Merci, madame la présidente de la Délégation aux droits des femmes, chère Catherine.
Je suis très heureux de me trouver parmi vous ce soir pour célébrer, avec une très légère avance, la journée internationale des droits des femmes. Chaque année, elle est l'occasion de réaffirmer notre engagement commun pour l'égalité entre les femmes et les hommes.
Pour beaucoup d'entre vous, je sais que c'est un combat que nous partageons de longue date, et je vous en remercie. Je pense notamment à Yvette Roudy, qui défend toujours avec ténacité la cause des femmes, et à Danielle Bousquet, la présidente du Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh). Parmi les combattants de l'égalité, je salue également Grégoire Théry, l'infatigable secrétaire général du Mouvement du Nid, Ernestine Ronai, notre coordinatrice nationale de la lutte contre les violences faites aux femmes, et Annie Sugier, la présidente de la Ligue du droit international des femmes. Dans ce palmarès, je ne voudrais pas oublier Véronique Séhier et Carine Favier, les coprésidentes du planning familial qui nous stimulent et nous accompagnent. Merci également à Yves Charpenel, le président de la fondation Scelles, à Réjane Sénac, chercheuse au Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF), à Gérard Briard, Patrick Jean et Frédéric Robert, de l'association Zéromacho, qui me tient à coeur.
Je ne peux malheureusement pas citer tout le monde, et je le regrette. Mais je veux dire un grand merci à vous tous, et en particulier à tous les intervenants de cet après-midi.
Permettez-moi enfin d'avoir une pensée pour une grande dame, compagne fidèle de toutes les luttes féministes : Maya Surduts, la fondatrice de la coordination des associations pour le droit à l'avortement et à la contraception, qui nous a quittés l'année dernière. Son engagement continue à nous inspirer. (Applaudissements.)
Cette année, nous marquons une avancée concrète avec cette convention d'engagement pour la communication publique sans stéréotype de sexe, que je signerai dans quelques instants au nom de l'Assemblée nationale. Oui, le combat pour l'égalité des femmes et des hommes se mène à tous les étages, de nos attitudes personnelles à la communication publique de nos institutions.
La discrimination envers les femmes est une construction sociale et politique. C'est donc par la lutte sociale et politique qu'il faut, en retour, la combattre et la vaincre. Depuis 2012, grâce à de nombreux professeurs de talents qui m'ont convaincu, je m'y suis employé et j'ai tenu à placer l'Assemblée nationale sous le signe de la parité. J'ai ainsi appliqué le principe de stricte parité dans les nominations que j'avais à effectuer. Pour la première fois, l'Assemblée nationale a même nommé plus de femmes que d'hommes : j'avais soixante-cinq nominations à effectuer au cours de cette législature et j'ai nommé trente-trois femmes et trente-deux hommes. Il faut se fixer cet objectif d'emblée car, compte tenu de la pyramide des responsabilités, on vous fait remonter plus facilement des noms d'hommes. En décidant d'appliquer la parité, on crée un réflexe et on parvient au résultat.
Nous avons aussi mis en place la stricte parité au sein de l'institution, tant pour les vice-présidences que pour les présidences de commission. C'était inédit. Avec le soutien du Bureau et en lien avec la Délégation aux droits des femmes, j'ai renforcé la lutte contre le harcèlement moral et sexuel au sein de notre institution.
Enfin, parce que le combat pour l'égalité se déploie aussi au niveau symbolique, j'ai souhaité faire entrer à l'Assemblée nationale, pour la première fois, une représentation féminine qui ne soit pas une allégorie. C'est ainsi qu'en octobre dernier, avec le concours de Françoise Durand, la présidente de l'association Olympe de Gouges aujourd'hui, le buste d'Olympe de Gouges, figure révolutionnaire et pionnière du combat pour l'égalité des droits, a été installé en salle des Quatre-Colonnes, le saint des saints.
Pour ce bel événement et pour toutes les réformes engagées, je tiens à remercier tout particulièrement la Délégation aux droits des femmes et sa présidente, Catherine Coutelle, qui oeuvrent chaque jour pour une Assemblée nationale plus paritaire et pour une société plus juste. Catherine et moi, nous abordons nos derniers jours dans cette maison puisque nous n'allons ni l'un ni l'autre solliciter le renouvellement de notre mandat. Je voulais donc la remercier plus particulièrement. (Applaudissements.) Je remercie également toutes celles et tous ceux qui agissent et ont agi depuis cinq ans pour plus d'égalité et de parité.
L'image de notre hémicycle est d'ailleurs comme un symbole de notre combat, des victoires déjà engrangées dans cette lutte au long cours mais aussi de celles qui restent encore à obtenir. L'Assemblée nationale est encore trop peu féminine, avec 155 femmes élues en 2012, soit un peu moins de 27 % de la représentation nationale, mais il faut pourtant se réjouir du fait qu'elle n'a jamais compté autant de femmes élues de la nation. En comparant ce chiffre aux trente-trois députées élues en 1945, on s'aperçoit des progrès accomplis. Pourtant, dans son décalage avec l'idéal qui nous anime, cette réalité ne cesse de résonner comme une exigence nouvelle qui nous fait mesurer le chemin qui reste à parcourir.
Tous les partis politiques doivent réagir : pour parvenir à la parité, il faut qu'il y ait des candidates dans des circonscriptions gagnables comme dans des circonscriptions non gagnables. Concernant la loi sur la parité pénalisant les partis politiques sur le plan financier, si elle avait pu susciter des réserves, je constate qu'elle pousse certains responsables de partis à réagir. La mise en oeuvre des recommandations du HCEfh pour une communication sans stéréotype de sexe pourra, je l'espère, nous permettre de franchir un pas supplémentaire sur ce chemin.
