Intervention de Christophe Guilloteau

Réunion du 12 février 2013 à 18h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Guilloteau, rapporteur :

Je suis très heureux de vous présenter aujourd'hui cette proposition de loi visant à élargir les conditions d'attribution de la carte du combattant. Il s'agit d'une initiative partagée par de nombreux parlementaires du groupe UMP puisque 9 autres propositions de loi identiques ont été enregistrées à ce jour auprès de la Présidence de notre assemblée.

Ce texte vise deux choses : attribuer la carte du combattant à tous nos soldats restés en Algérie jusqu'au 1er juillet 1964 et, pour nos soldats déployés en opérations extérieures (OPEX), instaurer un critère unique de 120 jours de présence sur le théâtre considéré.

Il s'agit de reconnaître l'égalité entre toutes les générations du feu et de ne laisser personne à l'écart de l'hommage que la nation rend à tous ceux qui se sont battus pour elle. Cette proposition de loi s'inscrit ainsi dans le droit fil de la rénovation de nos cérémonies du 11 novembre, initiée par le Président Sarkozy l'année dernière et poursuivie par le Président Hollande cette année.

La carte du combattant a été créée par la loi du 19 décembre 1926 pour témoigner la reconnaissance de la nation à l'égard des poilus de la Grande Guerre mais aussi des soldats de la guerre de 1870-1871 et des guerres coloniales du XIXe siècle.

Une ordonnance de 1944 a étendu son bénéfice aux combattants de la Seconde Guerre mondiale, créant ainsi ce que l'on a appelé la « deuxième génération du feu ».

La troisième « génération du feu » fut plus longue à se constituer. Si, dès 1952, les combattants d'Indochine et de Corée se vont vu reconnaître la qualité de combattant, il a fallu attendre 1974 pour que les anciens d'Afrique du Nord se voient accorder cette qualité pour ce que l'on qualifiait alors d'« opérations ». La reconnaissance de l'état de guerre en Algérie et des combats au Maroc et en Tunisie ne sera effective qu'en 1999.

Enfin, la loi de 1993 a traduit dans les textes l'émergence d'une quatrième « génération du feu », celle des opérations extérieures.

Outre le port de la croix du combattant, la carte du combattant ouvre droit à un certain nombre d'avantages : le versement, à partir de 65 ans, d'une retraite du combattant, dont le montant, grâce à l'action de la majorité précédente, est aujourd'hui fixé à 665 euros par an ; la souscription d'une rente mutualiste majorée par l'État ; l'attribution, à partir de 75 ans, d'une demi-part fiscale supplémentaire de quotient familial pour le calcul de l'impôt sur le revenu ; et l'attribution de la qualité de ressortissant de l'Office national des anciens combattants (ONAC), qui ouvre droit à un certain nombre d'aides sociales.

Il y avait, au 31 décembre 2011, un peu moins d'1,3 million de retraites du combattant versées, dont plus d'1 million pour les anciens d'Algérie et 30 000 au titre des OPEX.

Les critères d'attribution de la carte ont évolué au fil du temps pour essayer de prendre en compte les spécificités de chacun des conflits. Les critères d'attribution traditionnels étaient les suivants : avoir appartenu à une unité combattante pendant 90 jours ; avoir appartenu à une unité qui a connu 9 actions de feu ou de combat ; avoir participé personnellement à 5 actions de feu ou de combat ; et avoir été blessé ou subi la captivité selon certaines conditions.

Pour tenir compte de la particularité du théâtre algérien, une durée de présence de quatre mois de service a été reconnue équivalente à la participation à des actions de feu ou de combat. Ce critère de présence, qui se justifie par l'insécurité permanente qui régnait en Algérie du fait la guérilla, a progressivement évolué : 18 mois étaient exigés en 1998, 15 en 1999, 12 en 2000 et enfin 4 en 2004.

Pour les OPEX, à défaut d'une législation spéciale, ce sont les anciens critères qui s'appliquaient. Cette législation était en décalage avec la réalité des activités d'interposition ou de maintien de la paix qui forment une large part des opérations des forces françaises depuis 1992.

Le décret du 10 décembre 2010 a en partie corrigé ce décalage en complétant la liste des missions pouvant être comptabilisées pour l'attribution de la carte du combattant : interventions sur explosif, contrôle de foule ou action de renseignement par exemple.

L'élargissement des critères d'attribution n'en demeure pas moins insuffisant car de nombreux militaires se voient encore refuser la carte du combattant. L'ambition de cette proposition de loi est de remédier à ces inégalités.

L'article 1er de la proposition de loi vise à élargir les conditions d'attribution de la carte du combattant aux soldats restés en Algérie jusqu'au 1er juillet 1964.

Depuis la loi de 1974, les périodes à retenir pour la prise en compte des 120 jours de présence sont du 1er janvier 1952 au 2 juillet 1962 pour la Tunisie, du 1er juin 1953 au 2 juillet 1962 pour le Maroc et du 31 octobre 1954 au 2 juillet 1962 pour l'Algérie.

Or, si la guerre d'Algérie s'est bien arrêtée le 2 juillet 1962, les opérations militaires n'ont pas cessé à cette date.

