Intervention de Anne Burstin

Réunion du 4 juillet 2012 à 10h30
Commission des affaires sociales

Anne Burstin, inspectrice générale des affaires sociales :

Je retracerai dans un premier temps mon parcours professionnel, puis j'indiquerai les raisons pour lesquelles je postule à la fonction de directeur général de l'INCa, avant de présenter les enjeux liés à ce poste et mes projets en la matière.

Je suis inspectrice générale des affaires sociales, actuellement en poste à l'inspection générale (IGAS). Mon intérêt pour les politiques de santé m'a conduit à opter pour ce corps à la sortie de l'ENA, il y a 17 ans ; il a depuis structuré l'essentiel de mon parcours professionnel, mené en alternance à l'IGAS et dans des postes opérationnels.

À l'IGAS, j'ai conduit plusieurs missions d'inspection et d'évaluation des politiques de santé : sur les greffes, les dons d'ovocytes ou, plus récemment, la mise en oeuvre des politiques de santé-environnement par les agences régionales de santé (ARS). Je coordonne actuellement le rapport annuel sur l'hôpital, qui devrait paraître à l'automne. J'ai aussi contrôlé des structures hospitalières et des centres de sécurité sociale. Enfin, je suis membre de la structure collégiale qui coordonne la démarche qualité au sein de l'IGAS dans le champ de la santé ; comme ce collège compulse la totalité des rapports consacrés aux politiques de santé, cela me permet de disposer d'une vue d'ensemble du sujet.

Mon premier poste opérationnel m'a conduit à être, de 2000 à 2003, directrice adjointe de la direction régionale des affaires sanitaires et sociales (DRASS) d'Aquitaine, chargée du pôle Santé. Ce fut une expérience fondatrice pour moi, en termes tant de connaissance des politiques de santé que de management, puisque j'eus à cette occasion à traiter – en liaison avec l'agence régionale de l'hospitalisation – de l'organisation de l'offre de soins, des relations avec les établissements de santé, des questions de sécurité sanitaire et d'inspection, et de l'animation des politiques régionales de santé. À ce titre, j'ai piloté la mise en oeuvre régionale du premier plan Cancer, au moment où se mettaient en place les politiques de dépistage.

Ensuite, après un rapide passage à l'inspection générale, j'ai été nommée à un autre poste opérationnel : directrice adjointe de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), jusqu'en juin 2008. Cette expérience m'a permis d'approfondir mes connaissances en matière de sécurité sanitaire, de me familiariser avec le monde complexe des produits de santé et de faire l'apprentissage de la gestion de l'urgence au quotidien. Je me suis initiée à de nouveaux domaines, comme la recherche clinique ; j'ai piloté le projet sur l'accompagnement de l'innovation, qui traitait de questions pointues comme les produits complexes ou l'association entre les médicaments et les dispositifs médicaux, mais qui visait aussi à développer les relations de l'Agence avec les petites entreprises de biotechnologie – lesquelles avaient quelques difficultés à se frayer un chemin dans les processus réglementaires. Je pense que cette expérience sera un atout pour mes futures fonctions à l'INCa, eu égard à l'importance de l'innovation et de l'accès aux produits innovants dans le domaine de la lutte contre le cancer.

Au terme de ce parcours, je pense avoir acquis une bonne connaissance des politiques de santé et de leurs acteurs, tant au plan national que régional, ainsi qu'une certaine pratique des relations avec les professionnels de santé et les associations de patients, qui sont très actives dans la lutte contre le cancer.

Pourquoi poser ma candidature au poste de directeur général de l'INCa ? Pour quelqu'un qui, comme moi, est passionné par les politiques de santé, participer à la lutte contre le premier fléau sanitaire en France – plus de 150 000 décès par an ! – est un défi majeur. La politique de lutte contre le cancer offre des marges de progrès significatives ; nous pouvons faire progresser et la science et la prise en charge des patients.

L'institut précise en outre une singularité : il s'agit de la seule agence dédiée à une pathologie. De ce fait, il englobe toutes les facettes de la politique de santé : recherche clinique, recherche fondamentale, information des patients et des professionnels de santé, organisation du système de soins, prévention, prise en charge après traitement, réinsertions sociale et professionnelle. Au cours de ma carrière professionnelle, j'ai déjà pu mesurer que de telles missions transversales étaient délicates à mener, mais déterminantes pour le succès des politiques de santé.

L'INCa est d'autant mieux placée pour surmonter les cloisonnements et les difficultés de communication qu'il s'agit d'une structure juridique particulière, à savoir un groupement d'intérêt public dont la mission est de réunir l'ensemble des acteurs de la lutte contre le cancer et de favoriser les projets conjoints de recherche, de soins et de prévention. Ce partenariat avec les organismes de recherche, les fédérations d'établissements de santé, les professionnels de santé et les associations de patients – comme la Ligue contre le cancer ou la Fondation ARC pour la recherche sur le cancer – est pour moi un aspect très intéressant.

Enfin, l'INCa est une structure de taille moyenne, ce qui correspond à mes attentes en tant que manager, et notamment à mon goût du travail en équipe.

