Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, proposer la modification du règlement de notre assemblée n'est jamais une démarche anodine. S'il en était besoin, l'importance du règlement s'est rappelée à nous au cours des débats qui ont eu lieu dans l'hémicycle ces quinze derniers jours. Brandi lorsqu'il s'agit de revenir au bon déroulement des débats, utilisé pour savoir avec précision quelles sont les prérogatives de l'un ou l'autre des organes qui animent notre assemblée, examiné après chaque modification par le Conseil constitutionnel pour en apprécier la conformité avec la Constitution, le règlement est évidemment la pièce essentielle sur laquelle reposent l'organisation et le fonctionnement de notre institution.
Cette pièce doit cependant évoluer, comme elle peut contribuer à faire évoluer les autres textes qui régissent nos institutions. Les groupes parlementaires ont pour la première fois été reconnus et institutionnalisés dans notre règlement en 1910, alors qu'il s'agissait de régler le problème crucial de la composition des commissions permanentes. Les groupes parlementaires ne se doteront d'un statut constitutionnel qu'en 1946, pour le perdre en 1958, et le retrouver un demi-siècle plus tard, à la faveur de la réforme constitutionnelle de 2008.
Les groupes parlementaires sont la condition sine qua non de la représentation démocratique qui incombe aux assemblées parlementaires. Ils permettent, par le regroupement qu'ils opèrent des élus partageant la même sensibilité, de rendre plausible l'adoption ou le rejet d'un texte avant que le scrutin ait lieu. Ce qui est un gage de transparence dans l'acte de représentation et l'assurance d'une efficacité accrue dans l'action publique.
C'est pour cela que les présidents de groupe, qui les représentent à l'intérieur et à l'extérieur de l'hémicycle, ont des prérogatives et des pouvoirs nominaux. La proposition de résolution déposée par le groupe écologiste a ainsi, principalement, pour objet de « partager les responsabilités » et de « reconnaître une culture plus collective de l'exercice du pouvoir », tout en organisant une solidarité entre deux présidents d'un même groupe : une présomption irréfragable d'accord entre les deux coprésidents existerait, sauf pour l'acte constitutif par excellence, l'adhésion, l'apparentement ou l'exclusion d'un député.
Cette présomption est évidemment la conséquence logique du fonctionnement de l'Assemblée : comme je l'ai rappelé, le président représente son groupe, il en est l'incarnation. Deux coprésidents ne peuvent être qu'un président à deux têtes. Quant à un éventuel désaccord entre les deux coprésidents, il ne pourrait être réglé « que par la voie politique », pour reprendre les propos tenus en commission des lois le 23 janvier par notre collègue Barbara Pompili, présidente en titre du groupe écologiste depuis le 14 janvier. En effet, selon vous, ma chère collègue, « il n'appartient pas au règlement de l'Assemblée nationale de s'immiscer dans le fonctionnement des groupes pour prétendre, à l'avance, faire face à d'éventuels différends ». Je suis en tous points d'accord avec vous, mais ne peut-on renverser l'argument et répliquer, par symétrie, qu'il n'appartient pas à un groupe politique de faire institutionnaliser par le règlement une pratique politique qui lui est propre ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Car cette coprésidence serait paritaire, et c'est en cela que cette proposition de résolution trahit, d'une certaine manière, son origine. Je suis bien évidemment favorable à une meilleure représentation des femmes à l'Assemblée nationale et à un meilleur partage des responsabilités politiques en son sein. Malheureusement, cette coprésidence facultative mais obligatoirement paritaire risque de faire peu d'émules. Elle reste, cependant, intéressante. Elle peut constituer une soupape…