À l'occasion de la journée internationale des droits des femmes, c'est avec grand plaisir que je vous accueille dans la galerie des fêtes de l'Assemblée nationale pour ce colloque consacré aux nouvelles féministes.
Avant toute chose, je souhaiterais remercier chaleureusement Claude Bartolone, président de l'Assemblée nationale, qui a organisé cet événement avec nous et qui nous permet aujourd'hui de profiter de ce très beau lieu. Je dois dire que, tout au long de la législature, le président Claude Bartolone a accédé à toutes nos requêtes et a encouragé nos initiatives, permettant ainsi l'affirmation du rôle de la Délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale. Je voudrais ici le remercier pour son soutien, son amitié et son engagement féministe. (Applaudissements.)
La création d'une Journée internationale des droits des femmes a été proposée pour la première fois en 1910 par Clara Zetkin, alors présidente de la Conférence internationale des femmes socialistes. Elle est officiellement reconnue par les Nations unies en 1977, et en France en 1982 grâce à Yvette Roudy, qui a suivi nos travaux avec attention tout au long de la législature qui s'achève, et à qui je veux rendre un hommage chaleureux et sincère.
Où en est-on aujourd'hui ?
Fondée sur une approche intégrée de l'égalité, cette XIVe législature aura été synonyme d'avancées réelles pour les droits des femmes. La Délégation aux droits des femmes a d'ailleurs fait le bilan de ces avancées dans un rapport d'information adopté il y a deux semaines.
En parcourant la synthèse de ce rapport, vous pourrez constater que les avancées ont été nombreuses en matière de parité, d'égalité professionnelle, de lutte contre les violences faites aux femmes, de nouveaux droits sociaux, de développement de l'éducation à l'égalité dès le plus jeune âge, et de diplomatie des droits des femmes à l'international.
C'est également pour conclure cette législature que nous avons souhaité organiser ce colloque, afin de rappeler les victoires obtenues, mais aussi les combats qu'il reste encore à mener, et surtout afin de mettre en valeur l'engagement des nouvelles féministes et de leur passer le témoin.
Cette fin de législature a évidemment pour toile de fond l'élection présidentielle. Même si notre colloque ne s'inscrit pas comme un temps de la campagne, je veux lancer ici un message solennel : à l'heure où les candidats sont appelés à s'exprimer sur de nombreuses causes, j'appelle chacun d'eux à s'engager fortement pour l'égalité femmes-hommes, et je leur demande de s'engager à reconduire un ministère des droits des femmes de plein exercice lors du prochain quinquennat. (Applaudissements.)
Tous les programmes ne se valent pas en termes d'égalité. Les Glorieuses, qui interviendront tout à l'heure par la voix de Rebecca Amsellem, ont d'ailleurs mis en ligne sur leur site une étude comparative entre les programmes : n'hésitez pas à le consulter.
Car le féminisme n'est pas un combat obsolète ; il n'a rien d'une mode dépassée.
C'est un combat universel contre les discriminations et dominations que subissent les femmes parce qu'elles sont femmes. C'est un engagement de tous les jours pour promouvoir les droits des femmes et faire progresser l'égalité entre les femmes et les hommes. Et, comme le montre la présence de nos intervenantes et intervenant, que je remercie d'avoir accepté de participer à ce colloque, les jeunes aussi sont féministes !
Ces jeunes féministes s'inscrivent dans la continuité des combats d'hier, et ne manquent d'ailleurs pas de veiller au respect des droits fondamentaux précédemment acquis. Je pense aux droits politiques – du droit de vote jusqu'à la parité, qui n'est pas encore achevée, et nous verrons en juin 2017, à l'issue des élections législatives, si le doublement de la pénalité aura eu un effet – , aux droits sociaux, notamment l'accès à la contraception et à l'avortement, ainsi qu'aux droits économiques et à l'égalité professionnelle.
