Intervention de Jean-Yves le Drian

Réunion du 30 janvier 2013 à 14h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Jean-Yves le Drian, ministre de la défense :

Je ne reviens pas sur l'historique, me contentant de comparer la situation de notre dispositif sur le terrain aux deux dates du 24 et du 30 janvier. À ce jour, 4 000 militaires français sont mobilisés par l'opération Serval. La montée en puissance est donc significative depuis le 23 janvier. Pour les moyens aériens, sont engagés six Mirage 2000, deux Mirage F1, six Rafale, cinq C 135 ainsi que des drones – lesquels sont déployés à partir de Niamey. Je ne détaille pas les moyens terrestres.

Un groupement inter-armes équipé de véhicules blindés de combat d'infanterie (VBCI) est arrivé à Dakar. Un sous-groupement blindé est par ailleurs en cours d'acheminement, qui rejoindra les forces nigériennes à l'Est.

Lorsque j'ai fait le point devant vous le 23 janvier, nous venions de prendre Diabali sur le fuseau ouest et Douentza sur le fuseau est, et devions sécuriser la forêt de Ouagadou.

Depuis lors, nous avons repris Gao grâce à une opération héliportée. L'accueil de la population y a été excellent. Se trouvent aujourd'hui sur place deux compagnies françaises, une compagnie malienne, une section tchadienne et une section nigérienne. Le maire de Gao a pu reprendre sa place et le gouverneur de la région retrouve ses responsabilités aujourd'hui même.

La stabilisation de Gao prendra quelque temps. La prise de la ville n'a pas été facile, des combats au sol ont eu lieu et des tireurs isolés s'en sont encore pris à nos forces il y a peu. Nous avons intercepté des pick-up et constaté que des engins explosifs étaient en préparation. Mais la situation est calme. Des gendarmes maliens sont arrivés ces derniers jours pour assurer le maintien de l'ordre dans la ville.

Sur le fuseau ouest, l'opération parachutée menée à Tombouctou avec le 2e régiment étranger de parachutistes (REP) a mis un jour de plus qu'à Gao pour être engagée. Aujourd'hui, le maire de Tombouctou ainsi que le président du conseil régional sont en place, et on peut considérer que nous contrôlons la situation dans cette ville. Nous nous y sommes emparés de l'aéroport, dont le génie est en train de réparer la piste – celle-ci a été mise en état de fonctionner en un temps record. Nous nous appuyons donc aujourd'hui sur deux positionnements aéroportés, l'un à Gao, l'autre à Tombouctou, ce qui n'est pas sans importance pour la suite éventuelle des opérations. Les forces armées maliennes, pour leur part, contrôlent Léré et Goundam.

Cette nuit, nos forces spéciales ont pris l'aéroport de Kidal. À cet instant, elles n'ont pas rencontré de résistance particulière. L'opération s'est effectuée en « bonne intelligence », si je puis m'exprimer ainsi, avec les éléments locaux déjà sur place. L'acheminement de forces supplémentaires françaises et africaines, essentiellement des forces tchadiennes remontées vers le Nord, est en cours. Ces hommes sont attendus dans un jour et demi espère-t-on. Ce matin, les unités nigériennes sont arrivées à Ansongo, où nous avions frappé hier certaines cibles pour éliminer les éléments terroristes susceptibles de s'y être réfugiés et détruire des lieux de stockage et de ravitaillement.

À Kidal, la gestion politico-militaire devient plus délicate, face à des populations touarègues à l'histoire complexe. Il nous faut faire preuve à la fois de beaucoup de doigté et de sang-froid.

Les forces africaines sont organisées en deux ensembles. Le premier au Sud, avec environ un millier de militaires en provenance du Sénégal, du Bénin, du Togo, du Nigéria et du Burkina-Faso, déployés non seulement à Bamako mais aussi dans les villes alentour du Sud – Burkinabés à Markala, Togolais à San… L'armée malienne, qui était en très mauvais état technique et surtout en plein désarroi moral, a retrouvé un certain dynamisme depuis notre intervention et accompagne désormais nos forces. L'intelligence de nos militaires, notamment de l'encadrement, permet que tout se passe bien. Le deuxième ensemble des forces africaines se trouve à l'Est, avec un nombre important de soldats tchadiens, déjà intervenus dans les lieux cités, et qui devraient nous aider en soutien à Kidal dès que les conditions météorologiques le permettront. Les forces nigériennes, quant à elles, sont arrivées, je l'ai dit, à Ansongo. Elles ont aussi laissé une petite unité à Gao.

