Intervention de Jean-Yves le Drian

Réunion du 23 octobre 2014 à 9h10
Commission élargie : finances - défense nationale - affaires étrangères

Jean-Yves le Drian, ministre de la défense :

Je remercie les différents rapporteurs pour la qualité de leurs exposés et pour leurs remarques que, globalement, je partage.

Ainsi que l'article 8 de la loi de programmation militaire m'en fait l'obligation, je me dois d'abord de vous faire un point sur son exécution pour le second semestre de l'année en cours.

L'ensemble de la trajectoire de la LPM, pour 2014, est respecté. J'aborderai trois aspects : la trajectoire en matière de ressources humaines, la trajectoire capacitaire et la trajectoire financière.

Pour ce qui est des ressources humaines, une déflation de 7 880 emplois était prévue par le projet de loi de finances pour 2014. La cible est parfaitement tenue. La manoeuvre RH a fait la preuve de son efficacité puisqu'elle s'est appuyée sur un dispositif d'accompagnement social personnalisé, un plan d'accompagnement des restructurations, avec des incitations financières et des aides à la mobilité au profit du personnel civil et militaire.

Dans le même temps, je me suis attaché à renforcer les moyens humains affectés à certaines missions prioritaires prévues par le LPM, comme les services du renseignement, la cyberdéfense ou les forces spéciales. La LPM prévoit une augmentation des effectifs des forces spéciales qui doivent passer de 3 000 à 4 000 personnes. Ils auront crû cette année de 200 personnes par rapport à 2013. Le processus est identique pour la cyberdéfense. Aussi le chiffre de 7 880 emplois tient-il compte des recrutements opérés dans les secteurs prioritaires mentionnés.

L'effort de « dépyramidage », quant à lui, se poursuit. Cet effort, qu'il faut conduire avec précaution, est nécessaire. Nous avons pris l'engagement de réduire la part des officiers au sein de la population militaire de 16,75 % à 16 % en fin de programmation – soit une déflation significative mais pas exceptionnelle. Il s'agit en particulier de sortir de la contradiction à laquelle j'ai été confrontée en arrivant au ministère : les effectifs diminuaient, mais la masse salariale augmentait… Or, pour la première fois, en 2014, la masse salariale aura baissé de 340 millions d'euros. Cette opération exige une gestion très pointue des ressources humaines ; elle devra se prolonger en ce sens à moins de remettre en cause le maintien en condition opérationnelle (MCO) qui est l'une de mes priorités.

Reste le poison que constitue le logiciel Louvois – un fardeau dont je me serais bien passé. Ses dysfonctionnements, par définition, ne cesseront que lorsque le nouveau système sera opérationnel. À la fin de l'année dernière, face à l'impossibilité de transformer le dispositif Louvois, j'ai brutalement décidé de l'arrêter. Le prototype du nouveau modèle sera connu à la fin 2014 et sa mise en oeuvre définitive sera effective dès que nous serons assurés que nous ne serons pas exposés à de nouvelles complications ; en attendant, nous resterons en double pilotage. Louvois nous a coûté en 2014 quelque 150 millions d'euros. On compte 90 millions d'euros d'indus nets versés qui ne sont pas récupérés et 35 millions d'euros d'avances non récupérées.

Pour ce qui est de la trajectoire capacitaire et industrielle, elle est intégralement respectée. Nous sommes convenus, avec les chefs d'état-major, des contrats opérationnels préconisés par le Livre blanc. J'ai insisté sur la nécessité de maintenir la qualité et le niveau de la préparation et de l'activité opérationnelle. Or c'était souvent auparavant, pour des raisons de facilité, la variable d'ajustement. J'ai décidé, fin 2013, d'enrayer la diminution, constante depuis de nombreuses années, des crédits affectés à l'ensemble de la préparation opérationnelle. Nous y sommes parvenus en 2014. J'ai souhaité que chaque exercice budgétaire prévoie une augmentation de 4,5 % pour le maintien en condition opérationnelle et pour la préparation opérationnelle des forces, cela afin que nous respections à nouveau les normes OTAN – ce qui sera le cas à la fin de la période couverte par la LPM. Je pense en particulier à la réforme de maintien en condition opérationnelle aéronautique.

Par ailleurs, les programmes d'armement prévus pour 2014 sont intégralement respectés eux aussi : commande du quatrième sous-marin nucléaire d'attaque Barracuda, développement d'une nouvelle version du missile balistique M51, engagement du programme SCORPION, lancement du projet Airbus A330 Multi-Role Tanker Transport (MRTT).

