Je suis moi aussi très satisfait – et je ne suis certainement pas le seul – qu'un ministère soit désormais chargé de piloter toutes les politiques permettant de promouvoir les droits des femmes, mission par définition transversale. La tâche n'est pas facile ; à nous d'aider les pouvoirs publics à la mener à bien.
J'aimerais revenir sur deux sujets, Madame la ministre : l'un dont vous avez parlé, l'autre que vous n'avez pas évoqué.
Vous avez parlé des violences faites aux femmes. Dans ce domaine, les deux précédentes législatures ont apporté à l'édifice législatif de profondes et très heureuses modifications, saluées par l'ensemble des mouvements qui se mobilisent sur ces questions. Il reste toutefois beaucoup à faire. J'insisterai sur deux points.
D'abord, l'ordonnance de protection, je l'ai constaté avec Danielle Bousquet, est inégalement appliquée sur le territoire national, de manière parfois inexplicable. Nous devons faire en sorte que la magistrature se saisisse de ce dispositif très utile aux victimes. Trop de magistrats restent persuadés que l'ordonnance de protection ne sert à rien dès lors qu'il existe, dans le cadre d'une procédure en divorce, une ordonnance provisoire qui a une valeur supérieure. C'est oublier que l'ordonnance de protection concerne toutes les victimes, donc tous les couples, quels que soit leur nature et leur statut – y compris, conformément à l'intention du législateur, bien après la séparation, dès lors que l'intervention de la société reste justifiée pour éviter les violences, en particulier lorsqu'il y a des enfants.
Nous avons par ailleurs conclu que la durée de quatre mois que nous avions attribuée à l'ordonnance de protection était insuffisante. Je vous serais reconnaissant, Madame la ministre, de réfléchir à un véhicule législatif permettant de la porter de quatre à six mois. En deçà de six mois, en effet, il paraît très difficile d'organiser la sortie des violences ; au-delà, le provisoire risque de s'installer, alors même que le dispositif ne devait stabiliser la situation de la victime que pour lui permettre de trouver d'autres moyens d'en sortir.
Second problème : le logement. Que ce soit en urgence, à moyen terme ou – plus encore – à long terme, les victimes peinent à trouver un nouveau logement où elles pourraient repartir sur des bases nouvelles et plus heureuses. Il faudra donc régénérer certaines dispositions. Toutefois, ne l'oublions pas, le problème du relogement concerne également les auteurs de violences. Alors même qu'en légiférant nous n'avons cessé de souligner, à juste titre, que le principe de l'éviction du conjoint violent constituait un grand progrès, nous peinons à appliquer la décision faute de réussir à le reloger. Il faut absolument y remédier – même si l'on conçoit que la victime puisse préférer quitter la première un logement qui lui évoque d'insupportables souvenirs. D'autant qu'en l'état actuel du patrimoine, il est plus aisé de loger une personne seule qu'une famille composée de la mère et des enfants. Ainsi, une victime qui compose le 115 s'entend souvent répondre que l'on pourra l'héberger mais que ses enfants, eux, devront être placés par l'Aide sociale à l'enfance, ce qui constitue une violence de plus.
Le sujet que vous n'avez pas évoqué, bien que vous l'ayez certainement à l'esprit, est la prostitution. Sur cette question, nous avons accompli un travail considérable au cours de la précédente législature, au sein de la commission des lois et avec le concours de la délégation aux droits des femmes. Je tiens à rendre hommage à Danielle Bousquet, qui a présidé notre mission d'information sur la prostitution en France. Je souhaite que nous poursuivions ce travail et que nous le concluions sans délai. Il a déjà débouché sur une proposition de résolution signée par tous les groupes et votée à l'unanimité, puis sur le dépôt, le soir même de ce vote, d'une proposition de loi qui satisfait, dans l'immédiat et pour l'essentiel, l'exigence de responsabilisation de la société – laquelle ne saurait se réduire à la pénalisation du client, trop suggestive pour l'opinion et pour les médias. La délégation aimerait connaître votre sentiment sur l'opportunité d'une action rapide, ainsi que la méthode que vous préconiseriez.