Intervention de Rebecca Amsellem

Réunion du 7 mars 2017 à 17h00
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Rebecca Amsellem, fondatrice de la newsletter Les Glorieuses :

Le mouvement a été lancé en septembre 2015. Il s'agissait au départ d'une lettre hebdomadaire d'information féministe ; nous la diffusons toujours. Nous l'avons créée parce que nous connaissions trop de femmes manquant de confiance en elles-mêmes. Notre ambition initiale était de faire comprendre à nos lectrices qu'elles peuvent tout faire : devenir cheffe d'entreprise, professeure, élue de la République… Chaque mercredi, nous parlons d'empowerment, de santé, d'éducation et de toutes sortes d'autres sujets, de manière que, ayant lu ces articles, nos lectrices se sentent plus puissantes. Notre lettre d'information compte désormais 40 000 abonnés, dont 15 % sont des hommes. Nous avons lancé il y a peu Les Petites Glo, destinée aux adolescentes et écrite sous la forme du journal d'une jeune fille de 16 ans – ce que nous aurions aimé pouvoir lire lorsque, adolescentes, nous étions en train de devenir féministes. Dans trois semaines, nous lancerons Glorious, la version anglophone de notre lettre d'information.

Parce que l'on ne peut se revendiquer féministe sans inclure une dose de politique dans son action et parce que nous nous étions rendu compte que les femmes sont un électorat privilégié du Front national, nous avons aussi publié, en décembre 2015, un manifeste encourageant les femmes à voter contre ce parti, en étayant cet appel par les arguments montrant en quoi le Front national est un parti dangereux pour les droits des femmes. Nous avons d'autre part rédigé un manifeste visant à ce que le Syndicat national des journalistes (SNJ) inscrive dans sa charte de déontologie le respect de la parité pour les experts cités dans les medias.

L'appel que nous avons lancé aux femmes pour les inciter à cesser de travailler le 7 novembre à 16 heures 34 est probablement la plus connue et la plus populaire de nos actions. Elle visait à susciter une prise de conscience générale de l'inégalité salariale entre les hommes et les femmes en France pour provoquer l'engagement de tous, chacun à son niveau. Des syndicats ont alors lancé des appels à la grève, notamment au journal Le Monde. Plus largement, grâce à cet appel, des femmes se sont rendu compte qu'elles n'étaient pas les seules dont les collègues masculins, à travail égal, étaient mieux rémunérées qu'elles, et elles ont trouvé le courage de demander une augmentation. Nous avions pour idée de provoquer une prise de conscience, et aussi de faire que l'on ne parle pas des droits des femmes uniquement le 8 mars, puisque toutes, ici, nous battons pour cela tous les jours.

L'idée de cet appel nous a été inspirée par les Islandaises qui, le 24 octobre 2016 à 14 heures 38, sont descendues dans la rue par milliers pour dire le mal qu'elles pensaient de l'inégalité salariale persistante entre les hommes et les femmes. Alors que l'Islande est le pays où la différence de salaire est de 9 %, le taux le plus faible au monde, il était frappant de constater que les Islandaises continuent de se battre pour parvenir à l'égalité salariale parfaite.

Notre objectif était aussi de faire que l'on cesse de rejeter le blâme sur les femmes en arguant que si elles sont moins payées c'est soit qu'elles « choisissent » de travailler à mi-temps ou d'exercer un métier moins rémunéré que celui des hommes, soit que, souffrant du « syndrome de la bonne élève », elles n'osent pas demander d'augmentations de salaire. Ce dernier argument est peut-être le pire de tous : il revient à dire que même si les femmes sont parfaites, ce n'est pas suffisant, et l'on trouve encore un moyen de les blâmer.

Nous souhaitons maintenant participer plus largement au débat politique ; aussi avons-nous mis en ligne il y a quelques jours Les Femmes ont le pouvoir, plateforme politique non partisane. Elle comprend trois rubriques. La rubrique « S'informer » vise à déterminer la position des candidats à l'élection présidentielle 2017 au sujet des droits des femmes. Nous avons recensé ce qu'ils ont fait à ce sujet précédemment et ce que proposent leurs programmes. On apprend ainsi que Mme Le Pen n'est pas la candidate qui défend le mieux les droits des femmes – ce qui n'est pas vraiment surprenant. Nous apportons la preuve qu'au Parlement européen elle a voté systématiquement contre toutes les résolutions qui pouvaient améliorer ces droits en Europe – ainsi de la résolution sur l'égalité des genres et l'émancipation des femmes à l'ère du numérique – et que, lorsqu'elle ne vote pas contre ces textes, elle s'abstient ou est absente lors du vote.

De manière plus optimiste, on constate que les programmes à ce sujet des autres candidats à l'élection présidentielle sont plus intéressants qu'ils ne l'ont jamais été. L'un deux propose de faire du droit à l'avortement un droit constitutionnel, un autre de rendre la procréation médicalement assistée légale pour toutes. On note encore la proposition d'interdire de subventionner les associations qui ne respectent pas l'égalité entre les femmes et les hommes et celle qui vise à aligner le congé de paternité sur le congé post-natal. Recenser et diffuser les informations sur ce que les candidats ont fait au cours de leurs mandats précédents permet de mesurer l'intérêt réel qu'ils portent aux droits des femmes.

La rubrique « S'inspirer » de la plate-forme fournit des cartes interactives des initiatives prises dans le monde en matière de droits des femmes, qui fonctionnent et qui pourraient être appliquées ailleurs – par exemple, l'interdiction signée par le maire de Londres d'afficher des publicités sexistes dans le métro de sa ville.

Enfin, la rubrique « S'engager » vise à ce que chacun exprime ses propres propositions relatives aux droits des femmes.

Je précise à nouveau que notre projet n'est pas partisan : nous ne choisirons ni ne soutiendrons un candidat.

Les femmes représentent 52 % de la population et 53 % du corps électoral. Elles ont donc le pouvoir, et il est temps qu'elles le sachent. L'objectif des Glorieuses est de faire se rassembler celles et ceux qui ont compris que ce combat n'est pas une guerre des genres mais une nécessité pour arriver à la paix entre les genres. (Applaudissements)

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