, cette cession implique la réalisation d'un certain nombre de consultations, de procédures qui elles-mêmes nécessiteront de la part du Gouvernement une mobilisation sans faille tout au long de l'année qui vient. Je sais que le Gouvernement est prêt à relever ce défi mais les recettes ne devraient pas être disponibles au profit de la mission « Défense » avant le mois de décembre 2015, ce qui ne paraît pas compatible avec l'exécution budgétaire. Or la direction générale de l'armement (DGA) et l'état-major des armées nous ont fait savoir qu'il était fondamental pour eux de disposer de ces ressources dès l'été, au plus tard en septembre-octobre.
Il ne serait naturellement pas possible de faire supporter ce décalage calendaire par une augmentation du report de charges, qui est déjà aujourd'hui, pour le seul programme 146, proche du seuil critique de 2,1 milliards d'euros si la réserve de précaution était levée – sinon, nous en serions à 2,6 milliards d'euros –, tandis que la renégociation des contrats en cours a également atteint ses limites. C'est pourquoi vous envisagez d'utiliser la palette des outils mis à votre disposition par la clause de sauvegarde de la LPM qui vous permet de mobiliser le produit de cessions additionnelles de participations d'entreprises publiques en cas de décalage calendaire des REX. La difficulté restant de définir les modalités d'utilisation du produit de ces cessions, mais aussi de les intégrer dans un calendrier compatible avec l'exécution budgétaire.
Plusieurs hypothèses ont été envisagées. Une nouvelle sollicitation du programme d'investissements d'avenir, à l'image du schéma déjà utilisé en 2014, a été écartée. Seuls deux opérateurs de la défense, le commissariat à l'énergie atomique et le centre national d'études spatiales, sont en effet éligibles à ces crédits et il leur aurait été difficile d'absorber 2 milliards d'euros de nouvelles dépenses en 2015 alors que d'après leurs propres estimations ils n'auraient pu aller au-delà de 500 millions d'euros. Il aurait pu être envisagé d'ajouter la délégation générale à l'armement à la liste des opérateurs éligibles mais cette solution n'a pas été retenue. Pouvez-vous nous en dire un peu plus, monsieur le ministre ?
On aurait pu affecter ces 2 milliards d'euros directement à la mission « Défense ». Il aurait alors fallu prévoir une dérogation expresse dans le cadre du PLF pour 2015. Une autre solution aurait été de consacrer cette somme au désendettement et d'abonder d'autant le budget de la mission « Défense ». Ces deux solutions ont été écartées car elles présentaient l'inconvénient de dégrader le solde public.
Conformément à ce que vous laissiez entendre ces derniers mois, vous vous engagez donc, monsieur le ministre, sur une troisième voie, celle de la société de projet (SPV). Ce projet est très volontariste car il doit respecter des contraintes calendaires très fortes. Il convient rapidement de dresser la liste des équipements entrant dans son périmètre. L'état-major des armées m'a indiqué être attentif non seulement à la nature de ces équipements mais aussi à la cohérence entre les équipements qui pourraient être propriété de l'État ou propriété de cette SPV.
La création de la SPV et son fonctionnement engendreront des coûts supplémentaires liés à la rémunération du capital investi, aux différentes garanties et assurances, sans oublier les frais de gestion et les loyers qui lui seront versés : autant de coûts qui seront à la charge du ministère de la défense. C'est pourquoi l'opération, si elle devait être menée à bien, doit viser un débouclage rapide, à l'horizon de deux ou trois ans, à la fin de la LPM au plus tard.
Enfin, des interrogations demeurent sur l'impact d'un tel projet sur la dégradation du solde public.
Compte tenu de ces contraintes, pouvez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des éléments complémentaires sur la création de cette ou de ces SPV et nous indiquer si le calendrier prévu est compatible avec l'exécution budgétaire ?
Si le projet n'aboutissait pas d'ici à l'été prochain, serait-il envisageable d'affecter le produit des cessions directement au profit de la mission « Défense » ? Cela rassurerait les parlementaires ainsi que nos soldats et notre état-major.
En attendant, j'émets un avis favorable sur les crédits de la mission.