Les « trois vagues » du féminisme sont également le fruit de grandes figures, des grandes femmes qui ont créé l'histoire. C'est ce que décrit le Dictionnaire des féministes du XVIII e au XXI e siècle, publié il y a quelques semaines par Christine Bard. Pour filer la métaphore, les vagues se succèdent, se superposent, s'amplifient, mais entre les vagues, il peut aussi y avoir des reflux…
Les jeunes féministes marquent également une nouvelle ère : en effet, de nouveaux modes d'expression collective et de mobilisation sont apparus. La révolution numérique a ainsi permis de rénover profondément les formes du combat pour l'égalité femmes-hommes, grâce à de nouveaux outils et à une audience démultipliée.
Mais qui sont ces nouvelles féministes ? Quels sont leurs combats et leurs actions ?
Pour répondre à ces questions, nos intervenantes et intervenant nous apporteront bien sûr leur propre expérience et nous permettront de mieux comprendre les nouveaux modèles d'engagement féministe.
Mais avant cela, je souhaiterais revenir sur ma propre expérience de présidente de la Délégation aux droits des femmes : tout au long de cette législature, les mouvements et les associations féministes – de jeunes et de moins jeunes –, nous ont aiguillonnés et aidés à porter nos projets.
Les « nouvelles féministes » l'ont fait avec des moyens d'action souvent très réactifs, voire créatifs : recueil de témoignages via des blogs ou des tumblr, pétitions en ligne, campagnes virales sur internet et sur les réseaux sociaux, hackathons…
Ces modes d'actions permettent un élargissement considérable de l'audience : dès lors que l'on dispose d'une tablette ou d'un smartphone, il est désormais possible de se joindre à ces combats et de défendre ses convictions féministes d'un simple clic – étant précisé que les défendre sur la durée demande tout de même un investissement un peu plus important.
Ce « féminisme 2.0 » développe ainsi une logique participative, horizontale, démocratique.
Vos actions ont maintes fois prouvé leur efficacité. Je me souviens, par exemple, de la forte mobilisation des Georgette Sand, que nous entendrons lors de la première séquence du colloque, contre la « taxe tampon », qui désigne le taux de TVA appliqué aux produits d'hygiène féminine, et plus généralement contre la « taxe rose » qui fait que les produits destinés aux femmes seraient plus chers que ceux s'adressant aux hommes. Les actions menées par les Georgette Sand ont eu un véritable succès, puisqu'elles ont permis de voter, ici, à l'Assemblée nationale, par voie d'amendement, la baisse de cette « taxe tampon » ! Elles restent très attentives à ce que la loi soit bien appliquée et évaluée.
Les associations féministes jouent ainsi un vrai rôle en amont de l'élaboration des lois, permettant de faire remonter des difficultés et des inégalités qui ne sont pas toujours simples à percevoir : le centre Hubertine Auclert nous a alertés sur le cyberharcèlement et les difficultés à engager les poursuites.
Nous, parlementaires, nous nous nourrissons de votre travail, de vos actions et de vos mobilisations. Je citerai Zéromacho, sur la lutte contre la prostitution ; le collectif Féministes contre le cyberharcèlement, sur le harcèlement sur internet ; la Fondation des Femmes, sur le revenge porn notamment ; les Glorieuses, sur les inégalités de salaires ; le blog Paye ta schnek, sur le harcèlement de rue. Et ce ne sont que quelques exemples !
À l'Assemblée nationale aussi, les choses évoluent. Le collectif Chair collaboratrice a permis de libérer la parole et contribuer à mettre en lumière le sexisme subi par un certain nombre de collaboratrices et de fonctionnaires, mis en lumière par des événements récents.
À ce sujet, je souhaite une nouvelle fois remercier l'engagement de Claude Bartolone et du secrétariat général de la Présidence, qui ont accepté nos propositions pour lutter contre le harcèlement à l'Assemblée nationale. Il ne faudrait pas croire qu'après l'affaire Baupin, rien n'a été fait : au contraire, des mesures très concrètes ont été prises, avec la désignation d'une personne référente afin d'entendre et conseiller les victimes de harcèlement, l'amélioration du site de l'Assemblée ou encore la possibilité pour les collaborateurs parlementaires de bénéficier d'une formation au début de la prochaine législature, en septembre 2017.
