Intervention de Nicole Ameline

Réunion du 6 février 2013 à 16h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicole Ameline, rapporteure :

Avant de vous présenter le contenu de cette convention, il me paraît important de revenir sur l'historique et l'actualité de ce projet ambitieux qui a un lien fort avec la Russie c'est Mikhaïl Gorbatchev qui a proposé en 1985 à Ronald Reagan, après en avoir parlé au président Mitterrand et à Margaret Thatcher, de lancer une initiative internationale pour développer l'énergie de fusion à des fins pacifiques, répondre au défi de l'épuisement des ressources en combustibles fossiles alors même que la consommation augmente. Cette proposition s'est affirmée, a rassemblé les pays européens, le Japon, l'URSS et les Etats-Unis, rejoints en 2003 par la Chine et la Corée du sud, puis par l'Inde, en 2005, qui ont décidé de lancer, sous l'égide de l'Agence internationale de l'énergie atomique, les études nécessaires à la conception d'un réacteur thermonucléaire expérimental. Le projet ITER est né de la volonté de démontrer la faisabilité scientifique et technologique de l'énergie de fusion, et la faisabilité de la réalisation d'un prototype préindustriel. L'énergie de fusion présente en effet plusieurs atouts : celui d'utiliser un combustible pratiquement inépuisable, le deutérium notamment, extrait de l'eau de mer, d'offrir des conditions de sécurité telles que les risques d'un accident de grande ampleur sont exclus, et enfin d'être moins problématique quant à la gestion des déchets radioactifs.

C'est précisément en raison de cet intérêt, et des enjeux, que la communauté internationale s'est engagée sur des investissements importants, sur les études à réaliser et sur un montage institutionnel qui est le suivant : Un accord international a été conclu entre les Parties, qui est entré en vigueur en octobre 2007, aux termes duquel une organisation internationale a été créée, ITER Organization, qui assure la maîtrise d'ouvrage de la construction de la machine avant d'en être, d'ici à quelques années, l'exploitant nucléaire. Une agence nationale a été créée dans chacun des Etats membres pour assurer l'interface avec l'organisation, notamment en matière d'approvisionnement du projet pour la fourniture des éléments qui constitueront le Tokamak, c'est-à-dire le réacteur.

La France est dans une position privilégiée dans la mesure où elle a revendiqué, et obtenu, après soutien de l'Union européenne, que le réacteur soit installé sur son sol, sur le site de Cadarache. C'est la raison pour laquelle elle a signé dès 2007 avec l'Organisation ITER un accord de siège, entré en vigueur en février 2008. Le projet de loi sur lequel notre commission doit se prononcer aujourd'hui en découle. Je pourrai revenir pour vous donner des éléments d'actualité ; il y a notamment une école internationale, financée et réalisée par la région PACA, installée à Manosque, est opérationnelle depuis la rentrée 2009, et le siège de l'organisation a été réceptionné en septembre dernier. En d'autres termes, les choses sont en bonne voie et le projet ITER suit son calendrier.

Ces rappels effectués, j'en viens maintenant à l'accord de sécurité sociale entre la France et l'organisation que nous examinons aujourd'hui. Il s'agit d'un accord qui complète l'accord de siège que nous avons conclu avec ITER. Son propos est des plus simple et, s'il ne concerne qu'un nombre restreint de bénéficiaires, il n'en est pas moins très opportun, urgent et très utile. De manière très classique, l'accord de siège comporte des dispositions destinées à faciliter l'activité de l'organisation, et donc un certain nombre de privilèges et immunités pour l'institution comme pour ses fonctionnaires, en contrepartie d'obligations. Il prévoit aussi que l'Organisation, ses personnels et leurs ayants-droit sont exempts de l'ensemble des cotisations obligatoires du régime de sécurité sociale français en ce qui concerne leur revenu issu de leur activité auprès de l'Organisation et qu'en conséquence les intéressés ne bénéficient pas des prestations prévues par la législation française.

