Intervention de Karine Berger

Séance en hémicycle du 12 février 2013 à 15h00
Séparation et régulation des activités bancaires — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaKarine Berger, rapporteure de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Aucune évolution notable n'a été suivie par la France pour apporter une réponse structurelle aux dysfonctionnements du secteur financier. Nous mesurons ainsi toute l'opportunité et l'ambition du présent projet de loi qui concerne directement l'activité bancaire et son encadrement, et ce, monsieur le ministre, vous l'avez dit à plusieurs reprises, pour la première fois en Europe.

Alors, certains nous disent : ce n'est pas le moment de réguler ! Vous allez mettre l'économie française en difficulté ! Certains veulent même nous effrayer : si vous régulez les banques maintenant, le financement de nos entreprises va être menacé ! Pis encore, c'est la dette de l'État français qu'on assassine ! Il est vrai qu'en matière de régulation économique, un équilibre est toujours à rechercher entre compétitivité et protection, entre objectifs à court terme et objectifs à long terme, entre ignorance et arrogance, pour reprendre les termes utilisés par M. Liikanen lors de son audition, que nous avons menée avec Christophe Caresche.

Je crois que, dans ce projet de loi sur la régulation bancaire, l'équilibre est bel et bien trouvé ; un équilibre fin, un équilibre fragile, un équilibre pragmatique entre utilité de la finance à l'économie et protection contre les risques excessifs que la finance et les banques pourraient prendre et qui se retourneraient justement contre l'économie – et contre les banques elles-mêmes.

Nous sommes responsables, et nous savons qu'il faut protéger la compétitivité de notre système bancaire. Notre objectif, c'est bien évidemment que l'économie française soit la mieux financée possible et que les banques françaises se portent bien. Par ce projet de loi, nous voulons les protéger d'elles-mêmes, les protéger des risques trop importants qu'elles prendraient et qui pourraient les affaiblir.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que c'est toujours au nom de l'utilité économique que tous les excès de la finance ont été justifiés à court terme. C'est au nom de l'utilité économique que la bulle immobilière s'est formée aux États-Unis entre 2005 et 2008. C'est au nom de l'utilité économique que des hedge funds sur les matières premières se sont constitués avant de devenir parfois des prédateurs contre les pays producteurs de matières premières qui avaient appelé à leur création. Et c'est au nom de l'utilité et de l'équilibre économique que des produits de couvertures complexes, les CDS, les crédit default swaps, ont été inventés avant de devenir des armes de spéculation extrêmement déstabilisantes contre les dettes souveraines de nombreux pays, comme la Grèce en 2010.

Ce projet de loi dessine la frontière entre le nécessaire et l'excessif, auquel la nature humaine est toujours tentée de succomber. Seul le responsable politique est en mesure de la dessiner. Comme disent les économistes Reinhart et Rogoff, « pays, institutions et instruments financiers peuvent évoluer dans le temps, mais non la nature humaine ». Cette frontière est dessinée par le projet de loi, qui vise quatre objectifs : éviter que ne survienne à nouveau la situation de 2008, c'est-à-dire un paysage composé exclusivement de banques systémiques, éviter que l'argent public ne soit mobilisé pour sauver des activités qui n'ont rien à voir avec le financement de l'économie réelle, préserver l'argent des épargnants et financer l'économie réelle.

Pour les atteindre, il faut combattre le risque systémique qui a conduit à l'effondrement du système économique en 2008. Ce risque est généré par la taille des banques et l'interdépendance extrême des établissements financiers. La réduction du risque systémique constitue un élément indispensable de la réforme structurelle du système bancaire.

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