Pour ce qui est de la trajectoire financière, il y a toujours, au moment de l'examen du budget, des interrogations sur les REX, et je dois bien m'arranger avec la réalité à laquelle je suis confronté. Mais en 2014, toutes les ressources exceptionnelles sont au rendez-vous : 1,8 milliard d'euros au titre du PIA et 500 millions d'euros à raison de 250 millions d'euros ouverts dans le cadre de la loi de finances rectificative du 8 août et 250 millions d'euros via une mobilisation supplémentaire du PIA.

En ce qui concerne les OPEX de 2014, sujet de préoccupation – légitime – pour M. de La Verpillière, le surcoût prévisionnel total pour l'ensemble des théâtres est estimé à 1,128 milliard d'euros. Près des deux tiers de ce montant sont imputables aux seules opérations de la bande sahélo-saharienne, pour 487 millions d'euros, et de la République centrafricaine, pour 249 millions d'euros. Au regard de la dotation de 450 millions d'euros prévus par la loi de finances initiale, le différentiel s'élève à 624 millions d'euros. C'est bien en application de l'article 4 de la LPM que nous devons bénéficier d'un financement interministériel : il a été réglé, l'année dernière rubis sur l'ongle. Mais il est vrai qu'il s'agit d'une manoeuvre, pour reprendre un terme militaire, qu'il faut démarrer tôt et poursuivre tard. Elle est entamée de mon côté en tout cas, monsieur de La Verpillière. Certains députés se sont demandé s'il fallait consacrer aux OPEX, en dotation initiale, davantage que 450 millions d'euros. Je maintiens que ce montant est plus sécurisant pour le budget de la défense que s'il était plus élevé – et je sais pouvoir compter sur votre soutien.

En outre, nous pouvons poursuivre en 2014 tous les objectifs de la LPM malgré un report de charges prévisionnel de 3,3 milliards d'euros. Ce montant est élevé mais il est gérable, pour peu que soit levée la somme de 1,4 milliard de réserve de précaution ministérielle et que l'on soit assuré de l'application de la clause de sauvegarde.

J'en viens au projet de loi de finances pour 2015.

Je veux d'abord insister sur la cohérence du texte. Les ressources de la mission « Défense » s'élèveront à 31,4 milliards d'euros en crédits de paiements dont 2,3 milliards d'euros de recettes exceptionnelles. Le montant, je le répète, est le même qu'en 2014 et le même qu'en 2013. Quant aux ressources exceptionnelles, je n'ai pas de raison de penser qu'en 2015 elles seraient moins au rendez-vous que les années précédentes, tout simplement parce que c'est une nécessité. La LPM est une loi d'équilibre dans tous les sens du terme : équilibre entre les missions, équilibre de celui qui marche sur un fil. Il ne doit rien manquer ; sinon, c'est toute la logique de l'ensemble qui s'écroule.

Logiquement, l'article 3 et l'annexe V.1 de la LPM prévoient la manière de mobiliser les 2,3 milliards de recettes exceptionnelles pour 2015. Le fruit de la cession de la de la bande de fréquences autour de 700 mégahertz doit être affecté aux REX. La procédure est engagée mais j'ai une interrogation sur la possibilité de disposer des REX liées à la mise aux enchères de ces fréquences avant la fin de l'année et donc une interrogation sur la capacité de passer des commandes puisque ces REX portent sur les équipements et non le fonctionnement. C'est pourquoi j'ai engagé une réflexion sur la mobilisation du produit de la cession des participations d'entreprises publiques.

J'y insiste : ces cessions sont prévues par l'article 3 de la LPM qui offre cette possibilité au ministère de la défense pour alimenter les REX, mais elles ne permettent pas une utilisation directe de ces ressources, qui doivent être réutilisées dans des opérations d'investissement en capital. Aussi avons-nous pensé utile d'investir le produit de ces cessions dans une société de projet grâce à laquelle nous aurions une propriété différée de certains équipements. Vous connaissez le principe : une société rachète des équipements aux armées – certains pouvant même être en cours de construction –, avant remboursement.

Ce projet n'est pas une nouveauté et je n'ai à cet égard aucune vanité d'auteur. Dans la LPM 2003-2008, mon prédécesseur avait également engagé ce processus.

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