Cette affaire de trading haute fréquence dure depuis trop longtemps. Je rappelle qu'il y a deux ans et demi, une commission d'enquête sur la spéculation financière a abouti à l'unanimité à la conclusion qu'il fallait l'interdire, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, nous nous étions aperçus qu'on nous avait beaucoup menti : des opérateurs très importants prétendaient que c'était pour eux une activité marginale, et nous avons appris que pour l'un d'eux ce marginal représentait 35 % des transactions, excusez du peu !
Ensuite, on entendait toujours que le HFT – high frequency trading – était fait pour faciliter la liquidité. C'est toujours l'argument invoqué : les produits dérivés les plus complexes et les plus tordus ont toujours eu pour principale légitimation l'amélioration de la liquidité. Sauf qu'on ne voit pas très bien en quoi le HFT l'améliorerait. Je n'en conclus rien pour ce soir, monsieur le ministre, mais il faut vraiment se pencher sur la question. Les remarques de M. de Courson sont justes. D'autant que cette mécanique nécessite des moyens très importants – pas seulement quelques ordinateurs ! Nous nous sommes aperçus que certains marchés boursiers faisaient des investissements considérables pour ensuite louer leurs installations.
Enfin et surtout, au fur et à mesure que les petits porteurs, les porteurs innocents, ceux qui ne sont pas spécialistes des marchés boursiers, prendront conscience de ce qu'est le HFT, ils comprendront que les marchés boursiers ne sont plus faits pour eux et on verra leur nombre s'étioler au fil des années – quand ils auront constaté que, au bout du bout, puisqu'il faut un gagnant et un perdant sur ces marchés, ce sont les opérateurs haute fréquence qui gagnent et les porteurs de bonne foi qui perdent.
Madame la rapporteure, vous avez dit que nous ne pouvons régler cette question seuls. Il est vrai que le problème est européen, et même mondial, mais ce genre de pratique n'a aucune raison d'être. Nous avons eu à l'époque de la commission d'enquête la surprise de voir un professeur d'université, qui a inventé des produits dérivés et formé des générations de traders, venir nous expliquer que cette pratique était en réalité incontrôlable ! Deux accidents, dont un aux États-Unis, ont montré que c'était vrai : on a frisé la catastrophe. Le sujet mérite donc attention. Je n'en demande pas plus à ce stade.