Je voudrais juste ajouter quelques mots de conclusion. Si je résume, trois embranchements ont été suivis. Sur le premier, relatif à la cuve de Flamanville 3, l'ASN sera amenée à prendre position à la fin du premier semestre de l'année prochaine. Au mois d'avril 2015, j'ai qualifié cette anomalie de sérieuse. L'ASN a reçu, à l'époque, de nombreux courriers préformatés nous attaquant, en nous faisant un procès en incompétence, voire en irresponsabilité. Je constate simplement qu'arriver au bon traitement, en espérant que tout se déroule correctement, de cette anomalie, aura nécessité deux ans de travail.
Pour le deuxième embranchement, portant sur les excès de carbone affectant les réacteurs existants, nous venons de prendre tout récemment la décision d'arrêter plus rapidement que prévu cinq réacteurs pour contrôle. Le redémarrage de chacune des douze tranches, puisque sept étaient déjà arrêtées, sera soumis à notre autorisation. Nous devons, à présent, analyser le dossier. Nous sommes face à une anomalie dite générique, dont M. Dominique Minière a cité d'autres exemples. Voici deux ou trois ans, dans le cadre des débat préparatoires à la loi sur la transition énergétique, nous avions été amenés à rappeler qu'il était tout à fait plausible qu'une telle anomalie, concernant une dizaine de réacteurs, puisse survenir, et nous amène à arrêter, sous une semaine – ici nous sommes dans les trois mois – une dizaine de réacteurs. Même si elles ne sont pas très fréquentes, ces anomalies génériques sont intrinsèquement liées à la nature standardisée du parc français. Dans l'ensemble, celle-ci constitue un atout pour la sûreté, mais, encore une fois, elle implique l'impossibilité d'exclure ce genre d'anomalie, comme le montre ce problème de ségrégation de carbone.
S'agissant du troisième embranchement, les irrégularités dans les dossiers de Creusot Forge, je reviens sur le terme de pratiques inacceptables. Il y a deux pratiques inacceptables dans ce dossier : d'une part, le fait de ne pas avoir informé son client ou l'autorité de sûreté concernée, et, d'autre part, comme vous l'avez vu, l'existence de documents qui s'apparentent à des falsifications. Je distingue bien les deux sujets. Ils ne sont pas de même nature. Dans les deux cas, c'est évidemment inacceptable, d'autant que cela peut avoir des conséquences pour la sûreté. Il est absolument nécessaire d'aller purger, si vous me passez l'expression, et de revérifier, notamment au Creusot mais pas uniquement au Creusot. D'autres usines – comme celles de Saint-Marcel et de Jeumont – sont potentiellement concernées. Un travail est en cours pour déterminer dans quelles conditions il faudra le faire.
Un dernier embranchement concerne la méthode de travail. Il est clair que ni les contrôles internes d'AREVA sur le Creusot, d'EDF sur AREVA, ni les nôtres, n'ont détecté ce qui s'apparente à des falsifications. Je ne suis pas sûr que nos systèmes, s'ils restent inchangés, soient à même d'identifier ce genre de dérives et de pratiques. Il est nécessaire d'engager une réflexion sur la méthode, afin de déterminer comment adapter les formes de contrôle à des situations où, potentiellement, il peut y avoir des fraudes. Cela a déjà été observé à l'étranger, comme en Corée voici trois ans. Il faut que l'ensemble de la chaîne de contrôle, y compris les fabricants et leurs sous-traitants, poursuivre ce quatrième embranchement sur la méthode.
Par ailleurs, tous les points et anomalies que je viens de mentionner, nécessitent, à un titre ou un autre, des échanges internationaux. Pour Flamanville il faut évidemment échanger avec les Chinois, potentiellement concernés pour les tranches de Taishan en construction. Le problème des excès de carbone dans les générateurs de vapeur touche au fait que les codes de fabrication utilisés, à peu près identiques partout dans le monde, ne font pas obligation d'aller contrôler dans les zones où le problème a été identifié. Potentiellement, ce sujet peut donc concerner bien d'autres pays, comme le montre l'exemple du forgeron japonais.
Enfin, cette purge, cela a été dit, est nécessaire, mais elle n'est pas finie. Il y a encore une ou deux années de travail pour vérifier les dix mille dossiers, pratiquement page à page. D'autres anomalies ou irrégularités seront forcément identifiées, nécessitant, à chaque fois, une démarche rigoureuse de traitement, anomalie par anomalie.