Intervention de Valérie Rabault

Réunion du 22 avril 2015 à 12h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Rabault, rapporteure générale :

Je n'ai pas dit cela… J'ai simplement indiqué que nous avions obtenu les éléments demandés, ce qui est très appréciable pour tous les membres de notre commission.

Je vais présenter une version synthétique du programme de stabilité, afin d'en dégager l'esprit général et les grandes lignes.

Pour construire ce programme de stabilité, vous avez retenu, messieurs les ministres, des hypothèses prudentes, notamment en ce qui concerne la croissance et l'inflation, ainsi que le président du Haut Conseil des finances publiques l'a relevé. Le tableau ci-dessus montre par ailleurs que ce cadrage est en ligne avec les données produites par les différents organismes, qu'il s'agisse de l'Organisation de coopération et de développement économiques, du Fonds monétaire international ou de la Commission européenne. Le Haut Conseil a lui-même souligné l'absence de divergences concernant ces chiffres, ce qui n'était pas nécessairement le cas dans le passé.

Si l'on s'intéresse à l'écart qui a pu exister chaque année, depuis 2008, entre la prévision de déficit public pour l'année suivante et le déficit constaté en exécution, on remarque sur le graphique ci-dessus que cet écart a tendance à se réduire à partir de 2012 et plus encore ces deux dernières années, ce qui montre que les prévisions sont désormais plus réalistes et plus sincères. Cet effort mérite d'être souligné, tant en termes de pilotage des finances publiques que de transparence à l'égard de la représentation nationale.

Concernant le programme de stabilité, le Conseil de l'Union européenne a fixé deux objectifs à la France : l'un porte sur le déficit nominal, l'autre concerne l'effort structurel à réaliser chaque année. Les réponses apportées par le Gouvernement à ces deux demandes n'étant pas les mêmes, je les évoquerai séparément.

L'objectif de déficit public prévu dans le programme de stabilité – 3,8 % du PIB en 2015 ; 3,3 % en 2016 ; 2,7 % en 2017 – est en ligne avec ce que demande la Commission européenne. Pour y parvenir, nous devons réaliser des économies à hauteur de 21 milliards d'euros en 2015, de 15 milliards en 2016 et de 14 milliards en 2017. Du fait de la faiblesse de l'inflation, une part de ces économies va « disparaître » : 4 milliards d'euros en 2015 et 5 milliards en 2016, le chiffre n'étant pas encore précisé pour 2017. De plus, nous avons un certain nombre de dépenses supplémentaires à financer, notamment les surcoûts liés aux nouvelles mesures de sécurité prises depuis janvier dernier. Au début du mois de mars, notre commission s'est prononcée sur un décret d'avance de 300 millions d'euros, complété par l'annonce d'un « surgel » et de différents mouvements de crédits, ce qui permet de couvrir ces dépenses supplémentaires en majeure partie – seul le financement du plan d'investissement très récemment annoncé n'ayant pas été encore explicité. Au total, pour atteindre l'objectif de déficit nominal, nous devons réaliser une économie supplémentaire de 4,4 milliards d'euros en 2015.

Par conséquent, dans le programme de stabilité – dont l'objet est de fixer les grands objectifs, le détail des mesures étant plutôt renvoyé aux lois de finances –, vous proposez, messieurs les ministres, de nouvelles mesures pour 2015 : 700 millions d'euros d'économies supplémentaires sur les dépenses de l'État via un décret d'annulation que vous nous transmettrez d'ici le mois de juin et dont le contenu précis n'est pas encore connu ; 500 millions d'euros d'économies sur les dépenses des opérateurs de l'État et 1 milliard sur celles des administrations de sécurité sociale. Au sein de notre groupe, les gels des allocations ne sont pas considérés, de manière générale, comme étant la méthode la plus efficace de réaliser des économies, notamment du point de vue social. Mes collègues vous interrogeront probablement sur la nature des réductions de dépenses que vous envisagez.

