Intervention de Christian Bataille

Réunion du 8 mars 2017 à 15h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Bataille, député, vice-président :

Je vais à présent en venir au sujet du retraitement et du recyclage des combustibles usés.

Voici plus d'un demi-siècle, la France a fait le choix de se doter d'un outil industriel lui permettant de retraiter les combustibles usés. L'adaptation de l'usine de La Hague aux nouveaux réacteurs nucléaires de production d'électricité a été décidée, voici plus de quarante ans, en 1976, alors que commençait leur déploiement. Ces deux démarches parallèles ont été engagées pour atteindre un objectif stratégique majeur : accroître l'indépendance énergétique du pays.

En effet, le retraitement vise à récupérer des matières énergétiques encore présentes en grande quantité dans des combustibles usés. Il s'agit de l'uranium et du plutonium. Pour mesurer l'intérêt de cet effort, il convient d'avoir en tête une comparaison simple : cent grammes d'uranium, ou encore un gramme de plutonium, fournissent plus d'énergie qu'une tonne de pétrole.

Il est difficile de se faire à l'idée, alors que l'humanité est confrontée à des défis climatique et énergétique majeurs, qu'une telle ressource puisse être, volontairement et froidement abandonnée, à tout jamais, comme le suggèrent certains.

Indubitablement, l'industrie nucléaire a donc été pionnière en matière d'économie circulaire et de développement durable, pour employer les termes à la mode. Le principe d'une telle économie est précisément un fonctionnement en boucle, visant, autant que faire se peut, à réutiliser des ressources encore présentes dans les déchets, afin de limiter la consommation et le gaspillage des matières premières.

En retirant les actinides majeurs que sont le plutonium ainsi que l'uranium, des déchets à stocker, le retraitement des combustibles usés permet d'atteindre également un objectif secondaire important : la réduction de leur toxicité, notamment radiologique, et de leur volume. Mais il s'agit là d'une conséquence avantageuse du retraitement, non de sa principale justification.

Cet atout, en termes d'entreposage et de stockage des déchets, doit être mis en balance avec la production de déchets et d'effluents, tout au long du cycle de retraitement du combustible. Comme tout processus industriel, le retraitement induit, en effet, une certaine forme de pollution.

Il apparaît donc pertinent de s'interroger sur son impact environnemental, ce qui implique de réaliser une analyse des conséquences pour l'environnement d'une stratégie de retraitement des combustibles usés, en comparaison de celles qui résulteraient de l'absence de retraitement. Cette analyse devrait prendre en considération l'ensemble du cycle de vie du combustible, depuis l'extraction de l'uranium, jusqu'au stockage des déchets induits.

D'autres pays, dotés d'un haut niveau de maîtrise scientifique, ont fait le choix d'un stockage direct de leurs combustibles usés. C'est notamment le cas des États-Unis, dont l'exemple illustre la difficulté et les incertitudes de la gestion des combustibles usés non retraités, pour un parc important de réacteurs nucléaires – quatre-vingt-dix-neuf pour les Etats-Unis, contre cinquante-huit en France – alors même que cette solution peut apparaître a priori techniquement plus simple à maîtriser et plus séduisante que celle du retraitement.

Récupérer les matières énergétiques présentes dans les combustibles usés n'a, évidemment de sens que si celles-ci peuvent effectivement être réutilisées, à court ou à long terme, pour produire plus d'électricité. À court terme, cette réutilisation est possible, sous forme de combustible MOX (plutonium et uranium appauvri), dans les réacteurs à eau pressurisée (REP) du parc nucléaire actuel. À plus long terme, elle nécessite de développer, puis de déployer, un nouveau type de réacteurs, dits à neutrons rapides.

En prévision de l'arrêt de certains réacteurs autorisés à consommer des combustibles MOX, nous préconisons que soit étudiée dès aujourd'hui la possibilité d'étendre cette capacité aux réacteurs nucléaires les plus récents.

La France dispose aujourd'hui d'une position dominante au niveau mondial dans le domaine du retraitement et du recyclage, à la fois par la taille de ses installations et par la maîtrise de l'ensemble des technologies nécessaires.

Les pays qui développent aujourd'hui, principalement en Asie, leur parc de production nucléaire, envisagent, ou envisageront nécessairement, de se doter de capacités de retraitement et de recyclage propres. La Chine a d'ores et déjà entamé des négociations avec AREVA, à cette fin. Même les États-Unis ne semblent plus écarter tout à fait la possibilité d'un retour à cette option, écartée par la présidence Carter.

Il serait paradoxal que notre pays renonce, après plus de quarante années d'investissements, à l'avantage procuré par sa position dominante dans ce domaine. Aussi pensons-nous que, non seulement le retraitement et le recyclage des combustibles usés doivent être poursuivis, mais qu'il convient, plus que jamais, de renforcer l'effort de recherche, aussi bien sur le cycle du combustible nucléaire, que sur le développement d'une nouvelle génération de réacteurs à neutrons rapides, plus sûrs, qui permettront de le compléter.

Je laisse donc Christian Namy poursuivre sur les déchets TFA et les seuils de libération.

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