Je voudrais évoquer devant vous le problème de la place respective des personnels civils et militaires, celui de la formation professionnelle, ainsi que la réorganisation du ministère en bases de défense.
Depuis plusieurs années, la répartition des personnels entre militaires et civils dans les fonctions de soutien fait l'objet de revendications majeures de notre syndicat. Ce sujet est au coeur des débats autour de la mise en place des bases de défense et de leurs groupements de soutien (GSBdD). Nous n'entendons pas opposer deux catégories d'agents, qui sont complémentaires, mais faire observer que la place des civils ne cesse de reculer.
Nous dénonçons en effet le recours systématique à des personnels militaires engagés à la place de personnels civils dans les fonctions de soutien sans caractère opérationnel. C'est notamment le cas dans l'armée de l'air, avec des militaires affectés à des tâches de secrétariat et qui ne seront jamais déployés dans des opérations extérieures (OPEX).
Cette politique résulte d'une réticence culturelle à l'accueil de personnels civils dans les armées et de la souplesse de gestion qu'apportent les engagés volontaires contractuels (EVC).
La réforme actuelle a encore aggravé la situation puisque les référentiels en organisation (REO) des GSBdD ont été établis à partir des effectifs existants, ce qui tend à maintenir le vieux déséquilibre entre civils et militaires.
Nous ne souhaitons pas tomber dans la caricature consistant à n'affecter les militaires qu'en OPEX et les civils qu'en soutien. Car une mixité doit exister sur certains postes, les militaires ayant besoin de respirer au retour d'OPEX et devant être formés à de nouvelles compétences. Mais on comprend mal le recrutement de militaires dans des métiers tels que ceux de la restauration au motif de maintenir des capacités opérationnelles alors que, par ailleurs, on externalise cette fonction, même en OPEX.
Nous militons en faveur d'une politique de ressources humaines (RH) cohérente, seule à justifier auprès du ministère chargé du budget l'emploi du personnel sous statut dans des fonctions de soutien.
La masse salariale des personnels militaires est supérieure à celle des civils en raison des différences de grilles indiciaires et de régimes indemnitaires.
Lors des études relatives à l'externalisation de la fonction restauration, hébergement et loisirs (RHL), le ministère de la défense a reconnu que les personnels militaires n'étaient disponibles que 1 000 heures, sur 1 600, à l'inverse des personnels civils employés en totalité sur leur poste. Cela ne résulte évidemment pas d'une faible productivité des militaires mais des impératifs liés à leur statut, notamment sportifs et de formation technique.
Ce ratio de disponibilité conjugué avec l'écart de masse salariale soulève donc des difficultés et conduit trop souvent à des externalisations alors que nous avons démontré que le recours à une régie rationalisée, avec des civils remplissant les mêmes tâches que les militaires malgré des effectifs inférieurs de 40 %, générait des économies substantielles.
Nous comprenons naturellement la nécessité de la reconversion de certains personnels militaires tout en tenant compte de leurs spécificités statutaires et du recrutement par concours des personnels civils.
Les faibles niveaux de recrutement de ces derniers depuis plusieurs années ne favorisent pas le rééquilibrage des effectifs sur les fonctions de soutien. Ainsi le budget de la défense pour 2013 prévoit 22 000 recrutements, dont 21 000 militaires. Et les 1 000 recrutements restants pourraient surtout concerner des militaires en reconversion par application des règles relatives à leur détachement.
Et voilà que, sans aucune concertation préalable ni même information des syndicats, une récente note émanant du directeur des ressources humaines du ministère de la défense (DRH-MD) interdit le recrutement de personnels civils pour 2013, repousse le recours à des personnels contractuels après la période estivale et à la condition, d'une part que la déflation des effectifs précédemment prescrite ait été scrupuleusement respectée, d'autre part que les sureffectifs aient été résorbés. Sur ce dernier point, on ne connaît d'ailleurs que ceux concernant les civils : nous demandons en vain, depuis des années, qu'on nous communique aussi ceux concernant les militaires.
Les postes ouverts aux personnels civils ne peuvent être pourvus que par accueil du personnel restructuré. L'inadéquation des statuts et des métiers, comme les difficultés liées à l'éloignement géographique, expliquent en partie la vacance de certains postes pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, et l'affectation de personnels militaires.
Pour l'état-major des armées (EMA), les personnels civils manqueraient de mobilité.
Le maintien des compétences pour des métiers sensibles ou stratégiques, comme ceux du maintien du matériel en conditions opérationnelles, notamment dans l'aéronautique, se trouve menacé par l'insuffisance des recrutements. Les ouvriers de l'État subissent en effet une interdiction d'embauche depuis cinq ans, tandis que les agents de l'État pâtissent d'un gel de leurs traitements depuis deux ans.
Cette politique de RH dévoyée positionne des personnels militaires sur des fonctions qui ne leur étaient pas originellement dévolues.
Alors que des postes de responsabilité, comme ceux de chef de GSBdD, sont offerts aux personnels civils, on constate des lacunes dans la prise en compte de leur parcours professionnel de la part de la DRH-MD. La bourse nationale des emplois (BNE), instituée pour une bonne gestion des personnels dans le cadre d'une politique de restructuration, est devenue le point de passage obligatoire de ces parcours. Or elle ne saurait devenir le seul instrument de gestion des carrières.
Depuis des années, les moyens de l'administration centrale se réduisent au profit de ceux des centres ministériels de gestion (CMG) déconcentrés dont la vocation n'est pas de gérer les parcours professionnels des agents, notamment de ceux de catégorie A.
Dans son discours de campagne du 11 mars 2012, M. François Hollande avait déclaré : « Pour les civils, la place souvent recule depuis 2007 au profit des militaires qui, eux-mêmes, s'éloignent de leur métier pour exercer des fonctions qui pourraient être assurées sans avoir le statut militaire. Comment comprendre ? Donc nous devrons renforcer les unités opérationnelles avec des effectifs militaires, qui manquent souvent, en redessinant les superstructures pour consolider la place des civils dans les fonctions non directement opérationnelles. Il ne semble pas que l'on prenne aujourd'hui le chemin ainsi tracé.