Intervention de Gilles Goulm

Réunion du 6 février 2013 à 10h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Gilles Goulm, secrétaire général de la Fédération syndicale Force ouvrière de la défense, des industries de l'armement et des secteurs assimilés, FO Défense :

La réorganisation de la fonction ressources humaines pour les personnels civils du ministère de la défense est un sujet complexe. Nous ne sommes pas hostiles à la mise en place des sept centres ministériels de gestion (CMG), dont le nombre va être ramené à six, mais celle-ci a subi un certain « retard à l'allumage. » Le fonctionnement des centres, qui commence tout juste, soulève bien des difficultés. Car on pratique une fausse déconcentration : la gestion de plusieurs catégories de personnels, dont les ouvriers de l'État, qui représentent encore la moitié des effectifs de personnels civils du ministère, était déjà déconcentrée au niveau des établissements. Aujourd'hui, il n'existe pratiquement plus de fonction ressources humaines en leur sein, de même que dans les bases de défense (BDD).

Les référentiels en organisation, en vertu du principe de réduction de la dette publique et des effectifs de personnels civils, n'inscrivent plus de postes « ressources humaines » de personnels civils. On a ainsi détruit une fonction, dont par ailleurs se sont complètement désintéressés les états-majors, puisqu'on les en a dessaisis au profit de la DRH-MD et des CMG. De sorte que nous avons perdu l'expertise en matière de ressources humaines et que, si nous n'y prenons pas garde, nous allons également perdre celle de la paye. Allons-nous assister à un « Louvois des civils » ? Les CMG sont géographiquement trop éloignés des réalités du terrain et les relations de proximité entre agents ont disparu. On assiste ainsi parfois à des aberrations : c'est le CMG de Bordeaux qui va désormais gérer les personnels de l'atelier industriel de l'air (AIA) de Cuers-Pierrefeu, situé dans le Var, alors qu'il existe un CMG à Toulon !

L'expertise se perd aussi par manque d'effectifs, faute de temps pour l'acquérir. On voit aujourd'hui dans les CMG des personnels civils travailler jusqu'à 21 ou 22 heures afin d'assurer les payes compte tenu de la nouvelle organisation ! Comment pourraient-ils lever « le nez dans le guidon » et prendre connaissance de l'environnement nécessaire à se forger une expérience ?

Nous tirons aussi le signal d'alarme sur la diminution des moyens au niveau du ministère, consécutive à la déconcentration mais aboutissant à un mauvais suivi des dossiers. Nous craignons que la DRH-MD ne puisse mener efficacement les six chantiers de négociation ouverts par le ministre.

Le ministère de la défense souffre de restructurations continues depuis 1993. Il serait bon de le laisser souffler un peu.

Mais ce que nous avons supporté, à partir de 1996, n'était rien comparé à ce qui nous attendait à partir de 2007. La réforme alors engagée, prévoyant notamment la suppression d'un septième des effectifs, fut pénible pour le ministère lui-même, pour ses personnels militaires et pour ses personnels civils. Ces derniers étaient 145 000 il y a une quinzaine d'années. Ils seront bientôt moins de 60 000. Certes la direction des constructions navales (DCN) et le groupement industriel des armements terrestres (GIAT industries) étaient alors intégrés dans le ministère mais ils n'employaient pas 100 000 personnes.

Il avait été décidé, en 1996, de professionnaliser les armées, ce qui aurait dû augmenter les effectifs civils et accroître le nombre de postes de responsabilités. Cela ne s'est pas produit. Un exemple : le centre de pilotage et de conduite du soutien (CPCS) compte aujourd'hui 1 800 officiers, pour 230 personnels civils de catégorie A.

Nous avons donc le sentiment que les états-majors sont toujours parvenus à détourner à l'avantage des personnels militaires et au désavantage des personnels civils chacune des réformes engagées. Les objectifs affichés ne sont jamais respectés.

Contrairement à ce qu'a déclaré le Premier ministre lors de la dernière conférence sociale, la révision générale des politiques publiques (RGPP) n'a pas pris fin. Au ministère de la défense, les mesures précédemment décidées ont été confirmées par le ministre actuel, notamment les suppressions d'emplois prévues pour 2013. Nous craignons surtout de nouvelles réductions d'effectifs dans les fonctions de soutien au motif qu'il faut conserver la balance égale avec les réductions d'effectifs militaires. Nous avons maintenant atteint la limite de la rupture.

La RGPP présentait au moins l'avantage de fournir la réalité des chiffres. Nous savons donc qu'en 2008, 188 000 agents travaillaient dans les fonctions de soutien, dont 112 000 militaires. Si la même politique se poursuit, on arrivera à 40 000 civils et à 70 ou 80 000 militaires. Le rééquilibrage n'aura pas eu lieu.

Nous sommes certes favorables à la reconversion interne des personnels militaires mais pourquoi continue-t-on à recruter des militaires à qui on confie des missions civiles ?

Nous n'accepterons donc pas, à l'occasion de la préparation de la prochaine loi de programmation militaire, de nouvelles suppressions d'emplois civils, qui seraient en contradiction avec l'objectif affiché de « civilisation » du ministère. Les chantiers de négociation deviendraient inutiles si aucune ouverture ne se dessinait sur la répartition entre civils et militaires dans les fonctions de soutien.

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