Intervention de Yvon Merlière

Réunion du 4 juillet 2012 à 16h15
Commission des affaires économiques

Yvon Merlière, directeur général du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie, CREDOC :

La consommation est un vrai moteur de la croissance en France et ce, pour deux raisons : les besoins évoluent – on ne consomme pas les mêmes produits selon les générations – et les attentes des consommateurs sont diverses.

Nous avons à cet égard des progrès à faire pour permettre aux seniors, qui représenteront plus de la moitié de la consommation dès 2015, de mieux consommer.

Nous sommes confrontés à un problème structurel. Vous avez rappelé à juste titre, monsieur le Président, la forte augmentation des dépenses contraintes : le point clé concerne le prix du logement. Il faut distinguer les propriétaires, les nouveaux accédants à la propriété et les locataires. Au cours des quinze dernières années, le prix du logement a été multiplié par 2,5, celui des loyers par 1,8 et les revenus par 1,4 : ce sont donc ceux qui accèdent aujourd'hui à la propriété qui subissent le plus fortement cette contrainte. La part du logement dans le budget des jeunes générations est d'ailleurs très forte.

Le poids des dépenses contraintes se traduit par d'importants arbitrages des consommateurs entre les produits et entre les enseignes. Pour les produits de base, tels que les produits alimentaires ou vestimentaires, ils ont ainsi tendance à choisir les moins chers. Concernant l'habillement, l'Institut français de la mode (IFM) a indiqué qu'au cours des dix dernières années, le prix moyen du vêtement acheté a diminué de 15 %. Jusqu'à juillet 2007, le volume des vêtements vendus n'a pas changé, puis il s'est écroulé en raison des fortes contraintes budgétaires subies par les consommateurs au cours des cinq dernières années.

En 2008, année où l'inflation a été forte, le hard discount s'est fortement développé, tandis qu'en 2009, où elle a été faible, les consommateurs français ont plutôt opté pour des produits de meilleure qualité. Lorsqu'ils ne sont pas trop contraints financièrement, les critères qu'ils privilégient sont la qualité, l'hygiène et la sécurité.

Je ne pense donc pas que le hard discount tuera le commerce alimentaire. L'étude comparative que nous avons réalisée entre les pays européens, les États-Unis et le Japon pour connaître les attentes des consommateurs montre que les consommateurs français privilégient d'abord l'hygiène et la sécurité et, en deuxième lieu, le fait que les produits soient fabriqués en France – alors que les consommateurs étrangers n'accordent pas d'importance à ce dernier aspect.

Par ailleurs, les besoins évoluent : selon nos études, les générations de plus de 60 ans ont consacré 25 à 30 % de leur budget aux produits alimentaires, contre 8 % pour les jeunes de 25 ans. En effet, ceux-ci consomment moins ces produits et privilégient les moins chers ; surtout, ils achètent davantage d'autres produits, liés plutôt à la communication, aux loisirs, à la restauration ou aux vacances. Les plus jeunes générations trouveront toujours de nouvelles possibilités de consommer en raison de leur appétence générale à la consommation et dans la mesure où celle-ci a acquis une composante immatérielle.

Auparavant, les grandes philosophies, les partis politiques, la religion ou la famille constituaient un point de ralliement pour les jeunes : aujourd'hui, ils veulent davantage penser par eux-mêmes, ce qui se traduit par de nouvelles façons de consommer.

Enfin, les attentes des consommateurs changent : ils ne veulent pas seulement un produit mais également un service lié à celui-ci. Ils souhaitent qu'on leur fournisse des informations, des comparaisons ou une aide, notamment pour les produits de bricolage.

À cet égard, compte tenu de leurs moyens financiers, les hypermarchés sont les mieux placés pour répondre à ces attentes.

Les consommateurs cherchent notamment à avoir davantage de temps disponible, dans la mesure où les nouveaux biens de consommation, qu'ils aient trait à la culture, aux loisirs, à la restauration ou à la communication, demandent beaucoup de temps. Ils souhaitent donc réduire celui consacré à l'achat des produits.

En conclusion, je pense que les services publics et les PME ont un gros travail à faire sur les services à offrir aux seniors. En majorité, les retraités en couple ont un taux d'épargne de près de 30 % et on ne leur propose guère d'éléments les incitant à consommer davantage, alors que l'Allemagne, la Corée du Sud, le Japon et les États-Unis par exemple ont mis en place des politiques publiques encourageant les PME à développer les services spécifiquement destinés aux seniors, notamment pour améliorer la façon d'utiliser les produits vendus. C'est en particulier le cas pour la téléphonie. Si un senior se fait expliquer aujourd'hui dans un magasin en France le fonctionnement d'un téléphone portable par un jeune vendeur, il risque de ne rien y comprendre, alors qu'en Allemagne, des vendeurs de la même génération ou presque sont employés pour s'adresser spécifiquement à ce public.

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