Plusieurs questions se recoupant, j'y répondrai de façon synthétique.
Sur le calendrier tout d'abord, monsieur Candelier. La résolution 2085 des Nations unies demandant la constitution de la MISMA afin que le Mali recouvre son intégrité et sa souveraineté date du 20 décembre. Alors qu'on pensait que cette mission ne serait jamais prête avant septembre, elle est sur pied. De même, la mission d'appui aux forces maliennes, que l'Union européenne a décidé mi-décembre de mettre en place, sera très bientôt opérationnelle. Il est évident que les groupes terroristes et djihadistes ont cherché à agir avant l'arrivée de ces deux missions. Alors que la situation évoluait peu depuis l'automne, nous nous sommes aperçus les 8 et 9 janvier, grâce à nos moyens d'information, que les groupes faisaient en nombre mouvement vers le Sud. Nous avons demandé le 10 janvier au Président de la République de réunir un conseil de défense. S'il n'avait pas donné des ordres le 11 janvier à midi, les djihadistes seraient aujourd'hui à Bamako. Aurait-il fallu le 11 au matin envisager avec nos partenaires différents scénarios ? À attendre, une solution eût été ensuite beaucoup plus compliquée à apporter.
Oui, monsieur Candelier, les Nations unies devront se saisir à nouveau de la question du Mali – ce sujet est de la compétence de mon collègue ministre des affaires étrangères. Pour l'instant, la base juridique de l'intervention de nos forces réside dans l'article 51 de la Charte des Nations unies : nous avons répondu à l'appel au secours du président Traoré. Dans ce cadre, nous sommes d'ailleurs astreints à un compte rendu périodique devant le Conseil de sécurité. La MISMA, elle, se met en place sur le fondement de la résolution 2085. À un moment donné, lequel arrive plus vite qu'on ne le pensait, il faudra définir un cadre global incluant la reconstitution et le développement du Mali. Mais à l'heure où je vous parle, nous nous situons dans le double cadre juridique précité.
Monsieur Hillmeyer, il ne faut pas sous-estimer les pertes infligées aux djihadistes. Ils ont été sévèrement touchés. Nombre d'entre eux se sont dispersés – en un mot, ils sont rentrés chez eux. Les chefs se sont regroupés dans l'Adrar des Ifoghas, massif montagneux qui est déjà le désert, monsieur Deflesselles. Toutefois l'opération montée par Mokhtar Belmokhtar en Algérie n'est pas de nature à rendre les Algériens tolérants. L'Adrar des Ifoghas va donc nécessairement se réduire pour eux.
Monsieur Deflesselles, lors de la réunion d'hier soir à Matignon, je savais évidemment que nos forces allaient à Kidal dans la nuit mais, vous le comprendrez, je ne pouvais pas en parler. Le regroupement de groupes djihadistes dans l'Adrar des Ifoghas justifiait cette intervention à Kidal, d'autant que cette ville possède un aéroport.
Il est vrai, monsieur Hillmeyer qu'il existe des risques d'attentats, ici et ailleurs – les Algériens en ont fait la douloureuse expérience. C'est d'ailleurs pourquoi le ministère des affaires étrangères a décidé que le lycée français de Bamako resterait fermé pour l'instant – même si nos concitoyens présents dans la capitale malienne le déplorent. Mais nous essayons de limiter les risques au maximum. Une très grande vigilance s'impose.
Vous m'avez interrogé également sur l'armée malienne. Elle est nettement plus motivée qu'auparavant. Demeurent toutefois des problèmes de qualification et d'encadrement.
Vous avez eu raison, monsieur Pueyo, ainsi d'ailleurs que tous les intervenants, de rendre hommage à nos armées. Toujours, les bonnes décisions ont été prises au bon moment. La chaîne de décision politico-militaire n'a pas failli : chaque choix important a été soumis et décidé au plus haut niveau de l'Etat, ce qui à la fois sécurise et motive les forces. Les résultats sont pour l'instant au rendez-vous.
Sur les risques d'exactions, nous sommes extrêmement fermes. Nous avons donné des ordres précis à nos forces pour dissuader autant qu'il est possible ceux qui seraient tentés par de tels actes. Mais il faut bien reconnaître que cela ne relève pas de notre responsabilité. Nous avons fait savoir au plus haut niveau, Laurent Fabius l'a redit hier au président Traoré, que des exactions seraient inacceptables, quel que soit le sentiment de révolte et de vengeance qui les motive. Je pense que les autorités maliennes font le nécessaire pour prévenir ces comportements. À l'heure actuelle, ni nous ni la Croix-Rouge internationale n'avons eu de preuve de ce que l'on dit s'être passé à Sévaré. Cela étant, nous sollicitons l'envoi sur place d'observateurs de l'ONU. Dans la région où nous sommes maintenant, beaucoup de doigté sera nécessaire de la part de nos autorités comme des autorités maliennes.
J'en viens à la question politique. L'objectif des Nations unies est que le Mali recouvre sa souveraineté et son intégrité territoriale. Nous sommes dans ce pays en application de l'article 51 de la Charte des Nations unies, pour aider l'État malien dans ces deux objectifs. De là, qu'allons-nous faire ? Je ne vous dirai pas ce que nous ferons cette nuit sur le plan militaire !.
Le rôle de la France, de sa diplomatie d'ailleurs plus que de ses forces armées, est de permettre que s'engage un processus politique. Il faut tout d'abord que le dialogue se renoue entre le Nord et le Sud du pays. Nous pouvons y contribuer mais il appartient aussi aux autorités maliennes d'en donner le signe. Il faut ensuite que des élections soient organisées afin qu'un gouvernement légal puisse être installé et obtenir une reconnaissance internationale. Le président Traoré a annoncé que ces élections pourraient avoir lieu d'ici au 31 juillet. Il a également soumis hier à l'Assemblée nationale malienne une feuille de route relative à la reconstitution et la réconciliation du pays. Cette feuille de route, quoi que l'on en pense – il y est indiqué que les membres de l'équipe actuelle n'auront pas le droit de se présenter aux élections, à la seule exception de l'un d'entre eux ! – a le mérite d'exister et de constituer une base d'action. Tout un travail politique reste à mener.
Les forces françaises n'ont pas vocation à rester au Mali. Elles y sont pour contribuer à ce que le rétablissement de l'intégrité et de la souveraineté du pays s'effectue au mieux. Elles se retireront dès que les conditions de mise en oeuvre des dispositions internationales seront réunies. Cette position est, je le crois, bien comprise. Mais, vous comprenez pourquoi, la seule question à laquelle je ne peux pas répondre est « demain, que faisons-nous ? ».
Je vous donne rendez-vous la semaine prochaine pour un prochain point hebdomadaire, comme je m'y suis engagé.