L'Organisation ITER a mis en place son propre système de retraite, qui est régi par l'article 27 du statut du personnel et, pendant la durée de leur contrat – de cinq ans, éventuellement renouvelables - les personnels ITER cotisent à ce système par capitalisation, en lieu et place du système national auquel ils étaient affiliés.

S'agissant des salariés français, cette situation peut entraîner des préjudices futurs, dans la mesure où une décote sera appliquée au moment de la liquidation de leurs retraites, dès lors qu'ils ne pourront justifier de la durée requise pour prétendre à une pension à taux plein. Ce cas de figure a d'ailleurs été prévu puisque nous avons adopté en 2008 dans la loi de financement de sécurité sociale une disposition qui, pour la détermination de la durée d'assurance permettant le calcul de la pension vieillesse, admet la prise en compte des périodes durant lesquelles un intéressé a été affilié à un régime obligatoire de pension d'une institution européenne ou d'une organisation internationale, dès lors qu'il est affilié à ce seul régime obligatoire. Cela étant, le mode de calcul prévu par la loi n'atténue que très partiellement l'effet de décote ; consécutivement, le personnel de l'Organisation préalablement affilié au système français verra le montant de sa pension de retraite française diminué faute d'avoir cotisé pendant la durée de son engagement auprès de l'Organisation, problème ressenti dans toutes son acuité par l'ensemble des personnels. La conclusion d'un accord de sécurité sociale entre le Gouvernement français et l'Organisation ITER répond précisément à cette situation et vise par conséquent à compenser l'effet de décote en permettant à ses membres qui le souhaitent d'adhérer au régime français d'assurance volontaire vieillesse dans l'année suivant leur entrée dans l'Organisation.

L'article 1er que « Les membres du personnel de l'Organisation ITER (…) exerçant leur activité sur le territoire français, ne sont pas soumis à la législation française de sécurité sociale, conformément à l'article 18 de l'accord de siège. » Il précise que « L'Organisation ITER assure à son personnel le service des prestations familiales et la garantie contre les risques maladie maternité, accidents du travail et maladies professionnelles, invalidité et vieillesse dans les conditions du régime de prévoyance qu'elle a institué. » L'article 2 de l'accord stipule ensuite que les membres du personnel d'ITER ont la faculté, dans le délai de douze mois suivant leur engagement par l'Organisation ITER, d'adhérer à l'assurance volontaire vieillesse du régime français de sécurité sociale. C'est une possibilité offerte à l'ensemble des personnels qui, avant leur entrée en fonction au sein de l'Organisation, étaient soumis pour l'assurance vieillesse à la législation de sécurité sociale d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, se voient également proposer, à la fin de leur engagement avec ITER, la possibilité de racheter des cotisations au régime de sécurité sociale français dans la limite de leur temps de service dans l'Organisation, s'ils n'ont pas adhéré en temps utile à l'assurance volontaire vieillesse. L'article 4 précise ensuite que les membres du personnel d'ITER en fonction à la date d'entrée en vigueur de l'accord peuvent demander leur admission à l'assurance volontaire vieillesse dans le délai d'un an suivant cette date, avec possibilité de rachat de cotisations dans la limite de leur temps de service au sein de l'Organisation ITER. De même, ceux qui ont cessé leurs fonctions à la date d'entrée en vigueur de l'accord ont-ils la faculté de racheter des cotisations dans la limite de leur temps de service au sein de l'Organisation ITER. Enfin, il est précisé que le montant des versements rétroactifs dus par les intéressés est calculé selon le barème prévu par la réglementation française et que sont pris en considération les salaires afférents à l'emploi occupé à la date de la demande d'adhésion.

Ce projet de loi porte sur un nombre restreint de bénéficiaires, il y a aujourd'hui quelque 145 Français employés par ITER, mais dans la mesure où cet accord vise avant tout à éviter de les pénaliser et où l'on peut considérer que des dispositions de cette nature peuvent contribuer à l'attractivité de l'organisation pour des candidats de nationalité française, je vous recommande bien sûr d'en autoriser la ratification.

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