Par ailleurs, du fait de la faiblesse des taux d'intérêt, l'État paiera 1,2 milliard d'euros de moins en 2015 pour le service de la dette de long terme, ce que l'on peut assimiler à une économie structurelle, même si ce point fera sans doute débat. Enfin, vous envisagez des recettes complémentaires : 400 millions d'euros via la lutte contre la fraude fiscale et 200 millions de dividendes additionnels reçus par l'État.

Les mesures que vous proposez pour l'année prochaine seront présentées dans le cadre du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016.

Une question se pose concernant la baisse de l'inflation : celle-ci annule un certain nombre de réductions des dépenses, mais a-t-elle aussi un impact négatif sur les recettes ? Selon le rapport public annuel de 2015 de la Cour des comptes, l'inflation a des effets de trois types : neutre sur le rendement de certains prélèvements obligatoires, à la hausse – éventuellement – sur le rendement des impôts acquittés par les entreprises, à la baisse sur le rendement de la TVA et des cotisations sociales. Pour votre part, vous envisagez un effet globalement neutre sur les recettes, ce qui ne correspond pas exactement à l'analyse de la Cour des comptes, mais celle-ci s'est peut-être davantage penchée sur le produit de la TVA que sur celui des prélèvements acquittés par les entreprises. La question reste ouverte selon moi, même si l'on peut effectivement considérer que l'effet de la baisse de l'inflation est plus incertain sur les recettes que sur les réductions de dépenses. D'après les informations que vous nous avez transmises, les recettes de TVA pourraient toutefois être réduites de 1,1 milliard d'euros. Sans doute y aura-t-il des questions sur ce point également.

D'une manière globale, les mesures que vous proposez me semblent réalistes et réalisables, et devraient permettre d'atteindre l'objectif de réduction du déficit nominal recommandé par le Conseil de l'Union européenne.

S'agissant du deuxième objectif, qui concerne l'effort structurel, vous avez souligné, messieurs les ministres, nos divergences avec Bruxelles, et je vous rejoins pleinement sur ce point. Car réaliser ce que nous demande la Commission européenne reviendrait tout simplement à saborder notre soutien à la croissance économique, ce qui n'est nullement notre intention.

Rappelons le contexte : dans le programme de stabilité, vous avez arrêté un objectif de réduction du déficit structurel de 0,5 point de PIB par an entre 2015 et 2017, alors que la Commission européenne recommande une réduction de 0,8 et de 0,9 point pour 2016 et 2017. Avec le programme de stabilité, nous annonçons donc clairement que nous n'atteindrons pas ces chiffres en 2016 et en 2017.

La notion de déficit structurel, dont nous avons beaucoup discuté au sein de notre commission, est pertinente : elle permet de faire la part, au sein du déficit nominal, entre ce qui résulte de la conjoncture et ce qui tient, le cas échéant, à l'insuffisance des efforts fournis par un pays pour mobiliser tous ses facteurs de production. Toutefois, elle repose sur un indicateur qui n'est pas observable : la croissance potentielle. S'il n'y avait dans notre pays que cent usines fonctionnant à 80 % de leurs capacités, nous ferions l'hypothèse que ces usines fonctionnent à 100 % et nous en déduirions la croissance potentielle. Mais, bien entendu, les facteurs sont beaucoup plus complexes dans la réalité : il faut notamment tenir compte du secteur des services, des interactions et du rôle des exportations. On parvient certes à calculer une croissance potentielle, mais, personne ne l'ayant jamais observée, ce chiffre peut faire l'objet de divergences, et l'effort structurel qui nous est demandé sur cette base peut donc être, lui aussi, remis en question.

Depuis 2011, la Commission européenne situe régulièrement la croissance potentielle de la France autour de 1 %, ce qui est sans doute sous-évalué. Le Gouvernement a été amené à donner sa propre estimation à l'occasion des lois de programmation des finances publiques et des programmes de stabilité qui se sont succédé. Dans le présent programme, vous l'avez relevée à 1,5 %. C'est d'ailleurs à ce niveau que notre commission avait souhaité la fixer en juillet 2014 en adoptant un amendement au projet de loi de finances rectificative, qui n'avait finalement pas été retenu.

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