Cette audition confirme ce qu'avait révélé celle que j'avais voulue en juin 2015 : les anomalies résultent principalement d'un changement dans le mode de fabrication des pièces incriminées. Pour la cuve de l'EPR, il était possible de supposer que cela découlait de ses dimensions, plus importantes que celles des cuves d'autres réacteurs. Mais cette explication ne vaut pas pour le fond des générateurs de vapeur.
Qu'est-ce qui explique que deux constructeurs, l'un français et l'autre japonais, aient décidé de changer leur mode de fabrication, sans prendre les précautions nécessaires ? S'agissant du Creusot cette modification a-t-elle fait l'objet d'un accord préalable de l'ASN ou d'une autre autorité ? Si tel n'est pas le cas, ne conviendrait-il pas d'imposer une déclaration et une validation préalables pour ce type de décision ? Ces questions sont posées à la fois à AREVA NP et à l'ASN.
En dehors des explications objectives sur l'origine de ces défauts, peut-on considérer qu'ils sont, in fine, révélateurs d'une perte de savoir-faire – ce qui constitue pour moi une préoccupation depuis l'audition publique de 2015, voire d'une difficulté à recruter, à tous les niveaux, de jeunes ouvriers, techniciens et ingénieurs suffisamment compétents pour remplacer ceux qui partent à la retraite ? À cet égard, tout comme l'Académie des sciences et l'Académie des technologies, notre office a alerté à plusieurs reprises sur le déficit en matière de formation et de recherche en science des métaux. C'était d'ailleurs l'une des principales conclusions que j'avais présentées à la suite de l'audition de juin 2015.
J'avais également souligné la nécessité de redéfinir une véritable politique industrielle. C'est une préoccupation qui dépasse largement l'Office parlementaire, mais au niveau du Gouvernement il conviendrait de mieux coordonner, pourquoi pas au sein d'un même ministère, comme cela a été fait dans le passé, la recherche, l'enseignement, la technologie, et l'industrie. Ces différentes politiques sont aujourd'hui trop éclatées.
Un dernier aspect porte sur ce qui nous réunit aujourd'hui : l'importance du lien entre monde scientifique et politique. Nous n'avons bien entendu pas vocation à formuler des préconisations. Néanmoins, nous devons faire office de haut-parleur, à la fois vers le Parlement et l'opinion. Ce lien ne se concrétise en France, sous forme institutionnelle, qu'au travers de l'Office parlementaire, contrairement à ce qui se passe dans d'autres pays avancés, où il est établi à plusieurs niveaux.