C'est parce que je suis ici ce matin non pas en tant que Premier président de la Cour des comptes mais en qualité de président du Haut Conseil des finances publiques que je ne suis pas en mesure de répondre à certaines questions que vous avez posées.
Le Haut Conseil rend un avis essentiellement sur les hypothèses macroéconomiques du programme de stabilité, sachant toutefois que, dès lors que l'on parle d'un scénario macroéconomique, il faut prendre en considération un certain nombre d'éléments du scénario de finances publiques qui lui est lié. D'où les observations que nous formulons.
La Cour des comptes aura l'occasion de répondre à un certain nombre de vos questions, notamment celle sur les primes d'émission, dans le cadre de son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, qui constituera d'ailleurs un audit de ces dernières. Ce travail est en cours. Nous respecterons notre calendrier et nous serons en mesure de présenter ce rapport d'ici à la fin du mois de juin, comme nous le faisons régulièrement.
Plusieurs d'entre vous êtes intervenus sur la croissance potentielle, l'écart de production et l'effort structurel. La Commission européenne réfléchit aussi à ces sujets à partir des observations des uns et des autres. Elle est sensible, je crois, aux raisonnements que nous pouvons tenir. Nous savons qu'elle souhaiterait pouvoir reconnaître une place plus grande à l'effort structurel dans les critères d'appréciation. C'est déjà ce qu'elle fait, d'une certaine façon, dans la pratique. Mais les textes européens sont là, ce qui rigidifie un peu les choses car vous savez, comme moi, que les modifier n'est pas chose facile, que cela prend du temps et suppose un consensus qui ne semble pas totalement acquis. En tout cas, la réflexion suit son cours, chacun ayant bien conscience de l'insuffisance des concepts actuels.
L'indicateur que nous prenons surtout en considération est l'effort structurel car il tient compte des mesures en dépenses et en recettes. Bien évidemment, s'agissant de la France, une indication d'évolution des dépenses serait tout à fait adaptée. On peut mesurer l'effort structurel à partir de l'effort qui pourrait être fait en matière de dépenses. La Cour des comptes a formulé des propositions sur lesquelles elle reviendra vraisemblablement dans le cadre du rapport dont j'ai parlé.
L'impact du Brexit est manifestement moins négatif à court terme que ce qui avait pu être prévu par les économistes, notamment en septembre dernier. Le Brexit n'a eu pratiquement aucun effet en 2016 et en aura très peu en 2017. En revanche, personne ne peut encore dire quelles seront ses conséquences dans les années à venir – il y en aura vraisemblablement. J'ai évoqué les aléas : le Brexit fait partie de ceux que nous pouvons identifier.
Je n'ai pas dit que la prévision de croissance de 1,5 % était « raisonnable », mais « plausible ». C'est le scénario macroéconomique qui nous paraît être une base raisonnable, dès lors que cette hypothèse est plausible, pour bâtir des scénarios de finances publiques. Certains indicateurs ne sont pas aussi bons qu'attendus pour le premier trimestre, mais les enquêtes restent positives, notamment les enquêtes de conjoncture qui s'améliorent, depuis le mois de décembre, en France et dans la zone euro. De même, l'environnement extra-européen s'améliore sensiblement. Plusieurs institutions ont légèrement révisé à la hausse leurs prévisions.
Madame Dalloz, vous avez raison : en 2016, la croissance a été moins forte qu'attendu. Cela ne s'est pas totalement traduit par une baisse des recettes, certains facteurs exceptionnels pouvant expliquer, environ pour moitié, cette croissance plus faible, comme le poids de la crise agricole et la diminution de la fréquentation touristique. Cela dit, l'économie française a des faiblesses structurelles. Un effet base a été pris en considération par le ministre de l'économie et des finances. Cela explique notamment les petites variations sur le déficit effectif pour 2018. Le Haut Conseil a estimé que l'objectif de 2,8 % ou 2,7 % restait improbable, de la même façon que l'objectif de 3 % reste incertain. Tous les éléments qui nous ont été apportés n'ont pas pour conséquence de modifier notre appréciation critique sur le déficit effectif pour 2017.
La confiance des chefs d'entreprise et des consommateurs s'est plutôt améliorée, comme le traduisent les enquêtes. Mais ce n'est peut-être pas ce que vous ressentez sur le terrain, madame Dalloz. L'écart de taux avec l'Allemagne a un peu augmenté depuis le début de l'année, notamment à l'approche des élections. Nous verrons quelle sera la tendance une fois les élections passées. Nous aurons l'occasion d'y revenir dans le cadre du rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques et de l'audit des finances publiques.
S'agissant des collectivités territoriales, le Gouvernement table sur une croissance de 2,6 % de l'investissement local en 2017, alors que l'investissement avait plutôt stagné, voire baissé ces dernières années. Il faut reconnaître que c'est essentiellement la contribution des collectivités territoriales qui a permis d'atteindre le taux de 3,4 % et non les résultats de la sécurité sociale ou de l'État. Cela montre quelques fragilités, ou du moins qu'il faut poursuivre les efforts pour que le redressement en faveur duquel s'est normalement engagé notre pays puisse se concrétiser également dans les années à venir.
Monsieur de Courson, si l'on veut respecter les engagements, l'effort structurel doit passer de 0,5 à 0,8 ou 0,9 point.