Intervention de Guy Teissier

Réunion du 23 octobre 2014 à 9h10
Commission élargie : finances - défense nationale - affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuy Teissier, rapporteur pour avis pour la commission des affaires étrangères :

La France peut être fière de ses armées. À une époque où les rapports de force économiques et politiques ne sont pas forcément à notre avantage, personne ne conteste que la France porte haut son statut de grande puissance militaire. Le courage, l'audace et le savoir-faire de nos armées suscitent partout l'admiration, y compris chez nos grands voisins américains. Nos militaires sont d'excellents ambassadeurs de la France dans le monde, et ils sont fiers de ce qu'ils sont. Ce constat, le Président de la République le partage puisqu'il n'hésite pas à déployer nos armées pour contrer les menaces, nombreuses et inquiétantes, de notre environnement international. Mali et Centrafrique en 2013, mise en place de Barkhane au Sahel et campagne aérienne en Irak en 2014 : nos militaires sont très engagés, sur des théâtres risqués et dans des conditions difficiles et, on l'a mentionné, ils sont trop souvent trop seuls.

Mais notre outil militaire atteint ses limites. Les équipements, fortement sollicités en OPEX, peinent à se régénérer, et les livraisons de nouveaux matériels, étalées dans le temps pour faire face à la baisse des budgets, sont trop lentes au regard des besoins. De manière plus inquiétante encore, les savoir-faire militaires menacent de s'éroder, en raison de l'insuffisance de l'entraînement générique. Pour le moment, nos armées vivent sur leurs acquis, mais cela ne pourra durer qu'un temps.

Tout cela, monsieur le ministre, vous en êtes conscient. Vous avez estimé que le budget de la défense ne devait pas descendre en dessous de 31,4 milliards d'euros. Le Président de la République avait d'ailleurs lui-même pris un engagement en ce sens l'année dernière. Le budget que vous nous présentez pour 2015 affiche nominalement ce montant. Mais, sauf votre respect, ce budget reste à mes yeux insincère et, comme aurait dit un syndicaliste bien connu, le compte n'y est pas : il vous manque 2,1 milliards d'euros de ressources, et vous ne pouvez pas nous dire précisément comment vous allez les trouver. Le pouvoir budgétaire du Parlement implique que nous puissions voter en connaissance de cause ; or tel n'est pas le cas aujourd'hui. La question des sociétés de projet n'est pas un détail purement technique que vous pourriez régler vous-même en cours d'exercice budgétaire : elle a des implications sur l'avenir de notre outil militaire et devrait pouvoir être débattue concrètement dès le vote du budget. Comment comptez-vous associer le Parlement à cette réflexion ?

Même dans l'hypothèse où vous parviendriez à réunir les 31,4 milliards d'euros promis pour 2015, il est plus qu'improbable que la défense bénéficie de l'intégralité de son budget en 2014. En effet, la défense participera à hauteur de 20 % au financement des dépenses soumises à la solidarité interministérielle, dont les surcoûts OPEX, pour 1,1 milliard d'euros. Les 450 ou 500 millions d'euros de la clause de sauvegarde de la loi de programmation militaire – que j'avais créée à l'époque où je présidais la commission de la défense et des forces armées – ayant déjà été intégralement consommés pour compenser la gestion 2014, vous n'aurez plus de marge de manoeuvre pour amortir les nouvelles annulations de crédits qui seront décidées inéluctablement en fin d'année. Aussi suis-je inquiet parce que les efforts de rationalisation et l'inventivité des militaires ne pourront pas indéfiniment compenser le manque chronique de ressources.

J'en viens aux questions. Vous avez récemment annoncé un plan de restructurations qui se traduit par un nombre limité de fermetures de sites, dans un souci louable d'en réduire l'impact territorial – on a pu constater les dégâts que peut occasionner une fuite dans la presse. Pour cela, de nombreuses unités vont perdre certaines de leurs composantes et voir leurs effectifs réduits : un bataillon n'a pas l'efficacité d'un régiment. Ne craignez-vous pas d'affaiblir notre outil militaire par ce que les états-majors appellent communément l'« échenillage » ? Par ailleurs, vous avez évoqué l'annonce d'un plan de restructuration pluriannuel dès le début de l'année 2015 afin de donner une meilleure visibilité aux familles et aux territoires : pouvez-vous confirmer cette hypothèse ?

J'ai rencontré les forces spéciales qui se trouvent en première ligne au Sahel – et dont les opérations, souvent tenues secrètes, sont remarquables. Ces hommes sont passionnés par leur métier. Cependant, en raison des déflations d'effectifs, ils sont soumis à un rythme opérationnel excessif au regard de leurs possibilités d'entraînement et de leur vie de famille. Ce déséquilibre ne vous paraît-il pas dangereux, étant donné le profil extrêmement risqué des missions confiées à ces forces ?

Pour ce qui est des crédits de la mission, je m'en remettrai à la sagesse de la commission.

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