Pour ce qui est de la Mission internationale de soutien au Mali (MISMA), une conférence des donateurs s'est tenue hier à Addis-Abeba, à laquelle assistait Laurent Fabius. Les résultats ont été meilleurs qu'escompté, l'engagement de l'ensemble des acteurs s'établissant à 377 millions d'euros. Notre pays lui-même est prêt à s'engager à hauteur de 47 millions d'euros. L'Union africaine, dont le 20e sommet se tenait parallèlement à Addis-Abeba, a apporté un soutien total et unanime à l'opération française.

Nous avons bénéficié d'un appui logistique significatif, en particulier dans le domaine du transport, de la part de nos alliés européens – Allemands, Britanniques, Belges, Espagnols et Polonais –, américains et canadiens. Si une discussion a eu lieu avec les États-Unis, dont la presse s'est faite l'écho, tout est clair désormais. Ils nous fournissent des renseignements recueillis grâce à divers moyens de reconnaissance. Cette collaboration, déjà très utile, le sera de plus en plus. Ils ont également mis à notre disposition de gros porteurs C-17 pour le transport de troupes : j'ai pu constater moi-même sur la base de regroupement de Miramas le bon déroulement des rotations. Ces avions ont servi à acheminer certaines de nos troupes mais aussi, depuis le Niger, des forces africaines, qui ont ainsi pu se rassembler plus vite que prévu. La question du ravitaillement en vol est réglée, l'ambassadeur des États-Unis me l'a confirmé hier matin. Le soutien des Etats-Unis est désormais sans ambiguïté.

La mission européenne chargée de former l'armée malienne – European Union Training Mission (EUTM) – pour sa part, sera en place le 12 février. La réunion de génération de forces s'est tenue hier.

Un mot enfin sur un point trop peu mis en lumière. Les groupes terroristes ont été sérieusement « secoués » depuis deux semaines. Non seulement nous avons stoppé leur progression, mais nous avons touché beaucoup de leurs repaires et de leurs lieux de ravitaillement et avons neutralisé beaucoup de leurs combattants. Nos frappes aériennes ont donné d'excellents résultats, les combats au sol s'étant limités à Gao essentiellement.

Je terminerai ce propos liminaire en disant combien je suis fier de nos armées qui, dans un délai très court, ont réussi à mobiliser une force importante : deux semaines après la décision d'intervention du Président de la République, on comptait déjà 3 000 hommes sur place. Le centre opérationnel a fait preuve d'une grande lucidité tactique, décidant des bons enchaînements au bon moment, tenant compte aussi bien des conditions météorologiques avec lesquelles il a fallu compter que des besoins physiologiques des troupes en milieu désertique. Il a également su parfaitement gérer l'accompagnement de nos forces par les forces maliennes.

Une partie des groupes terroristes – ou ce qu'il en reste – s'est dispersée. Une partie a essayé, essaie et essaiera sans doute encore de quitter le territoire malien. La Mauritanie a renforcé la sécurité de ses frontières au droit de la forêt de Ouagadou, ce qui est bienvenu même si l'armée malienne est en train de sécuriser l'ensemble de cette zone, qui a un temps hébergé de nombreux terroristes, d'AQMI en particulier. L'Algérie, pour sa part, a soigneusement fermé sa frontière, et il est peu probable, après les récents événements, qu'on observe de laxisme de ce côté. La situation est un peu plus difficile avec le Niger, mais la présence de forces nigériennes à cet endroit laisse à penser qu'il serait compliqué pour les terroristes de fuir dans cette direction, même si le risque ne peut être totalement exclu. Enfin, le reste des terroristes s'est replié au nord de Kidal, dans l'Adrar des Ifoghas. Je l'ai dit, une formation héliportée française se trouve depuis ce matin à Kidal. Du matériel a pu y être acheminé par avion et la place sera renforcée dès que possible avec des forces françaises et tchadiennes..

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