La déflation des effectifs, commencée en 1961, s'est accélérée après le cessez-le-feu du 19 mars 1962, mais il restait en effet encore 305 000 militaires en Algérie en juillet 1962.

Les accords d'Évian avaient prévu le maintien d'une « force d'apaisement » de 80 000 hommes chargée de protéger pendant deux ans les installations militaires, ainsi que les biens et les colons demeurés sur place. La déflation a donc été progressive puisque les effectifs sont passés à 131 000 en janvier 1963, 50 000 un an plus tard, et ont disparu définitivement en juillet 1964.

Cela ne s'est pas passé sans heurt dans la mesure où, pour la seule période de juillet 1962 à avril 1964, les bilans mensuels de l'état-major interarmées – qui ne concernent que la gendarmerie et l'armée de terre – font état de 28 décès consécutifs à des combats ou des attentats.

Preuve de l'insécurité qui régnait en Algérie à cette période pour les militaires français qui y étaient stationnés, le décret du 25 avril 2001 leur a ouvert le droit au Titre de reconnaissance de la Nation (TRN). Le Gouvernement a ainsi reconnu non seulement l'insécurité qui régnait sur ce territoire, mais aussi l'importance des missions conférées à ceux-ci. L'article 1er propose donc de tenir compte de ce climat d'insécurité pour l'attribution de la carte du combattant.

Il s'agit là d'une revendication partagée par la plupart d'entre nous. J'en veux pour preuve, outre les 10 propositions de loi déposées sur ce sujet, les nombreuses questions posées depuis plusieurs législatures : 183 sous la précédente – dont 68 de députés du groupe socialiste – et déjà 54 depuis le début de celle-ci – dont 23 émanant de ce même groupe !

Conscient de l'effort financier très important que cela représenterait – les services du ministère évaluent le coût de cette mesure à 39 millions d'euros pour environ 60 000 bénéficiaires –, j'ai préparé un amendement destiné à « réduire un peu la voilure », du moins dans un premier temps.

Je vous propose en effet que l'on satisfasse, dès aujourd'hui, une demande sur laquelle nous nous accordons tous : l'attribution de la carte du combattant à tous ceux qui totalisent 120 jours de présence en Algérie à condition d'avoir débuté leur séjour avant le 2 juillet 1962 – ce que l'on appelle la carte « à cheval ».

C'est un sujet que nous évoquons chaque année lors de l'examen du projet de loi de finances, et chaque année le Gouvernement promet de remédier à cette situation l'année suivante !

Cette mesure, qui concerne un peu plus de 8 000 militaires et appelés du contingent, aurait un coût annuel estimé à un peu plus de 5 millions d'euros par an. Il s'agit d'une demande prioritaire des associations d'anciens combattants, que j'ai rencontrées. Si le ministre délégué chargé des anciens combattants s'est engagé à y faire droit lors du prochain budget, moi je vous propose de le faire dès aujourd'hui !

L'article 2 tend à simplifier les critères d'attribution de la carte du combattant aux soldats déployés en OPEX en créant un nouveau critère : une durée de services d'au moins quatre mois, consécutifs ou non, sur le théâtre considéré.

Il transpose ainsi aux conflits contemporains le critère retenu pour les conflits nord-africains.

Si chaque opération extérieure a des caractéristiques qui lui sont propres, il est difficile de ne pas reconnaître que les engagements de nos soldats, en Afghanistan hier ou au Mali aujourd'hui, se déroulent dans des conditions d'insécurité permanente du fait des techniques de combat utilisées par la guérilla – conditions qui avaient justifié la prise en compte de ce critère de présence pour les anciens d'Algérie.

Il a fallu attendre 1998, soit trente-six ans après la fin du conflit algérien, pour que ce nouveau critère soit pris en compte, et six nouvelles années pour que la durée soit fixée à quatre mois.

Ne faisons pas patienter nos soldats quarante nouvelles années et offrons-leur cette reconnaissance dès aujourd'hui ! Il s'agit là d'une revendication qui émerge de plus en plus parmi les associations d'anciens combattants. Ne faisons pas subir à nos soldats d'aujourd'hui le sort de leurs aînés, qui ont dû arracher leurs droits petits bouts par petits bouts !

Ce serait un signal fort de reconnaissance à leur égard que de les placer à égalité avec les générations précédentes.

La création d'un critère unique simplifierait en outre considérablement le travail du service historique de la défense, qui procède à la classification des unités combattantes.

Cette mesure n'aurait en outre pas d'impact immédiat pour nos finances publiques puisque l'âge moyen des soldats déployés en OPEX est de 25 ans. Lorsqu'ils seront en âge de toucher leur retraite du combattant, il est fort probable que les bénéficiaires actuels, essentiellement des anciens d'Algérie, auront laissé leur place. En outre, les effectifs concernés sont beaucoup moins importants.

La proposition que je vous soumets aujourd'hui, amendée dans le sens que je vous ai indiqué, constitue un texte équilibré, qui place à égalité toutes les générations du feu. En ces temps difficiles, c'est un signal fort que je vous propose d'envoyer à tous ceux qui ont défendu et défendent encore nos valeurs aux quatre coins de la planète. Je vous demande donc d'adopter cette proposition de loi.

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