Intervention de Michel Sapin

Réunion du 22 avril 2015 à 12h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Michel Sapin, ministre des Finances et des comptes publics :

Notre travail lie la politique budgétaire et les réformes car notre responsabilité, celle qui n'a pas été assumée auparavant, est de réduire les déficits, dans des conditions qui ne soient pas incompatibles avec la reprise de l'activité économique que nous constatons, tout en engageant les réformes qui n'ont pas été menées par nos prédécesseurs. C'est ce que la Commission européenne nous demande : elle lie le programme de réforme à l'équilibre de l'ensemble, car elle sait que le programme national prépare de la croissance en plus pour demain et nous permet une trajectoire de finances publiques crédible, avec un retour progressif à l'équilibre budgétaire. Les deux sont intimement liés, et la solution n'est pas simple. Il était plus facile de faire, ou l'un, ou l'autre, dans une période de croissance ; malheureusement, cela n'a pas été fait, et cela renvoie à notre responsabilité politique.

Beaucoup d'entre vous demandent comment, dans le programme national de réforme, nous parvenons à des chiffres qui traduiraient du PIB en plus. Je me suis moi-même posé la question, et c'est ce qui m'a amené à m'adresser à l'OCDE. La quasi-totalité des chiffres figurant dans notre programme national de réforme ne sont pas calculés par nous-mêmes mais par l'OCDE. Certes, on peut tout autant les contester du point de vue intellectuel et méthodologique, me direz-vous ; mais nous avons tenu à « objectiver » ce travail en le confiant à une organisation indépendante, et c'est ce que nous avons transmis à la Commission, qui est très attentive à cet aspect des choses. Et d'après ces chiffres, qui restent évidemment contestables, dans le bon sens du terme, notre programme de réforme est porteur de croissance en plus dans les années à venir – quand on oeuvre pour le bien public, on n'agit pas exclusivement en fonction des seuls calendriers électoraux.

En ce qui concerne le programme de stabilité, nous travaillons dans la continuité. Ce programme traduit, à 0,1 ou 0,2 % près, ce que vous avez vous-mêmes décidé dans la loi de programmation, à savoir une trajectoire de diminution des déficits publics. Il se trouve que c'est convergent avec ce que demandent la Commission et le Conseil européens. Tant mieux, mais c'est avant tout la continuité de nos propres décisions.

Nous mettons également en oeuvre les 50 milliards d'économies, ce qui représente un effort gigantesque. M. Mariton nous reproche une augmentation de 0,9 % de la dépense publique en 2015, alors qu'un tel effort de maîtrise est sans exemple. En 2011, alors que notre pays n'était plus en crise, cette augmentation était de 2,5 %. Nous considérons que c'est par la maîtrise de la dépense publique que l'on peut financer tout à la fois la diminution du déficit, nos priorités ainsi que les baisses de cotisations et d'impôts demandés aux entreprises et aux ménages.

Les dépenses de la lutte contre le terrorisme en début d'année ont été immédiatement compensées. Ce qui a changé, c'est l'inflation. Nous tenons les 50 milliards mais, comme nous avons perdu entre 3 et 4 milliards en cours de route, nous proposons 4 milliards de mesures nouvelles. Nous adaptons notre programme d'économie à la période. Cette continuité donne une grande crédibilité à notre trajectoire.

Il n'y a pas la bonne et la mauvaise dépense publique, la bonne qui serait celle des collectivités locales et la mauvaise qui serait celle de l'État ou de la sécurité sociale. L'effort doit être partagé par tous. Sortir de ce raisonnement reviendrait à faire preuve ou d'une forme de faiblesse intellectuelle, ou d'hypocrisie. Cet effort doit porter sur le fonctionnement.

Il existe, s'agissant de la croissance potentielle, un désaccord. Suivre l'ajustement structurel voulu par la Commission européenne, comme le souhaite l'opposition, conduirait à moins de croissance et moins d'emplois – peut-être à court terme, certes, mais cela intéresse le chômeur de savoir ce qui se passera dans le mois ou l'année qui suit ! Nous ne le souhaitons pas et nous avons donc engagé un débat avec la Commission européenne. J'ai rencontré hier quelques commissaires, et pas ceux qui font preuve du plus de souplesse sur ces questions. La préconisation de la Commission européenne était fondée sur un déficit de 4,3 % de déficit en 2014. Dans la mesure où elle constate que la France, avec 4 % de déficit, a fait mieux que ses prévisions, elle considère que sa préconisation peut évoluer. Une telle évolution doit évidemment tenir compte des arguments que je viens de présenter. À quoi servirait-il d'en faire plus, si c'est pour casser la croissance et freiner le recul du chômage et le rééquilibrage de nos finances publiques ?

Je ne connais pas deux économistes qui soient strictement d'accord, même parmi ceux qui ont défendu un amendement l'an dernier, sur le niveau exact de la croissance potentielle. Je ne peux donc pas savoir précisément ce que doit être l'effort structurel. À ceux qui m'interrogent, avec une grande ténacité, sur le sujet, je réponds que l'effort structurel dépend de la croissance potentielle, qui dépend elle-même de l'ajustement intellectuel de chacun, et que j'en reviens donc à la donnée du déficit nominal. Ce faisant, je parle un langage européen, car ce que l'Europe nous demande, c'est de respecter notre déficit nominal. Mais comme ni les uns ni les autres n'ont jamais respecté les objectifs de déficit nominal, la Commission européenne est obligée de regarder sous le capot, c'est-à-dire d'examiner ces questions compliquées et objectivement difficiles à apprécier. Or, comme nous sommes sur une trajectoire profondément crédible et que nous atteindrons nos objectifs nominaux, elle est satisfaite.

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