Toutes vos actions, les témoignages recueillis, votre analyse, votre expertise sont pour nous des ressources précieuses et nécessaires.
Les associations féministes jouent également un rôle important en aval du vote des lois, pour s'assurer de leur application et mesurer leur efficacité. Votre travail de terrain et d'alerte permanente contribue aussi à évaluer la loi et l'efficacité des politiques publiques, et à porter des mesures correctives quand il le faut.
Je ne peux m'empêcher d'y voir une traduction concrète du « triangle de velours », selon l'expression consacrée d'Alison Woodword : c'est l'action conjuguée de ces trois pôles que sont les institutions – les délégations aux droits des femmes du Sénat, de l'Assemblée nationale et du Conseil économique, social et environnemental (CESE), le Haut Conseil à l'égalité et sa présidente Danielle Bousquet, le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (CSEP), la Mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF) –, les associations et la recherche, qui permet de faire avancer les choses.
Car, oui, les choses ont avancé !
Oui, le combat pour l'égalité a connu de nombreuses victoires !
Oui, ces cinq dernières années ont été marquées par d'importantes avancées pour les droits des femmes !
Oui, ces victoires ont été le fruit d'un travail sans relâche, d'un engagement partagé, d'un combat commun !
Oui, chacune des personnes présentes aujourd'hui a participé, d'une façon ou d'une autre, à ces victoires !
Mais je suis consciente qu'il reste encore beaucoup à faire. Nous sommes toutes et tous conscients que rien est jamais acquis et que des reculs peuvent toujours survenir, comme nous l'ont montré les dernières élections aux États-Unis, en Pologne, en Italie et, dans une certaine mesure, en Espagne. Et je profite de cette occasion pour rappeler que les combats et les engagements qui nous unissent sont plus forts que ce qui nous divise. Il est nécessaire de créer du lien entre nous, entre chaque actrice et acteur du féminisme. Cette unité, cette coopération, cette cohérence vont nous permettre de continuer à avancer.
Le féminisme a encore de beaux jours devant lui, la relève est assurée. Jamais autant d'associations féministes ne se sont créées qu'au cours des dernières années et, de nos jours, plus de la moitié de la population française se dit féministe.
Si j'espère que ce sondage reflète bien la réalité, je n'en suis pas toujours persuadée. À ce sujet, j'aimerais vous raconter une anecdote. Je traversais ce matin la salle des Quatre-Colonnes alors qu'un groupe de lycéens s'y trouvait. Comme j'arrivais à la hauteur d'un jeune homme planté devant le buste d'Olympe de Gouges et la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, je l'ai entendu s'écrier : « Alors, ça, c'est pas ma culture ! » Inutile de vous préciser qu'il a été un peu saisi quand, surgissant de nulle part, j'ai entrepris de lui expliquer qu'il aurait tout intérêt à faire évoluer sa vision des choses !
Au moment où je quitte la vie politique – puisque je ne me représente pas –, je voudrais rappeler aux jeunes féministes qu'il faut veiller à ce que cette nouvelle constellation d'associations, de collectifs, de sites internet, souvent spécialisés sur une thématique précise, ne soit pas trop atomisée, dispersée.
C'est d'ailleurs aussi pour créer du lien entre toutes et tous les féministes, jeunes et moins jeunes, spécialisés sur un combat ou généralistes, que nous avons souhaité organiser ce colloque.
En conclusion, je veux vous dire que nous devons continuer à avancer ensemble, et pas seulement nous féliciter des progrès accomplis par le passé – même s'il faut, de temps à autre, savoir faire le point et nous féliciter pour ces progrès, car personne ne le fera pour nous. Les victoires d'hier resteront des victoires si demain nous continuons à les défendre, sans relâche. (Applaudissements.)
Pour rythmer nos échanges, le colloque va se structurer en plusieurs étapes.
Il y aura tout d'abord trois séquences d'échanges, où à chaque fois, nous écouterons les témoignages de deux associations, suivis d'un temps de questions-réponses.
Puis, à la fin du colloque, le président Claude Bartolone et la présidente du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh), Danielle Bousquet, signeront la convention d'engagement pour une communication publique sans stéréotype de sexe.