Les universités ne vont pas découvrir l'alternance : elles y sont déjà confrontées, pour les études de médecine mais aussi pour l'accueil d'apprentis, et elles prennent en compte dans leurs formations les acquis de la pratique en entreprise ou à l'hôpital. Elles savent donc faire ! Dès lors, le lien entre la pratique et la théorie – entre le stage et l'enseignement disciplinaire – ne devrait pas faire difficulté, même s'il peut être délicat de trouver le bon équilibre, au sein du cursus, entre la formation académique, la préparation du concours et la mise en situation professionnelle. Mais les équipes y travaillent, le comité de suivi y est attentif.
Cependant, un autre problème, plus global, se pose : dans certaines formations, les étudiants de master ont un nombre de cours à suivre et un nombre de compétences à acquérir trop important au regard du nombre d'heures d'enseignement que nous pouvons leur dispenser. Il ne faut donc pas s'attendre à ce qu'ils acquièrent toutes les compétences et connaissances requises au cours de ces deux années : l'important est qu'ils disposent à la fin du master d'un socle et que, pour la suite, les ESPE soient capables de dispenser une formation continue de qualité.
Les universités ont tout à gagner à l'affirmation d'une identité forte des ESPE en leur sein. Pour l'instant, il n'y a qu'une dénomination et un projet en cours de définition, mais que je pense clair, ainsi que la décision de regrouper dans ces écoles des personnels des IUFM, des UFR et de l'éducation nationale. Tout le défi pour les universités va être de rendre ces écoles visibles, au sein d'un dispositif lisible par tous les étudiants. Pour attirer ceux-ci, il est en effet indispensable de mettre en place un cadre clair et stable. Clair : ils doivent savoir quels cursus précis ils devront suivre, où s'inscrire… Stable : tout a changé ces dernières années à l'université comme dans la formation des enseignants, assurée d'abord en totalité dans les IUFM, puis en partie à l'université, de sorte que les étudiants ont du mal à s'y retrouver. Faisons donc cette nouvelle réforme, mais tenons-nous-y ensuite pour longtemps !
La loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche est encore à venir mais, pour rendre plus lisible ce projet d'ESPE, on pourrait envisager de rattacher les ESPE à des établissements qui ne seraient pas des universités mais des communautés universitaires – ainsi dans la région Île-de-France.
Se pose bien sûr la question des locaux des IUFM, dont il est naturel que les élus se préoccupent. Les universités seraient portées, pour des raisons d'économie et pour simplifier leur gestion, à fermer toutes les antennes locales pour tout regrouper sur leur emprise. D'un autre côté, elles sont également conscientes de leurs missions au service des territoires et des populations : elles doivent contribuer à une élévation générale du niveau de formation et, de ce point de vue, utiliser les locaux des IUFM pourrait être un atout… Mais elles n'ont pas aujourd'hui les moyens de cette territorialisation de la formation et si on veut qu'elles assument cette mission, il faudra donc les leur donner.
L'enseignement est en train de se transformer sous l'effet du développement du numérique et les deux ministères ne peuvent en faire abstraction. Cependant, il ne faut pas céder inconsidérément à une mode et se lancer dans toutes sortes d'expérimentations. Une évaluation de ce qui a été fait me paraît nécessaire, de même que l'élaboration d'un plan digne de ce nom, sur la base de ce bilan.
On a beaucoup médit des personnels des IUFM, mais il faut être clair à leur propos, d'autant qu'ils s'inquiètent légitimement de ce qu'ils vont devenir à partir de septembre : il est exclu de trier entre eux, les universités doivent les intégrer tous dans les ESPE, où ils ont toute leur place.
L'un des intérêts de mettre les ESPE au sein des universités, c'est que les « reçus collés » – comme d'ailleurs les « collés reçus » – pourront facilement se reporter sur d'autres masters, ou même sur d'autres formations que pourraient offrir les ESPE.