Je veux d'abord me réjouir d'une chose : en examinant la manière dont l'Assemblée nationale pourrait appliquer les recommandations de votre guide pratique, nous avons pu constater que la représentation paritaire est déjà largement entrée dans les moeurs de notre institution. Les femmes sont de plus en plus nombreuses parmi les fonctionnaires de l'Assemblée nationale, en particulier dans les postes d'encadrement. On en revient à ma remarque concernant les nominations : il faut que les femmes soient présentes à tous les niveaux de responsabilité pour que l'on puisse leur proposer des postes d'encadrement, sinon on n'a le choix qu'entre des hommes.
La loi, qui a fixé l'objectif d'avoir un minimum de 40 % de personnes de chaque sexe pour les nominations au sein de l'encadrement dirigeant et supérieur de la fonction publique, est entrée en vigueur le 1er janvier 2017. Notre institution respecte déjà cette recommandation depuis 2014. Cela ne nous empêche évidemment pas d'aller plus loin, bien au contraire. Je sais pouvoir compter sur notre secrétaire général pour ce faire.
Notre communication institutionnelle propose une vision très largement paritaire de notre institution. Nous avons néanmoins identifié une marge d'amélioration en ce qui concerne le film projeté aux visiteurs. Une nouvelle version de ce film est en cours de préparation pour la prochaine législature, et nous veillerons à ce qu'il propose une représentation égale des femmes et des hommes.
De la même manière, les recommandations du HCEfh quant à l'adaptation de l'expression orale et écrite pourront être largement diffusées auprès des administrateurs des commissions et des services législatifs, afin qu'elles soient respectées dans les rapports parlementaires.
Enfin, d'autres mesures pourront être mises en oeuvre. Par exemple, nous voulons aller vers plus de parité dans les expertises proposées à la représentation nationale au cours des auditions préalables aux travaux parlementaires. Pour ce faire, le vivier d'expertes recensées par le site expertes.eu sera largement diffusé auprès des services législatifs.
Grâce à l'acquisition récente de l'hôtel de Broglie, nous pourrons également équilibrer les noms de bâtiments, d'équipements et de salles, afin de donner une meilleure visibilité aux grandes femmes de la nation.
Certaines de ces mesures paraîtront peut-être anecdotiques, mais nous savons que les grandes victoires sont faites d'une multitude de petits succès. L'Assemblée nationale, qui avance avec la société, a à coeur de se montrer exemplaire sur ce sujet comme sur d'autres. Au moment de signer cette convention d'engagement pour une communication publique sans stéréotype de sexe, je veux vous dire que je suis fier de présider une institution vivante, qui ne craint pas de se réformer et qui demeure animée d'un seul espoir : faire progresser la liberté et l'égalité pour tous et pour toutes.
Mesdames et messieurs, comme vous le savez, en matière de droits des femmes, quand on arrête d'avancer, on ne fait pas du sur-place mais on recule. Ici comme ailleurs, tous les satisfecit – dont nous pouvons nous réjouir – pointent en même temps de nouvelles barrières, de nouveaux murs, de nouveaux plafonds.
Ici, en France, les femmes travaillent mais, à poste égal, elles gagnent en moyenne 19 % de moins que les hommes : dans le dernier rapport du Forum économique mondial, la France arrive ainsi au 134e rang parmi 144 pays classés en fonction de l'égalité salariale. Est-ce honorable ? De même, les femmes sont entrées dans les conseils d'administration, mais leur présence dans les instances exécutives de direction reste très faible, à seulement 14 %, et progresse trop lentement.
Au Parlement européen, il y a tout juste quelques jours, un député polonais s'est levé pour justifier les inégalités de salaires. Après une démonstration sur les joueurs d'échecs polonais, il a déclaré que les femmes étant « plus faibles, plus petites et moins intelligentes que les hommes », elles devaient être moins payées qu'eux. Même si députée espagnole l'a heureusement remis à sa place, il faut bien constater que de tels propos ont été tenus au sein de l'assemblée européenne.
En Turquie, le président Erdogan n'hésite pas à se prononcer contre l'avortement et la contraception, mais aussi contre la césarienne qui viendrait contrarier les desseins sacrés de la nature. En Russie, une loi dépénalisant les violences domestiques a été adoptée à une écrasante majorité de députés à la fin du mois de janvier. Le président Vladimir Poutine l'a promulguée le 7 février.
Je pourrais continuer très longtemps à énumérer les batailles qui nous restent à mener. Ici et ailleurs, l'égalité entre les femmes et les hommes aura toujours besoin de militantes et de militants.
À vous voir si nombreuses et si nombreux ce soir, rassemblés à l'issue de ce colloque, je sais que la relève est là. Je me réjouis de voir tant de jeunes associations parmi vous, tant de nouveaux et nouvelles féministes qui continuent à brandir le flambeau de l'égalité. Oui, j'en suis persuadé, la relève est assurée. Sur vos visages, je lis la détermination de ceux qui savent que leur combat est juste. Je lis aussi la confiance en votre pouvoir de faire changer l'avenir. Cette même confiance donnait leur force à Olympe de Gouges, à Simone de Beauvoir, à Simone Veil. Cette confiance nous inspire, aujourd'hui comme hier.
C'est ainsi que nous pourrons, je l'espère, continuer à avancer sur les chemins de la République, de cet idéal qui nous éclaire, qui nous inspire, et qui continuera, pour peu que nous lui demeurions fidèles, à nous entraîner sur les voies du progrès. En ce qui concerne cette réunion, ce sera mon dernier souhait. (Applaudissements.)