Intervention de Frédéric Robert

Réunion du 7 mars 2017 à 17h00
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Frédéric Robert, porte-parole de l'association Zéromacho :

Vous avez bien fait, et c'est une grande satisfaction pour nous de voir que la langue progresse enfin.

Dès sa création en 2011, le collectif Zéromacho a été constitué comme une entité internationale, ayant vocation à dire non au machisme et surtout à son expression la plus extrême, à savoir la prostitution. C'est Florence Montreynaud, fondatrice de plusieurs mouvements féministes – notamment Les Chiennes de garde en 1999 –, qui nous a encouragés à donner une visibilité à la parole des hommes contre la prostitution, une pratique où se superposent plusieurs formes d'oppression. Ce sujet, qui nous paraissait être l'un de ceux sur lesquels les hommes étaient le plus légitimes à s'exprimer, représente un combat très clivant. Bien que tout le monde ait un avis sur la question de la prostitution, celle-ci est en réalité très mal connue. Il était intéressant de faire entendre une parole masculine dans un domaine où il existait une majorité silencieuse, à laquelle nous pouvions donner une voix. C'était également l'occasion d'exprimer notre engagement à considérer les femmes comme les égales des hommes, et à estimer que le refus de la prostitution constituait une clé d'entrée du féminisme.

Je ne pense pas que nous ayons précédé la prise de conscience qui a eu lieu sur ce point en France. En revanche, nous nous félicitons d'avoir contribué à l'avancée de la loi, notamment en prenant part au collectif Abolition 2012, qui a regroupé plus de soixante associations féministes. Il fallait convaincre certains politiques, certaines féministes, une grande partie de la population, des journalistes et des intellectuels pour qui la réouverture des maisons closes constituait une réponse à la prostitution. Pour avancer sur cette question, il a fallu que Mme Catherine Coutelle et Mme Maud Olivier fassent preuve chaque jour, durant trois ans, d'une détermination sans faille. Aujourd'hui, la loi existe, mais tout reste à faire en matière d'accompagnement de la sortie de la prostitution, de droits des étrangers mais aussi et surtout de responsabilisation des délinquants. Il nous paraissait important de dire avec force que les hommes doivent accepter leur responsabilité, leur complicité, voire leur culpabilité dans les violences, les inégalités et les brimades dont sont victimes les femmes.

Nous ne cherchons ni à nous sentir meilleurs, ni à être donnés en exemple, mais souhaitons avant tout réfléchir sur nous-mêmes et essayer de déconstruire, très modestement, ce qui constitue notre héritage culturel en tant qu'hommes. Nous écrivons, nous manifestons, nous nous efforçons d'être présents sur les réseaux. Pour cela, nous nous sommes constitués en association, mais sans chercher à attirer un trop grand nombre de personnalités afin de conserver la plus grande marge de manoeuvre possible, et en faisant en sorte que le collectif reste le plus actif.

Si nous n'avons pas grand-chose à apporter aux militantes féministes en matière de théorie et de recherche, nous présentons un avantage, celui de pouvoir faire entendre la parole féministe à certains hommes particulièrement imperméables à cette question – l'homme de la rue se situe généralement au niveau zéro de la conscience des problèmes posés en la matière. En effet, il nous a semblé que la singularité consistant à être un collectif d'hommes permettait de désamorcer un peu cette posture défensive.

J'ai découvert le féminisme sur le tard, il y a une quinzaine d'années, avec Les Chiennes de garde et La Meute, et cela a été pour moi comme si je chaussais des lunettes adaptées à ma vue : voyant net pour la première fois, je ne pouvais plus envisager de les retirer. Cela dit, pour un homme, la prise de conscience se fait généralement de manière progressive, car on part de loin. Elle est d'autant plus difficile qu'elle doit nécessairement s'accompagner du disempowerment, un terme dont je ne saurais vous donner la traduction française, mais qui signifie le fait pour un homme d'abandonner tous les privilèges indus qui lui échoient en tant qu'homme. Cela implique de refuser de siéger dans des lieux de pouvoir masculins, pour laisser la parole aux autres – je suis bien conscient de la contradiction qu'il y a pour moi à dire cela aujourd'hui, alors que je m'exprime à cette tribune devant une assemblée très majoritairement féminine.

Pour conclure, je voudrais citer quelques phrases tirées du blog tenu par l'Américaine Kettetastic, constituant des conseils aux hommes pro-féministes, qui ont tous les mêmes défauts.

« Prenez conscience du fait que les discussions ne tournent pas toutes autour de vous ».

« Soyez conscients de vos privilèges ».

« Apprenez à écouter ».

« Résistez à la tentation inconsciente de vouloir dominer ».

« Essayez de ne pas être défensifs ».

« Sachez que ce n'est pas notre tâche que de vous éduquer ».

« Si les gens vous traitent de trolls, c'est qu'il y a probablement une bonne raison à cela ».

« N'essayez pas de jouer au chevalier servant ».

« Les femmes ne sont pas un bloc monolithique ».

« Ne laissez pas faire d'autres hommes lorsqu'ils ont un comportement sexiste ».

« Ce n'est pas parce que vous vous qualifiez de féministe que vous êtes exempt de ces suggestions ».

Enfin, « ne vous attendez pas à être gratifié d'une tape dans le dos parce que vous suivez ces suggestions ». Je ne vous cache pas que cette dernière recommandation est sans doute l'une des plus difficiles à suivre. Bien que je réfléchisse depuis quinze ans sur moi-même et mon comportement, je m'attends toujours à être félicité lorsque j'étends le linge ou que je fais la vaisselle. (Applaudissements.)

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