Intervention de Philippe Kemel

Séance en hémicycle du 12 février 2013 à 15h00
Séparation et régulation des activités bancaires — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Kemel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président des finances, madame le rapporteur, madame et messieurs les rapporteurs pour avis, il me revient, au nom de la commission des affaires économiques, d'indiquer la manière dont cette commission a examiné le texte, d'abord pour en faire rapport auprès de la commission des finances, ensuite pour présenter un certain nombre d'observations.

La commission des affaires économiques, ayant pris connaissance du texte, a donné un avis particulièrement favorable à l'ensemble de l'organisation qui modifiera profondément les relations entre le système bancaire et le monde économique, en particulier en France.

Son premier intérêt est d'ajouter, monsieur le ministre, une pierre à l'ensemble de l'édifice de régulation économique en cours de construction en France, constitué par toutes les décisions qui furent prises pour permettre à notre pays de sortir de la crise du surendettement et d'en revenir au simple endettement. Celui-ci peut présenter un intérêt fort pour maintenir ou faire revenir la croissance, comme l'a montré Keynes dont il était question tout à l'heure.

Ce texte ajoute aussi une pierre supplémentaire à l'édifice bâti pour développer l'emploi et la compétitivité. Il s'agit de mettre véritablement le système bancaire au service de l'économie réelle. Celle-ci épargne et investit, mais on sait qu'il y a aujourd'hui, en France, un décalage de 50 milliards d'euros entre l'épargne collectée et l'investissement. Les banques doivent donc en permanence aller chercher l'épargne à l'extérieur, d'autant qu'une partie de l'épargne sort d'elles-mêmes. Leur rôle d'intermédiation, comme le rappelait Mme la rapporteure, est donc particulièrement difficile à jouer aujourd'hui, dans la mesure où les dépôts qui leur sont confiés sont insuffisants, et où leur présence sur les marchés mondiaux les expose nécessairement aux dérives du système financier mondial dont chacun connaît les effets toxiques et catastrophiques.

Je ne reviendrai pas sur la crise hypothécaire qui a amené l'effondrement d'un certain nombre de banques, Lehman Brothers en particulier. La conduite de la politique économique et nos économies en général furent alors plongées dans le malheur, en particulier l'économie réelle, puisqu'il a fallu obérer le pouvoir d'achat et la consommation des ménages pour sauver les banques, ce qui a provoqué un désordre et une dépression économiques sans précédent. Créer les conditions structurelles pour que cela ne se reproduise plus est donc une impérieuse nécessité. Il faut le faire maintenant, car les dérives d'hier montrent qu'il ne faut pas attendre, même si l'Europe ne s'engage pas assez vite vers ces nouvelles formes de régulation. Nous donnerons alors l'exemple et pourrons témoigner. Nous ferons ainsi en sorte que les banques françaises, qui bien sûr interviendront dans le système financier mondial, contribuent à réguler le système monétaire et financier mondial.

On connaît les réformes envisagées par les rapports Liikanen, Vickers et Volcker. On nous dit qu'il faut attendre pour qu'elles soient mises en oeuvre. Mais faut-il vraiment attendre 2017 ou 2019, alors que les conditions d'organisation du financement de l'économie réelle ont été structurellement déstabilisées et qu'il faut les reconstruire ? La loi qui nous est proposée permet de le faire et de donner aux banques des points de repère afin qu'elles soient véritablement au service de l'économie réelle.

Cette loi a trois objectifs : réorienter l'activité des banques au service de l'économie, instaurer davantage de régulation et défendre le consommateur dans ses relations avec le milieu bancaire. Elle répond à la volonté de créer les conditions de la régulation pour assurer la transparence de l'information qui doit être partagée entre tous les acteurs du système financier. On sait combien notre système bancaire est un système basé sur le secret. Démontrer que la transparence permettra justement au système bancaire de mieux fonctionner est aussi un enjeu de cette loi.

Dès lors, comment réorienter l'activité des banques vers l'économie réelle ? Tout d'abord par le cantonnement. Il importe de bien définir les activités qui portent la spéculation et celles qui portent véritablement le financement de l'économie. Cela suppose la sanctuarisation. Mais la frontière est fragile entre activités porteuses de l'économie réelle et activités de spéculation. D'où la proposition, faite par Mme la rapporteure, que M. le ministre fasse les arbitrages en fonction des situations. Ainsi, cette frontière pourra s'ajuster en permanence et tenir compte de la réalité. La commission des affaires économiques a présenté un amendement, que nous discuterons tout à l'heure ou demain, visant à contraindre les établissements bancaires liés aux hedge funds à communiquer leur exposition au risque chaque mois à l'Autorité de contrôle prudentiel, à même de prendre les décisions nécessaires.

La commission des affaires économiques a aussi, dans cette partie, examiné la question des activités menées par les banques dans les filiales à l'étranger, le cas échéant dans des pays aux conditions fiscales particulièrement différentes qu'on appelle paradis fiscaux. Nous nous félicitons des évolutions réalisées consistant à mettre sous surveillance les deux critères principaux. Certaines banques fournissent aujourd'hui les résultats de leurs filiales à l'étranger sans qu'on le leur demande. Peut-être faudrait-il prendre en compte cette information. Cela permettrait de bien saisir la manière dont circulent les fonds entre les sociétés mères et les filiales.

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