Intervention de Axelle Lemaire

Séance en hémicycle du 14 février 2013 à 9h30
Séparation et régulation des activités bancaires — Article 7, amendement 203

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAxelle Lemaire, rapporteure pour avis :

J'entends la position de la rapporteure, et je la partage. J'aimerais tout de même profiter de la présence du ministre pour obtenir quelques clarifications sur cette question de la dette senior.

L'article 7 du projet de loi définit les mesures qui peuvent être prises par le collège de résolution de l'autorité de régulation en cas de défaillance d'une banque. Une telle défaillance signifie que l'établissement ne peut plus respecter ses exigences de fonds propres, ou qu'il ne peut plus assurer ses paiements, ou qu'il requiert un soutien financier exceptionnel des pouvoirs publics.

Or tout l'esprit de la loi bancaire, et en tout cas de son titre II, est justement d'éviter le recours aux fonds publics pour répondre à une situation de défaillance bancaire.

Pour ce faire, la loi prévoit que l'ACPR peut demander à la banque de lui fournir des informations, nommer un administrateur provisoire, révoquer un dirigeant, transférer d'office une branche d'activité, recourir à un établissement relais, faire intervenir le fonds de garantie, et – c'est ce qui nous intéresse particulièrement en l'espèce – estimer les dépréciations et imposer une réduction du capital, l'annulation des titres de capital ou de la dette, ou la conversion des titres.

À qui ces mesures doivent-elles être imputées ? La loi détermine un ordre des créanciers : elles sont d'abord imputées sur les capitaux propres de la banque, puis sur les titres subordonnées, et enfin sur les autres obligations. Les créanciers seniors ne sont pas mentionnés : il n'existe pas de quatrième rang dans l'ordre de ces créanciers. Il me semble pourtant que c'est le nerf de la guerre ! Faire couvrir la totalité de l'imputation par les créanciers seniors permet véritablement de réduire l'aléa moral, puisque ces créanciers savent qu'en tout état de cause, l'État n'apporte pas une garantie tacite ou implicite qui justifierait une prise de risque sans lien avec la réalité de la valeur des créances.

M. le ministre a fait référence à Alistair Darling, qui a compris que le bail-in doit, à terme, remplacer le risque de bail-out. Il faut absolument améliorer les mécanismes de renflouement interne faisant appel aux créanciers, pour éviter que le bail-out – c'est-à-dire le recours à l'État et aux fonds publics – n'intervienne au dernier stade.

Cela dit, la rédaction de cet amendement pose problème. D'abord, il ne conditionne pas son application à l'entrée en vigueur de la directive européenne en cours d'élaboration. On aurait pu envisager une telle disposition : elle est mentionnée dans l'exposé sommaire mais ne figure pas dans l'amendement proposé.

Deuxième problème : on parle des créanciers seniors sans préciser qui ils sont. Toute la difficulté consiste précisément à définir ces créanciers. En l'occurrence, vous incluez par défaut les créanciers privilégiés : vous intégrez donc les salaires, la dette aux organismes fiscaux et aux organismes sociaux, ainsi que les frais de justice. Il me semble qu'il aurait fallu les limiter a minima aux créanciers chirographaires.

En outre, il faut comprendre que la mise en place de ce mécanisme, à ce stade, uniquement au niveau national est quasiment suicidaire. La valeur des titres inclut en effet l'aléa moral, ce qui représente un coût financier sonnant et trébuchant : si cet aléa moral n'était pas inclus dans la valeur des créances, il y aurait donc pour les créanciers un véritable manque à gagner, que la Commission européenne a d'ailleurs estimé de 5 à 15 points. À ce stade, nous ne pouvons pas faire payer ce risque à nos seuls établissements bancaires. En revanche, j'aimerais obtenir un engagement de M. le ministre concernant la position de la France dans les négociations européennes sur la future directive relative à la résolution.

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