Je souhaite préciser sur le plan technique ce qui vient d'être excellemment dit.
La pratique des acteurs des marchés financiers repose aujourd'hui presque exclusivement sur une assistance par des ordinateurs chargés de faire fonctionner des algorithmes. Ces opérations se font le plus souvent à grande vitesse, car c'est ce que l'organisation et le fonctionnement des marchés nécessitent. Ces modalités opérationnelles ne sont pas mauvaises en soi : elles font tout simplement partie des marchés et, sauf à considérer qu'il faut supprimer tous les marchés, elles doivent perdurer.
Ce qui en revanche est nuisible, c'est justement ce que l'on appelle le trading à haute fréquence. De quoi s'agit-il ? Ce sont des stratégies particulières et très sophistiquées d'arbitrage qui visent, par des transactions au millième de seconde, et parfois moins encore, à dégager un profit sans apporter de bénéfice pour le marché – le bénéfice apportant de la liquidité au marché, ce qui permet de financer l'économie.
Multiplier des ordres qui, dans leur immense majorité – parfois plus de 99 % – sont annulés avant d'être exécutés, constitue une pratique spéculative qui, pour le coup, brouille le marché et peut perturber gravement son fonctionnement. C'est bien cela que le Gouvernement entend réguler et, dans toute la mesure du possible, interdire. C'est ce que fait le projet de loi pour les banques françaises, sans pour autant, car nous retombons sur des problèmes de frontières, interdire la tenue de marché. Celle-ci en effet, en dépit des limites soulignées au cours de nos débats, permet tout de même un apport de liquidité ; elle peut être parfaitement utile et légitime.
La définition fournie par le code général des impôts – que je propose de maintenir, monsieur Paul – ne doit pas être remise en cause. Elle repose sur des paramètres techniques, tels que la vitesse des ordres ou la part des ordres annulés, qui permettent de capturer très largement les stratégies nuisibles de trading à haute fréquence. Par ailleurs, elle exempte la tenue de marché, ce qui est, comme je vous l'indiquais, souhaitable.
Votre amendement en revanche conduirait à élargir très notablement le champ de l'interdiction à l'essentiel des activités de trading, ce qui n'a jamais été l'objectif recherché et qui risquerait d'aller beaucoup trop loin. Or, s'agissant d'une interdiction, nous devons nous borner à interdire ce qui est nuisible : tel est le principe que nous affirmons dans ce projet de loi.
En outre, plusieurs amendements adoptés en commission des finances sont, selon moi, de nature à répondre aux questions que vous posez. Tout d'abord, la définition de la tenue de marché a été strictement encadrée, ce qui permettra de limiter l'exemption aux seules activités véritablement utiles. De plus, un amendement vise à renforcer le contrôle de l'Autorité des marchés financiers sur les opérations de trading automatisé, qui permettra d'identifier précisément les stratégies de trading à haute fréquence nuisibles et de faciliter les sanctions.
Enfin, l'amendement n° 168 , déposé par M. Sansu, a pour objet de permettre à l'Autorité des marchés financiers de sanctionner les tentatives de manipulation de marchés – les plus nuisibles. Cela constitue, me semble-t-il, un complément utile, en particulier pour sanctionner les pratiques nuisibles de trading à haute fréquence. En effet, il est plus facile d'identifier une tentative que la manipulation elle-même.
En bref, il me semble que si l'on combine tous ces éléments – les dispositions du projet de loi initial, les améliorations apportées par la commission ainsi que l'amendement que j'évoquais à l'instant – nous faisons bien la distinction entre ce qui est nuisible et doit être interdit, et ce qui ne l'est pas ou peut ne pas l'être, et qui ne doit pas être prohibé sous peine de créer des problèmes de liquidités et de perturber le bon fonctionnement des marchés.
C'est la raison pour laquelle je me joins à votre rapporteure pour vous demander de retirer votre amendement ; à défaut, j'appelle à ne pas le voter.