Avant d'en venir aux enjeux du poste et à mes projets, je voudrais souligner la spécificité de la gouvernance de l'INCa. Comme Mme la présidente l'a signalé, il y a une présidente – Mme Agnès Buzyn, professeure de médecine, qui a été nommée à l'été 2011, et un directeur général de formation plus administrative – poste auquel je prétends. La présidente actuelle a défini un certain nombre de stratégies, notamment en matière de recherche, qui est son champ de prédilection. Le directeur général est plus particulièrement chargé de la gestion de l'institut. À ce titre, je devrai poursuivre la consolidation de celle-ci et maîtriser les risques tant comptables et financiers qu'opérationnels ; dans le prolongement de la loi du 29 décembre 2011, il me faudra être attentive à la qualité et à l'indépendance des processus d'expertise et d'appel à projets ; et, en tant que responsable du suivi de la mise en oeuvre du plan Cancer, je serai également mobilisée sur les principaux volets de celui-ci.

L'INCa est un des protagonistes de ce plan, d'abord parce qu'il a été créé pour coordonner la politique de lutte contre le cancer, ensuite parce qu'il pilote plus de la moitié des actions du plan 2009-2013. J'espère que celui-ci sera prolongé par un troisième plan, car cela permettrait de donner à la lutte contre le cancer une feuille de route ambitieuse et méthodique – le but ultime étant de diminuer l'incidence des cancers, de réduire leur mortalité et d'améliorer la qualité de vie des personnes. Si l'incidence continue, hélas, à progresser, en revanche les résultats sont meilleurs en termes de mortalité : il est de plus en plus souvent possible de guérir d'un cancer, et les taux de survie à cinq ans s'accroissent, notamment pour les cancers les plus fréquents, comme le cancer du sein ou le cancer de la prostate.

Pour atteindre ces objectifs, plusieurs priorités ont été arrêtées. La première, qui tient particulièrement à coeur à la présidente, est de faire en sorte que les découvertes scientifiques bénéficient plus rapidement aux patients, en accélérant le passage de la recherche fondamentale à la recherche clinique et de la recherche clinique au soin. Pour ce faire, il conviendra d'inclure le plus grand nombre de patients possible dans les essais cliniques et d'intégrer les activités de recherche fondamentale et de recherche clinique dans des structures dédiées : les sites de recherche intégrée sur le cancer (SIRIC), aujourd'hui au nombre de cinq.

Seconde priorité, lutter contre les inégalités sociales et géographiques, afin de garantir pour tous l'accès à des actions de santé de qualité et à l'innovation. La présidente et moi-même sommes particulièrement attachées à cette action, parce que nous avons conscience qu'il existe de fortes inégalités en matière de prévention, d'accès aux soins et de prise en charge après le traitement, et qu'il importe d'y remédier.

Troisième priorité, amplifier la personnalisation des parcours de prise en charge. Les thérapeutiques en matière de lutte contre le cancer sont de plus en plus ciblées en fonction des caractéristiques des tumeurs et des patrimoines génétiques des malades, de manière à leur proposer un traitement personnalisé et à éviter les traitements trop lourds et contraignants. Les progrès sont rapides, mais la personnalisation doit concerner, outre les parcours de soins, la prévention, la prise en charge sociale et l'accompagnement tout au long de la maladie.

Quatrième et dernière priorité, optimiser la relation ville-hôpital en matière de prise en charge des patients. Il convient en particulier de s'appuyer sur le médecin traitant – qui joue un rôle fondamental dans le dépistage – en amont mais aussi en aval de l'hôpital, en facilitant l'accès rapide des malades aux prises en charge et en associant le médecin traitant à la sortie de l'hôpital, de manière à assurer correctement le relais.

Au-delà, je suis très attachée aux droits des patients et à la démocratie sanitaire. La politique de lutte contre le cancer a permis de bien progresser sur le sujet, notamment dans le cadre du travail sur l'annonce – ô combien délicate ! – du diagnostic de cancer : un effort important, et régulièrement évalué, a été fourni afin d'améliorer les conditions d'annonce, de préserver l'intimité de la personne et d'associer les proches. En outre, le comité des patients et des proches permet à ces derniers d'être impliqués dans les grandes orientations et consultés sur un certain nombre de documents. Enfin, la plateforme Cancer Info bénéficie du caractère transversal de l'INCa : sur ce site sont mises à jour l'ensemble des informations disponibles en matière de cancer, qu'il s'agisse de la prévention ou de la prise en charge, ce qui permet aux malades de préserver leur autonomie et d'exprimer leur point de vue.

De ces enjeux stratégiques découlent des enjeux opérationnels immédiats. D'abord, il convient de continuer à concevoir des actions innovantes, expérimentales et transversales en matière de prise en charge et de prévention, de les expérimenter sur le terrain, et de bénéficier des retours d'expérience des professionnels de santé et des usagers avant de se prononcer sur une possible généralisation. Cette méthode me semble pertinente, et doit s'accompagner d'un renforcement des liens avec les autres acteurs de la lutte contre le cancer – ce qui relève plus particulièrement de la responsabilité du directeur général. Il faudrait notamment renforcer l'articulation entre l'échelon national et l'échelon régional, car les agences régionales de santé ayant été créées après le lancement du plan Cancer II, leurs relations avec l'échelon national n'ont pas toujours été formalisées. Il s'agit d'un chantier prioritaire, et ma connaissance du niveau régional sera dans ce domaine un atout.

Voilà les magnifiques chantiers auxquels je serai fière de prendre part si j'ai la chance d'être nommée à la tête de l'INCa.

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